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La taille des groupes et les rôles des membres

Auteur de la fiche Jean-Michel Cornu
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Description

Les petits groupes jusqu'à douze personnes

Une limitation cognitive de l'homme porte sur la taille d'un groupe dans lequel il peut sans l'aide d'outils comprendre ce qui se passe. L'être humain est avant tout un animal qui sait faire des alliances, c'est à dire "une union entre personnes, qui est le résultat d'une entente ou d'un pacte1". Si beaucoup d'animaux savent vivre en troupeau ou en meute, très peu peuvent choisir par eux-mêmes de participer à une alliance. Les grands singes et certains cétacés arrivent à faire des alliances jusqu'à trois, et nous les humains, sommes limités à douze2.

Pour en savoir plus : la limite de douze pour les groupes humains

L'anthropologue britannique Robin Dunbar s'est intéressé à la relation entre la taille du néo-cortex de 38 espèces de singes et la taille des groupes respectifs dans lesquels ils
vivaient3. De façon étonnante, il a trouvé une corrélation entre ces deux éléments. Il a ensuite extrapolé cette approche à l'être humain pour en déduire que la limite naturelle de la taille du réseau social d'un humain était de 148, nombre qui, généralement arrondit à 150, est appelé le "nombre de Dunbar". Ce nombre correspond à la taille des villages d'éleveurs-cultivateurs au Néolithique, et se retrouve encore aujourd'hui dans la taille des réseaux sociaux4. Ce nombre - que Dunbar considère malgré tout comme assez approximatif - détermine donc le nombre de personnes avec lesquelles nous pouvons facilement socialiser sans avoir besoin d'un outil (ces outils peuvent être par exemple, la "liste d'amis" sur Facebook, ou simplement notre carnet d'adresses, qui nous permet parfois d'être en contact avec bien plus de personnes que celles dont on se souvient...)5.

La confiance qui permet de créer des alliances nécessite cependant d'avoir non seulement une vue d'ensemble des différents membres du groupe mais aussi des liens entre eux. On parle d'approche holoptique6 (du grec holos, entier et optikós, relatif à la vue) par opposition à l'approche panoptique7 (du grec pan, tout) qui permet de voir toutes les personnes mais pas forcément les liens entre elles.

Ainsi, même si les chimpanzés ont un nombre de Dunbar d'environ 55 qui leur permet de maintenir des bandes de cette taille, ils ne savent faire des alliances qu'au maximum à trois. L'être humain, en plus d'avoir un nombre de Dunbar élevé a également une capacité d'holoptisme qui lui permet de créer des alliances avec une douzaine de personnes. La taille maximale de cette alliance correspond à 144 liens entre les personnes (en prenant en compte à la fois les personnes elles-mêmes et les différences dans le lien entre une première personne et une deuxième, et le lien réciproque de la deuxième vers la première). Ainsi, en plus de sa capacité à constituer un réseau social d'environ 150 personnes (ce qui correspond à la taille des premiers villages d'éleveurs-cultivateurs du néolithique), l'être humain est également capable de constituer une alliance qui lui permet des actions collectives plus complexes jusqu'à environ une douzaine de personnes8.


Nous ne savons donc pas coopérer normalement dans des groupes de plus d'une douzaine de personnes. Pour aller au-delà, nous avons dû développer des stratégies : mettre en place une hiérarchie pour que le chef gère au maximum une douzaine de sous-chefs qui eux-mêmes gérerons une douzaine de personnes9 ; ou bien avoir des représentants (de Dieu ou du peuple) qui nous permettent de nous focaliser sur quelques personnes suivant une structure plus centralisée en étoile ; ou bien encore faire confiance à un seul mécanisme d'échange dans le groupe - la monnaie - plutôt que de devoir connaître chaque personne et chaque interaction entre elles. Mais pourrait-on dépasser la barrière des douze pour bénéficier directement de l'intelligence collective d'un plus grand nombre sans avoir une hiérarchie, des représentants ou des mécanismes monétaires comme intermédiaires ?

L'étonnant principe du 90-9-1 dans les groupes au-delà de douze

Au-delà d'une douzaine de participants, nous ne pouvons plus suivre l'intégralité des interactions dans le groupe. Il devient plus facile donc pour un membre du groupe de ne pas participer sans que cela "se voit". Si dans un petit groupe, la participation est la norme et la non-participation l'exception, dans un grand groupe au contraire, seuls ceux qui décident de participer le font.

Mais ceux qui participent ne sont pas toujours les mêmes. Nous-mêmes, nous nous investissons dans certains groupes et pas dans d'autres, en fonction de l'intérêt que présente le groupe. Si le nombre de personnes qui sont actives nous semble trop faible, nous aurons une certaine tendance naturellement à "prendre la place". Si au contraire, plus de personnes que ce qui semble nécessaire sont déjà à l'oeuvre, nous aurons tendance à rester inactif, voire le devenir si nous étions actifs. Cela explique une règle très contre-intuitive : quelques soient les personnes dans un grand groupe, le pourcentage des personnes actives reste relativement stable, selon le principe du 90-9-110 :
Les "proactifs" qui prennent des initiatives sont entre un et quelques pour cent.
Les "réactifs" qui réagissent lorsqu'on les sollicitent sont entre dix et quelques dizaines de pour cent.
Les autres ne sont pas tous totalement inactifs. Certains sont des "observateurs11" qui suivent les travaux du groupe, les utilisent pour eux, même s'ils ne participent pas. Ainsi, il y a toute une gradation dans les rôles plus ou moins actifs que peut prendre un participant, lui permettant de s'impliquer de plus en plus... ou de moins en moins.

Les pourcentages observés dans les groupes existants corroborent bien le principe du 90-9-1. Cette règle a des implications curieuses. Imaginons un groupe d'une centaine de personnes. Nous aurons donc naturellement au moins une dizaine de personnes réactives. Imaginons que l'animateur, dépité par le fait qu'il y ait des personnes non actives, décide de les exclure pour ne se concentrer que sur le petit groupe de la dizaine d'actifs. Son nouveau groupe conservera non pas les mêmes actifs mais le même pourcentage d'actifs qui passera donc à environ... un. Il se retrouvera bien seul ! A l'inverse, prenons un groupe d'une cinquantaine de personne. Pour dépasser les cinq ou six réactifs, il faut faire pas mal d'efforts. Imaginons que cette fois on y ajoute une cinquantaine d'autres personnes moins concernées et donc qui sont plutôt susceptibles de rester inactives. On observe alors que certaines personnes qui étaient inactives, y compris dans le groupe initial, deviennent plus actives pour conserver le même pourcentage d'actifs dans le groupe. Les réactifs deviennent donc une dizaine... Ces comportements étonnants sont bien vérifiés sur le terrain : nous avons en général une compréhension approximative du nombre de membres du groupe qui permettent à certains de choisir de devenir actifs ou inactifs.

Le nombre de participants structure les groupes

Un groupe fonctionnant normalement aura donc environ 1% de proactifs et 10% de réactifs. Il faudra faire des efforts pour faire passer le pourcentage de réactifs à 20%, voir jusqu'à 40% dans des cas très exceptionnels. Pour qu'un grand groupe puisse produire autant qu'un petit groupe qui comprend jusqu'à une douzaine de personnes sans nécessiter de trop grands efforts, il devra donc avoir au minimum une centaine de participants afin d'avoir au moins une dizaine ou une douzaine de réactifs.

Entre douze et cent participants, nous sommes donc dans le cas d'un groupe intermédiaire : trop grand pour nous permettre de suivre tout ce qui se passe et donc de le gérer de façon contrainte, et trop petit pour faire aussi bien qu'un petit groupe de douze personnes sans nécessiter de grands efforts d'animation. Au-delà de cent participants, nous pouvons avec un investissement raisonnable, "passer à l'échelle" et avoir un groupe dont le nombre d'actifs dépasse la barrière des douze, à condition de prendre en compte les comportements réactifs (au moins 10%) et pas seulement les pro-actifs (au moins 1%). Il existe également une limite haute : au-delà, de un à quelques milliers de personnes, les animateurs et les autres proactifs qui prennent de fait certaines tâches d'animation représentent eux-mêmes un groupe qui lui aussi dépasse la barrière des douze, mettant en difficulté la cohérence du groupe12. Un groupe de plusieurs milliers de personnes semble donc de nouveau plus complexe à animer. Le réseau Tela Botanica des botanistes francophones a mis en place des "membres relais" afin de mieux identifier les proactifs et commencer à constituer un groupe pour développer les échanges entre eux. Au-delà, dans les groupes de plusieurs dizaines de milliers de membres, le nombre des proactifs grimpe encore pour dépasser la centaine et permettre d'autres formes de régulation et une gouvernance décentralisée et collaborative. Il existe ainsi des très grands groupes où même l'animation est gérée de façon non plus contrainte mais par opportunité. C'est le cas par exemple de grands projets en ligne comme plusieurs des versions linguistiques de l'encyclopédie Wikipédia ou encore la cartographie collaborative Open Street Map. La compréhension de ce qui facilite la mise en place et le développement de tels très grands groupes est cependant encore mal connue.

Pour en savoir plus : pour les réactifs, l'Internet est coupé en trois

Lorsque l'on souhaite travailler avec un grand groupe qui reste cependant limité à quelques centaines voire un ou deux milliers de personnes, il faut donc impérativement chercher à travailler avec les réactifs (dix à quelques dizaine de pour cent) et ne pas se limiter aux seuls proactifs (un à quelques pour cent). Sur Internet, la différence se traduit par la notion d'outils push et d'outils pull.

Un outil pull est un outil qui impose d'aller "tirer" l'information là où elle se trouve. C'est le cas par exemple des sites web classiques mais aussi des forums et des principaux outils web 2.0 pour lesquels nous devons être proactifs pour aller chercher l'information sur ces sites. Un outil push au contraire a pour but de d'amener (de "pousser") l'information jusqu'à nous, ou plus précisément jusqu'à l'outil que nous consultons régulièrement. Dans notre vie quotidienne, c'est le cas de notre répondeur téléphonique (dans une démarche pull, ne devrions aller jusqu'à la boite vocale de nos différents amis ou de notre employeur pour voir s'il n'y a pas un message pour nous ou pour tous ... C'est le cas également de notre boite aux lettres près de notre habitation, que nous consultons régulièrement et jusqu'où est acheminé notre courrier. Nous n'avons alors plus qu'à "réagir" à ce que nous avons reçu.

Dans le cas d'Internet, l'application push type est le courrier électronique. Pour travailler à plusieurs par exemple, les listes de discussions permettent d'acheminer les échanges directement dans les boites mail de chacun des participants, sans les obliger à aller de façon proactives sur le site du groupe. Mais il existe maintenant d'autres lieux que nous consultons régulièrement, qui peuvent être Facebook, Twitter, ou d'autres réseaux sociaux. Une des grandes difficultés actuellement pour travailler ensemble avec un grand nombre de personnes est que nous n'arrivons plus à tout consulter systématiquement : notre boite aux lettres chez nous et au travail, les répondeurs téléphoniques de nos téléphones fixes et mobiles, les boites mail éventuellement privées et professionnelles, nos comptes Facebook, Twitter et parfois d'autres réseaux sociaux pour notre travail ou nos projets. De plus en plus de gens ne consultent très régulièrement que leur mail, que Facebook ou que Twitter, parfois deux d'entre eux. En terme d'outils push, et donc de démarche réactive, l'internet se retrouve coupé principalement en trois, même s'il reste possible d'aller de façon proactive chercher l'information sur d'autres canaux que nous utilisons de façon moins régulière.

Dans le cas des entreprises, il existe souvent un canal privilégié. Par exemple l'usage du mail est imposé et il est ainsi possible de "pousser" des informations directement jusqu'aux différents employés. Dans ce cas, pour ne pas frustrer les proactifs qui bien que dix fois moins nombreux que les réactifs représentent les personnes les plus motivées, il peut être intéressant de permettre des démarches push aussi bien que pull. Il est possible par exemple d'associer un forum et le mail pour avoir les avantages d'une liste de discussion et des outils pull : lorsqu'un nouveau sujet est proposé sur le forum, la plupart des participants le reçoivent par mail. Il leur suffit alors de faire une réponse au courrier électronique pour que celle-ci se retrouve placée en réponse dans le forum. Ceux qui souhaitent adopter une démarche proactive tout en évitant d'encombrer leur boite de réception peuvent aller directement sur le forum pour lire les sujets, les contributions des autres et contribuer à leur tour. Suivant le nombre de participants, et pour éviter de noyer ceux qui reçoivent les informations par mail sous un trop grand nombre de messages, il est possible d'adopter pour la majorité du groupe une démarche réactive sur tous les messages (pour des groupes limités à quelques centaines de personnes)13 ; ou de ne recevoir par mail que les questions initiales, une sélection de contribution préparée par les animateurs et les synthèses des discussions pour les groupes plus grands. Ceux qui souhaitent le détail de toutes les contributions doivent alors aller chercher l'information de façon proactive sur le forum14. Dans l'idéal, le choix de recevoir toutes les contributions de façon push dans son mail ou seulement les mails importants (questions, synthèses, invitations...) devrait pouvoir rester le choix des participants, quelque soit la taille du groupe15.

Dans le cas de grands groupes rassemblant des personnes venant d'horizons différents (particuliers, diverses organisations...), lorsque l'on choisit un outil push, par exemple le mail ou au contraire Facebook, on exclut une partie des participants potentiels. Pour éviter cela, il faut pouvoir recevoir l'information et contribuer depuis le canal que l'on consulte régulièrement. Il reste à ce jour à développer l'outil qui permettra de recevoir au choix tous les échanges ou seulement les questions initiales et les synthèses, sur le canal de son choix (mail, Facebook, Twitter) et de contribuer directement depuis cet outil par une simple réponse. Cet outil doit également permettre pour ceux qui le souhaitent, d'aller chercher de façon proactive les contributions sur un outil de type forum et même de contribuer depuis cet endroit.

L'importance des grands groupes de 100 à 1000, basés sur les réactifs

Même si les très grands groupes représentent aujourd'hui un horizon nouveau qui montre qu'il est possible de collaborer avec des milliers de personnes et peut être plus, les grands groupes entre cent et mille personnes présentent un intérêt particulier pour deux raisons.

Avant de devenir pour certains des très grands groupes avec plusieurs milliers voire plusieurs dizaines ou centaines de milliers de personnes, les groupes commencent par avoir quelques centaines de membres. Il est donc important de bien comprendre le fonctionnement des grands groupes pour permettre l'émergence des très grands groupes. Par ailleurs, beaucoup de sujets n'ont pas pour vocation de réunir des milliers de personnes. Même s'il peut être nécessaire de faire grossir - parfois un peu artificiellement - des groupes de plusieurs dizaines de personnes pour dépasser la centaine de membres, il n'est pas toujours possible de faire grossir tous les groupes au-delà de quelques centaines ou milliers de personnes. Les groupes de travail de l'Internet Engineering Task Force (IETF) qui chacun développent des standards de l'internet sont typiquement de quelques centaines de personnes. Il en va de même pour les différents groupes auxquels le projet Imagination for People apporte un soutien comme partenaire et qui s'intéressent à repérer et soutenir les projets pour une facette particulière de l'innovation sociale (Fab labs, tiers lieux, monnaies, innovation au Sud, énergie, animation de groupes...).

Ces grands groupes nécessitent cependant de prendre en compte tout particulièrement les réactifs et pas seulement ceux qui ont adopté une démarche proactive qui dans ce cas ne sont pas assez nombreux.

Résumé

Dès qu'un groupe dépasse le nombre d'une douzaine de membres, chaque personne prend une posture proactive, réactive, d'observateur ou inactive et peut en changer en fonction d'un certain nombre de critères. On observe de façon assez contre-intuitive que le pourcentage d'actifs reste remarquablement constant (principe du 90-9-1) : les proactifs sont entre un et quelques pour cent et les réactifs entre dix et quelques dizaines de pour cent.

On peut en déduire différents types de groupes distingués par le nombre de leurs membres :
  • Les petits groupes jusqu'à une douzaine de personnes qui peuvent être gérés de façon contrainte (en attendant une action de chacun des différents membres) ;
  • Les groupes intermédiaires entre une douzaine et une centaine de personnes qui nécessitent plus d'efforts d'animation pour obtenir des réactions ;
  • Les grands groupes entre une centaine et un ou deux milliers de personnes qui permettent de produire de façon collaborative... à condition de se focaliser sur les réactifs ;
  • Les très grands groupes intermédiaires de plusieurs milliers de personnes où le groupe que forme les membres proactifs devient plus difficilement cohérent ;
  • Les très grands groupes au-delà de quelques dizaines de milliers où les proactifs sont suffisamment nombreux pour rendre l'animation moins contrainte ;

Les grands groupes entre une centaine et un ou deux milliers de personnes présentent un intérêt particulier : ils sont un passage obligé pour les groupes qui ont vocation à devenir très grand, et surtout ils représentent une taille qui correspond bien au nombre de personnes que l'on peut rassembler sur beaucoup de thèmes assez précis. Ils nécessitent cependant de bien prendre en compte les membres qui ont adoptés une attitude réactive (que l'on peut atteindre dans les système en ligne par des outils push comme le mail, Facebook ou Twitter plutôt que par des outils pull comme le web ou les forums) et pas seulement les proactifs qui dans ce cas ne sont pas assez nombreux.


Mot clé : #taille28

1« Alliance » [en ligne], Wiktionnaire, disponible sur <http://fr.wiktionary.org/wiki/alliance>, (consulté le 30 janvier 2014).
2Cornu Jean-Michel, « Donner : une capacité naturelle mais limitée » [en ligne], in Tirer bénéfice du don: pour soi, pour la société, pour l’économie, Stimulo, ISSN 2265-7754, 1 vol., Limoges, France, FYP, 2013, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/donner-une-capacite-naturelle-mais-limitee>.
3Dunbar Robin, « Theory of mind and the evolution of language », Approaches to the Evolution of Language (1998), p. 92‑110.
4Goncalves Bruno, Perra Nicola, Vespignani Alessandro, « Validation of Dunbar’s number in Twitter conversations » [en ligne], arXiv preprint arXiv:1105.5170 (2011), disponible sur <http://arxiv.org/abs/1105.5170>, (consulté le 30 janvier 2014).
5extrait de Cornu Jean-Michel, « Donner : une capacité naturelle mais limitée » [en ligne], in Tirer bénéfice du don: pour soi, pour la société, pour l’économie, Stimulo, ISSN 2265-7754, 1 vol., Limoges, France, FYP, 2013, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/donner-une-capacite-naturelle-mais-limitee>.
6Noubel Jean-François, « Intelligence collective, la révolution invisible » [en ligne], TheTransitioner, 2007, disponible sur <http://thetransitioner.org/Intelligence_Collective_Revolution_Invisible_JFNoubel.pdf>, (consulté le 30 janvier 2014).
7Bentham Jeremy, Panopticon; or, The inspection-house: containing the idea of a new principle of construction applicable to any sort of establishment, in which persons of any description are to be kept under inspection: and in particular to penitentiary-houses, prisons, houses of industry ... and schools: with a plan of management adapted to the principle: in a series of letters, written in the year 1787, from Crecheff in white Russia. To a friend in England, Gloucester, Royaume-Uni, Dodo Press, 2008.
8Cela correspond environ à la taille maximale d'une famille humaine, à la taille des groupes humains avant la constitution des villages au Néolithique ou encore à la taille maximale des petits orchestres de jazz qui n'ont pas de chef d'orchestre pour en assurer la direction, contrairement aux "big bands"...
9Dans les milieux très contraints comme les pompiers en intervention, on ajoute un niveau hiérarchique dès que le niveau n-2 dépasse 12 personnes (et non le niveau n-1 immédiatement en dessous comme dans les autres cas). Lors d'un incendie de forêt par exemple, les camions de 4 personnes comportent chacun un chef. Lorsqu'il est nécessaire de mobiliser 4 camions (16 personnes dont 4 chefs) un chef de niveau supérieur est mis en place.
10« Règle du 1 % » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A8gle_du_1_%25>, (consulté le 30 janvier 2014).
11« Les observateurs dans les groupes » [en ligne], Fing : groupe intelligence collective, disponible sur <http://ic.fing.org/news/les-observateurs-dans-les-groupes>, (consulté le 30 janvier 2014).
12Ce phénomène ne se passe pas avec les réactifs qui réagissent aux propositions des animateurs ou des autres réactifs mais interagissent moins entre eux et ne constituent donc pas un sous-groupe en tant que tel mais seulement une partie du groupe principal.
13La Fondation Internet Nouvelle Génération à ainsi développé en 2012 un outil permettant de contribuer par mail (démarche push) sur les forums installé sur son réseau social (démarche pull) dans le cas de ses travaux collectifs tels que Question Numérique ou Digiworks qui rassemblent entre cent et trois cent participants : « Réseau social de la Fing » [en ligne], Réseau FING, disponible sur <http://www.reseaufing.org/>, (consulté le 30 janvier 2014).
14Le groupe Adeo (13 enseignes de bricolage dans le monde : Leroy Merlin, Weldom...) a testé en 2013 l'association d'un forum et du mail pour n'envoyer à tous les membres que les questions, sélections de contributions et synthèses aux 1500 membres de la société participant aux échanges sur la définition de la stratégie du groupe. Dans ce cas, tout le monde reçoit la même information (limitée) par mail et seuls les proactifs vont chercher s'ils le souhaitent, le détail sur le forum (outil pull).
15Le groupe de prospective numérique de Franche Comté, utilise une liste de discussion pour ses échanges, mais certains des membres ont choisi de ne pas recevoir les mails de la liste (tout en y étant inscrit pour pouvoir y poster des contributions). Ils sont alors mis en copie -actuellement de façon manuelle - des mails importants : synthèses et invitations.
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Le choix a posteriori

Auteur de la fiche Jean-Michel Cornu
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Description Les stratégies que nous utilisons dépendent de notre perception des problèmes à traiter et des approches possibles pour leur apporter des solutions 1. L'adoption d'une stratégie a un impact sur le moment où nous allons effectuer des choix.

Une première stratégie : la planification

Un des problèmes les plus fréquemment rencontré est la rareté. Beaucoup de choses peuvent être rares : l'argent, les matières premières, la main d'oeuvre, etc. Une approche possible cherche à optimiser nos actions pour ne pas gâcher les ressources rares et devenir plus efficace en faisant des choix "a priori". On parle alors de planification. Mais la mise en oeuvre de cette stratégie nécessite de pouvoir prévoir le résultat de nos choix. D'immense progrès ont été réalisés depuis trois siècles dans le domaine de la prévision et la façon de la réaliser. Tout d'abord dans les sciences physiques avec Newton, puis dans les sciences humaines avec par exemple les travaux de Taylor sur la planification du travail. Cette première stratégie, très utilisée encore de nos jours, est bien adaptée à un milieu contraint mais prévisible.

Une deuxième stratégie : la négociation

Mais dans certains cas, il ne nous est pas toujours possible de prévoir et chercher à planifier peut conduire à une stratégie peu efficace. Henry Ford disait : "Les gens peuvent choisir n'importe quelle couleur pour la Ford T, du moment que c'est noir". Mais de nos jours les gens choisissent de façon bien plus diverses et il devient difficile d'effectuer les choix a priori. Une deuxième stratégie s'est développée pour traiter les situations mal prévisibles où les ressources sont rares. Il s'agit de la négociation. Le choix se fait alors au présent. C'est le cas par exemple de l'économie de marché dont la compréhension s'est fortement développée il y a 150 ans. La fixation d'un prix se fait au cours de la négociation entre l'offre et la demande.

Il existe de grands débats pour savoir s'il vaut mieux choisir la planification ou l'économie de marché, pas seulement au sein des états, mais également dans le fonctionnement des collectivités ou des entreprises. Faut-il mieux prévoir ou bien choisir à chaque instant en fonction d'une négociation ? La meilleure stratégie dépend des conditions dans une situation donnée et il peut être intéressant d'avoir une connaissance approfondie des différentes stratégies possibles pour choisir la plus efficiente pour une situation donnée.

Une troisième stratégie : le choix a posteriori

Il y a donc un antagonisme entre des stratégies basées sur la prévision ou la non prévision. Nous pouvons supposer qu'il en existe un également entre la rareté et l'abondance. De fait, il existe une troisième stratégie qui cherche à traiter plus spécifiquement l'imprévisibilité que l'on rencontre dès que l'on travaille avec des personnes ou dans le domaine de l'innovation. Cette fois la solution passe par l'abondance, ou plus exactement par le développement d'une abondance de possibilités pour permettre a posteriori de faire le meilleur choix possible.

Cette approche ne nous est pas si facile car nous avons depuis très longtemps l'habitude de traiter la rareté plutôt que l'abondance. Même si toutes ces stratégies sont utilisées depuis la nuit des temps, nous n'avons que 300 ans d'expérience dans le développement d'une science de la prévision qui fonde la planification et 150 ans dans notre compréhension de l'économie de marché qui a développé une société de la négociation à chaque instant. Pour ce qui concerne les approches basées sur l'abondance et l'imprévisibilité, notre compréhension plus fine n'a que quelques dizaines d'années 2. Cette stratégie nécessite de l'abondance pour avoir du choix. Nous pensons au contraire que tout est rare. Ce n'est pas toujours vrai. Nous sommes parfois "obligés" de brûler des surproductions de tomates pour ne pas mettre en péril notre stratégie de marché basée sur la rareté et l'imprévisibilité... Mais dans le cadre de l'information, c'est au contraire l'abondance qui est la plus naturelle, du fait d'une qualité que les économistes nomme "non-rivalité" : une information donnée a quelqu'un est toujours disponible pour celui qui l'a fournie. De fait, l'information ne se "donne" pas mais plutôt se duplique, conduisant à une multiplication et dans certain cas à une abondance. L'abondance n'est pas simplement une stratégie pour gérer une situation où la meilleure solution n'est pas prévisible facilement, elle comporte ses propres difficultés : tout comme la rareté, il faut apprendre à gérer l'abondance, voire la surabondance.

Cette stratégie particulière a été décrite à la fin des années 1990 par Eric Raymond 3, en l'appliquant spécifiquement au logiciel libre, sous le nom de "loi de Linus4" : "Étant donné suffisamment d'observateurs, tous les bogues (les erreurs dans un programme) sautent aux yeux". Dans un cadre plus général, nous pourrions définir cette loi comme "Étant donné qu'il y a suffisamment d'observateurs, toutes les pistes applicables à un problème donné sautent aux yeux". Cela est particulièrement vrai si, au lieu de poser la question individuellement à un grand nombre de personnes, nous montrons à chacun l'ensemble de toutes les pistes déjà évoquées. Cela permet de se concentrer sur celles qui n'ont pas encore été citées et donc de trouver des pistes que personne n'aurait cité au premier abord.

Les trois stratégies

Schéma sur la rareté et l'abondance

Nous avons donc trois possibilités (si on omet le cas d'une situation à la fois abondante et prévisible qui semble poser moins de problème ou qui, dans le cas contraire peut être abordée par l'une ou l'autre des stratégies) : planification, négociation, choix a posteriori. Chacune correspond à un contexte particulier. Ainsi planifier la recherche scientifique, par définition imprévisible, pose un problème. De même, traiter par une stratégie "a posteriori" l'envoi d'un homme dans la lune consisterait à envoyer un maximum de fusées habitées en espérant que l'une d'elle arrive à bon port ! La vie humaine étant rare et précieuse, une solution par l'abondance n'est certainement pas adaptée dans ce dernier cas... Le problème est que nous ne maîtrisons souvent qu'une stratégie, voire deux au maximum. Ainsi, plutôt que de choisir la meilleure, nous appliquons celle que nous connaissons. Même si nous maîtrisons les différentes stratégies, il n'est pas toujours aisé d'en choisir une. Beaucoup de situations sont en partie prévisible et en partie imprévisible. Elles comportent certains aspects rares et certains plus abondants.


  • 1 Ces idées ont été présentées à l'origine dans Cornu Jean-Michel, Fondation internet nouvelle génération (éd.), « L’abondance comme moyen d’information » [en ligne], in Jean-Michel Cornu et Fondation internet nouvelle génération (éd.), Internet. Tome 2, services et usages de demain, Les Cahiers de l’Internet (Imprimé), ISSN 1635-849X 3, 1 vol., Paris, France, FING, Fondation internet nouvelle génération, 2003, disponible sur <http://fing.org/IMG/pdf/internet2.pdf>.
  • 2 La prévision est devenue une science à partir de la mécanique de Newton et la négociation à partir du développement d'une science économique avec Adam Smith, Les questions liées à l'abondance et la non prévisibilité se sont surtout développées lorsque les différentes briques qui constituent les sciences de la complexité ont commencé à être rassemblé dans un tout cohérent avec les approches de l'école de Palo Alto ou encore celle d'Edgar Morin.
  • 3 Raymond Eric S., Young Robert Maxwell, The cathedral and the bazaar: musings on linux and open source by an accidental revolutionary [en ligne], 1 vol., Sebastopol, Calif., Etats-Unis, O’Reilly, 2001, disponible sur <http://www.catb.org/~esr/writings/cathedral-bazaar/cathedral-bazaar/>.
  • Raymond Eric S., « La cathédrale et le bazar » [en ligne], trad. Blondeel Sébastien, disponible sur <http://www.linux-france.org/article/these/cathedrale-bazar/cathedrale-bazar_monoblock.html>, (consulté le 30 janvier 2014).
  • 4 « Loi de Linus » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Linus>, (consulté le 30 janvier 2014).

Pour en savoir plus : le cas des groupes entre 100 et 1000

Traiter des questions avec un groupe constitué d'un grand nombre de personnes peut être abordé avec une stratégie d'abondance. Lorsque le groupe est constitué d'un nombre de membres compris entre une centaine et un ou deux milliers, nous devons cependant utiliser des méthodes qui prennent en compte les personnes qui ont une attitude réactives et pas seulement celles proactives. Dans ce cas, il est possible d'appliquer la "loi de Linus" et de profiter de l'abondance de points de vue pour "ouvrir les possibles" et découvrir un grand nombre d'approches face à une question particulière. Cela est d'autant plus vrai s'il s'agit d'un groupe et pas seulement d'un ensemble de personnes qui ne communiquent entre elles. Il devient alors possible par les échanges entre les membres, de trouver des pistes auxquelles personne n'aurait pensées en première approche sans avoir entendu les pistes des autres. Si en plus nous donnons aux membres du groupe une vision d'ensemble des propositions déjà faites, cela permet à chacun, depuis son propre point de vue, d'identifier de nouvelles pistes pas encore proposées. Par étapes successives, les contributions de chacun sont de plus en plus influencées par celles des autres et il arrive alors assez souvent d'aboutir à des pistes totalement nouvelles qui ne peuvent plus être attribuées simplement à un des contributeurs. Cette approche est le fondement même de "l'intelligence collective".
S'il est nécessaire de faire un choix ensuite (et seulement ensuite) d'une solution parmi toutes les pistes citées, il peut s'en trouver facilité car les propositions qui arrivent le plus tard sont souvent bien plus intéressantes que celles du début qui elles sont attachées aux personnes. Ainsi, lorsqu'il s'agit juste de choisir parmi les idées originelles des membres, chacun s'attache avant tout à défendre son idée pour ne pas perdre la face et si possible gagner l'estime du groupe.
Mais si les pistes les plus intéressantes ne peuvent plus être attribuées exclusivement à un des contributeurs, alors la question du choix se concentre réellement sur l'identification de la solution (ou mieux des solutions). Cela n'empêche pas des avis différents mais évite simplement de concentrer le débat sur la défense de "son" idée. Par ailleurs, dans beaucoup de cas, il n'est pas nécessaire de choisir parmi toutes les pistes évoquées, mais simplement de les conserver pour présenter la diversité des façons possibles de faire. C'est le cas par exemple de la construction collective d'un guide présentant comment mettre en place un projet. Il n'est alors pas nécessaire de sélectionner une seule solution. Au contraire, il est souvent bien plus intéressant de présenter plusieurs approches parmi lesquelles le lecteur pourra choisir en fonction de son contexte particulier.

Par ailleurs, toujours dans le cas de groupes entre une centaine et un ou deux milliers de membres, le nombre de personnes prenant un rôle proactif, et a fortiori celles participant à la coordination du groupe est réduit : le plus souvent une ou quelques personnes. Nous ne sommes plus dans ce cas dans un contexte d'abondance et la stratégie "a posteriori" n'est pas adaptée à la coordination des groupes alors qu'elle l'est pour le travail effectué par le groupe. La coordination d'un grand groupe entre 100 et 1000 (contrairement aux très grands groupes où le nombre de proactif est lui-même abondant) est donc contraint et les animateurs ont moins le droit à l'erreur. Ils doivent aborder des stratégies de planification ou d'adaptation à chaque instant pour prendre en compte la rareté des ressources de coordination disponibles.


En résumé

Il existe plusieurs stratégies en fonction de l'environnement dans lequel on se situe :
La planification : dans une situation prévisible mais où les ressources sont rares, il faut prévoir pour optimiser les ressources et ne pas les gâcher ;
La négociation : lorsque les ressources sont rares mais que la situation n'est pas prévisible, la négociation permet de faire un choix au présent à défaut de pouvoir le faire à l'avance ;
Le choix a posteriori : lorsque l'on peut disposer d'une abondance de ressources (grand groupe, information abondante) mais que la situation n'est pas prévisible, alors il vaut mieux susciter une abondance de choix et ne choisir qu'a posteriori, parmi toutes les possibilités ;
Souvent nous ne choisissons pas notre stratégie mais utilisons celle que nous maîtrisons, quelque soit le contexte. Il est important de s'adapter à notre environnement pour choisir la meilleure stratégie.
Parfois, la situation peut être prévisible pour certaines choses et imprévisible pour d'autres, certaines ressources peuvent être abondantes et d'autres rares. Dans ce cas, il faut pouvoir s'adapter et même jongler avec les stratégies.
Par exemple dans un grand groupe au-delà de cent personnes, il est possible, grâce au nombre suffisant de membres adoptant un rôle réactif, de faire ressortir le maximum de points de vue et de ne choisir qu'a posteriori ceux que l'on souhaite conserver : "Étant donné suffisamment d'observateurs, toutes les pistes applicables à un problème donné sautent aux yeux". Mais si le groupe est plus petit que un ou deux milliers de personnes, le nombre de membres qui adoptent une attitude proactive et a fortiori le nombre de personnes qui participent à la coordination du groupe est faible. La coordination de groupes inférieurs à quelques milliers doit donc faire appel à des stratégies de planification et/ou de négociation.


Mot clé : #choix28
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La convergence

Auteur de la fiche Jean Michel Cornu
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Description

Faciliter la convergence par les biens communs et un environnement d'abondance

Le paradoxe de la tragédie des biens communs

Dans un texte devenu célèbre " La tragédie des biens communs " 1, Garret Hardin présente les trois seules solutions pour vivre ensemble avec un ensemble de biens à partager. Il y décrit un champ, propriété collective d'un village. Des paysans y font paître leur bétail. Ce dernier consomme l'herbe et dégrade ce bien commun en laissant derrière lui des portions boueuses. En l'absence d'une politique réellement appliquée, l'intérêt de chaque paysan est de profiter le plus vite possible du champ en y envoyant le maximum de bêtes en retirer le maximum de valeur avant que l'ensemble du champ ne se transforme en mer de boue.
La tragédie des biens communs ne prévoit que trois issues possibles à cette situation :
  • Le champ devient un immense champ de boue.
  • Une personne qui dispose d'un pouvoir de contrainte alloue les ressources au nom du village.
  • Le champ est découpé en espaces gérés par chaque paysan disposant alors d'un droit de propriété.
Eric Raymond 2 reprend cet exemple pour montrer combien la coopération n'est a priori pas si simple.

Tragédie don
Eric Grelet - CC By Sa

Les limites de la tragédie

Réconcilier l'intérêt individuel et l'intérêt collectif ne semble pas évident dans le cas de figure décrit dans la tragédie des biens communs (sinon, nous vivrions mieux depuis longtemps !). Pourtant, si Hardin conclut dans son ouvrage que les seules solutions à l'absence de responsabilités des hommes sont dans la privatisation des biens communs et/ou dans l'interventionnisme de l'état, il reconnaît plus tard que son postulat de départ n'est pas toujours valide. Son collègue Gary Warner indique : "Hardin a reconnu plus tard que la caractérisation des aspects négatifs des bien communs... était basée sur une description... un régime ouvert, non régulé par une autorité externe ou un consensus social." 3

Sans destruction le territoire n'est plus limité

Il existe d'autres cas encore qui mènent à des conclusions différentes : Dans la tragédie des biens communs, le bétail consomme l'herbe et détruit progressivement le champ. Dans le domaine des biens immatériels tels que les logiciels informatiques, les contenus, l'art ou la connaissance, la règle du jeu est intrinsèquement différente : la lecture d'un texte ne le détruit pas, donner une information à quelqu'un ne veut pas dire que l'on n'en dispose plus.
Cette simple différence est lourde de conséquence. Cela veut dire que l'échange conduit à une multiplication de la valeur et que le territoire n'est plus aussi limité qu'avant. Comme le dit très joliment Jean-Claude Guédon, professeur au département de littérature comparée de l'université de Montréal : " Un oiseau numérisé ne connaît pas de cage".

Une nouvelle notion de la propriété

La notion de propriété ne disparaît pas pour autant. Par exemple dans le développement de logiciels libres, assez souvent, une personne détient le droit d'intégrer les modifications proposées par tous. Raymond l'appelle le "dictateur bienveillant." Mais tout le monde peut venir utiliser, copier ou redistribuer librement le logiciel produit collectivement. Tout le monde peut circuler librement sur le territoire du propriétaire et c'est justement cela qui lui donne de la valeur.

Une nouvelle notion de l'économie

L'économie elle-même a été basée sur les échanges entre deux protagonistes (la transaction), et la consommation in fine par celui que les experts appellent " le destructeur final " (le consommateur.) Si nous voulons comprendre au mieux les règles du domaine des biens immatériels, nous devrons étendre les analyses actuelles pour prendre en compte : les échanges collectifs (avec un équilibrage global et non plus élémentaire) et l'utilisation sans consommation de biens.

L'économie du don

Un des exemples d'économie qui ne soit pas basé sur la transaction, ressemble fort a priori à une utopie. Il s'agit de l'économie du don telle qu'on la trouve dans quelques environnements très spécifiques.
L'expression " économie du don " ne doit pourtant pas être comprise comme une sorte d'utopie qui pousserait chacun à devenir altruiste même si cela va à l'encontre de son intérêt personnel. Il s'agit plutôt d'un mode d'échange asymétrique. Lorsque monnayer un bien n'a plus de sens car il est abondant et facile à trouver, et lorsque l'on a satisfait ses besoins minimaux de survie, la seule chose que l'on puisse encore rechercher est l'estime de la communauté. Le fait que la contrepartie du don passe par l'ensemble des autres personnes aide à faire converger les intérêts individuels et collectifs.

L'abondance source du don

L'un des éléments clés qui favorise le basculement d'une économie d'échange vers une économie du don est le passage de la pénurie à l'abondance. L'abondance signifie que les acteurs ont résolu leurs besoins de sécurité et qu'ils recherchent autre chose comme par exemple de la reconnaissance. L'abondance peut exister, nous l'avons vu, dans le domaine des biens immatériels et dans le domaine du savoir...

Quelques exemples d'économie du don

Il existe différentes communautés qui bénéficient à la fois de la sécurité matérielle et de l'abondance. Dans ces différents cas, ces communautés ont vu émerger naturellement une économie du don.
Dans certaines îles tropicales, la nourriture est abondante. Marcel Mauss a étudié la mise en place du don et ses différentes caractéristiques4.
Plus près de nous, la communauté scientifique a depuis très longtemps une habitude du partage de toutes ses découvertes. Les colloques sont l'occasion de présenter à tous ses résultats et d'en retirer considération et estime.
La communauté des développeurs de logiciels libres a suivi un chemin similaire. Il s'agissait au début de chercheurs travaillant dans divers laboratoires et universités (ils bénéficiaient donc d'une relative sécurité matérielle.) Ils ont appliqué avec succès les mêmes méthodes que les scientifiques dans le domaine apparemment plus industriel du logiciel.
Enfin, la petite communauté des personnes particulièrement riches passe beaucoup de temps à s'investir dans de grandes causes humanitaires pour gagner l'estime de ses contemporains.

L'abondance est...abondante

Le champ touché est bien plus vaste qu'on ne peut l'imaginer. Si les biens matériels semblent limités pour une majorité de personnes, il peut en aller autrement avec les biens immatériels. Ainsi le proverbe de Kuan-Tseu " Si tu donnes un poisson à un homme, il se nourrira une fois; si tu lui apprends à pêcher, il se nourrira toute sa vie ". Le poisson est un bien de consommation qui peut être rare s'il vient à manquer ou si peu de personnes pêchent. Apprendre à pêcher est au contraire un savoir qui devient de plus en plus abondant à chaque fois qu'une personne apprend à pêcher à une autre.

Les règles du don

Tout n'est pourtant pas rose dans le monde de l'abondance et du don. Le changement des règles du jeu ne fait pas de tout le monde un altruiste.
Des dérives sont ainsi observées lorsqu'une ou plusieurs des caractéristiques qui forment le don ne sont pas respectées. L'économie du don est simplement régie par des règles propres différentes de celles de l'économie basée sur la consommation.

Première déviation : entretenir la pénurie

Une des premières déviations consiste à fabriquer artificiellement de la pénurie pour revenir aux règles mieux connues de l'économie de la consommation. Cela est courant sur des biens matériels tels que le pétrole. Il est également possible de rendre "usables" ou plus précisément "obsolètes" des biens immatériels. L'industrie du logiciel y a tellement bien réussit que l'administration fiscale considère en France que la durée d'amortissement d'un logiciel est de 1 an, soit beaucoup moins que le matériel informatique !
Si les brevets, les droits de propriété intellectuelle et la mode ont pour objectif de protéger la création, ils doivent cependant être étudiés avec beaucoup de soin pour ne pas devenir une arme contre l'abondance et... la création.

Première règle : l'abondance préservée et bien répartie

Le projet doit porter sur un bien qui peut devenir abondant pour favoriser une économie du don. Cela devrait être le cas des biens immatériels non consommables (la connaissance, les logiciels, les contenus...). Dans ce cas, l'échange conduit à une multiplication de la valeur. Souvent le passage à une économie d'abondance ou de pénurie ne dépend pas seulement de l'abondance du bien au départ mais également des mécanismes de répartition et de protection.

Deuxième déviation : Donner pour écraser l'autre

Malgré le sens altruiste que peut sembler avoir " l'économie du don ", il s'agit simplement d'une économie avec des règles ni meilleures ni pires, simplement différentes. Ainsi Maurice Godelier, décrit les règles d'un don particulier : le potlatch. Il s'agit d'un don ou d'une destruction à caractère sacré, constituant un défi à l'autre de faire un don équivalent. " Dans le potlatch, on donne pour écraser l'autre par son don. Pour cela on lui donne plus qu'il ne pourra rendre ou on lui donne beaucoup plus qu'il n'a donné "5.

Deuxième règle : L'évaluation est globale et décentralisée

L'autre grand changement réside dans l'évaluation. Elle se fait de façon décentralisée, par tous et sur l'ensemble des dons réalisés. Cela est très différent de l'économie d'échange qui évalue chaque transaction de façon unitaire. Une des conséquences est que l'évaluation est empirique et dépend de chacun. Elle n'est pas mesurable car il n'est pas possible de comparer de façon certaine la reconnaissance obtenue avec une unité donnée.

L'exemple des benchmarks

Dans l'économie d'échange, les "benchmarks" (critères communs de référence) sont de plus en plus communs et répandus dans les marchés mondiaux, chacun peut plus ou moins en appréhender l'évolution. Dans l'économie du don chacun a son propre "benchmarking system" en fonction de ses critères subjectifs propres. Mais le phénomène de groupe pourrait générer l'apparition de benchmarks localement reconnus.


Nous verrons plus loin les règles à respecter pour mettre en place un mécanisme d'évaluation auto-régulé.

Troisième déviation : réclamer son dû

Une autre déviation est de demander un retour pour son don à la personne qui en a bénéficié ou à sa famille, au lieu d'attendre de le recevoir de l'ensemble de ses pairs. Cette déviation est souvent observée dans les familles africaines qui ont par ailleurs une grande tradition de solidarité et de coopération.

Troisième règle : Une contrepartie non demandée-le mécanisme à deux temps

Une troisième chose qui change dans l'économie du don, est ce que gagne le donneur. Dans l'économie basée sur la transaction individuelle, celui qui donne un bien demande en échange un autre bien équivalent ou une représentation de la valeur du bien (de l'argent). Lors d'un don, le donneur n'attend pas de retour de celui qui reçoit et n'attend pas même de retour immédiat. Il reçoit ultérieurement de la reconnaissance par l'ensemble de la communauté qui évalue non pas chaque don mais l'ensemble de ce qu'il a apporté. Cette reconnaissance lui apporte dans un deuxième temps des avantages comme nous le verrons plus loin.

Ainsi, il n'est pas nécessaire d'attendre de tous de l'altruisme pour mettre en place des projets faisant appel à la coopération. Les donateurs retirent des avantages qui sont simplement plus subtiles à comprendre car ils s'inscrivent dans une logique en deux temps qui apporte des bénéfices dans la durée.
Unité donnée.

Résumé

Une économie du don émerge lorsque les biens communs sont abondants. Celle-ci implique de nouvelles notions de propriété et d'économie.

Les échanges de bien immatériels conduisent normalement à une multiplication de la valeur et à leur abondance. Il est souvent possible de faire des choix qui poussent vers la pénurie ou vers l'abondance.

Il existe des règles du don qui si elles ne sont pas respectées conduisent à des déviations :

  • L'abondance doit être préservée et bien répartie pour éviter le retour à une économie de la consommation.
  • L'évaluation doit être globale et décentralisée pour ne pas qu'un don particulier serve à écraser l'autre.
  • La contrepartie ne doit pas être demandée à celui qui reçoit pour éviter les dettes...

Faciliter la convergence en donnant une vision à long terme

Le dilemme du prisonnier

L'exemple du " dilemme du prisonnier " présente un paradoxe où des personnes peuvent agir à l'encontre de leur propre intérêt. Un malfaiteur et son complice sont pris par la police. Chacun a le choix de trahir ou de ne pas trahir l'autre mais ne connaît pas à l'avance la réaction de son complice. Dans cette situation si les deux s'entendent, ils s'en tireront globalement mieux. Mais l'un peut être tenté de trahir son complice pour ne pas être le seul inculpé pour le cas où l'autre le trahirait. Il peut également dans ce cas bénéficier par sa dénonciation d'une peine allégée. Très souvent, dans le doute, les deux prisonniers se dénoncent l'un l'autre et se retrouvent tous les deux perdants 6.

Ce type de situation se rencontre assez fréquemment dans la vie. Ne sachant pas comment va réagir l'autre nous envisageons le cas où il nous trahit (ou plus simplement le cas où il ne coopère pas). Dans ce cas où l'autre ne joue pas le jeu, la situation la moins mauvaise pour nous est de ne pas jouer le jeu nous même. Pourtant, d'un point de vue plus global, le gain est bien plus important pour chacun si les deux coopèrent.

La méthode CRP

Le "dilemme du prisonnier" a été étudié dans le cadre de la théorie des jeux.. En l'absence d'information sur la réaction de l'autre, la réponse individuelle la moins mauvaise va à l'encontre de l'intérêt collectif. Pourtant, les résultats changent lorsqu'il ne s'agit plus d'un événement unique mais de plusieurs itérations. Dans ce cas, chacun peut obtenir au fur et à mesure des informations sur la façon dont l'autre va réagir.

Les simulations qui ont été faites montrent que la solution la plus efficace est de commencer par coopérer puis de calquer son attitude sur les réponses de l'autre : S'il coopère, on coopère également, s'il trahit, on fait de même.

Plus précisément, la stratégie la plus efficace a été découverte en 1974 par le philosophe et psychologue Anatol Rapaport cité par Bernard Werber 7 : il s'agit de la méthode CRP (Coopération-Réciprocité-Pardon). Dans ce cas, on commence par coopérer, puis en fonction de ce que fait l'autre personne on calque son attitude sur la sienne, et enfin on remet les compteurs à zéro en étant prêt à coopérer de nouveau. Cette façon de faire est la plus efficace pour qu'une personne qui a trahi comprenne à la fois que vous ne vous laisserez pas faire, mais que vous êtes prêt à repartir sur une base de coopération.

Permettre le maximum d'occasions d'interactions dans la durée

De ces deux exemples, nous pouvons constater que lorsque l'expérience est unique, la tendance est à la trahison, alors qu'après des essais répétés, il devient possible d'avoir une stratégie qui converge vers la coopération.

Pour permettre à ces différentes interactions de s'opérer, il faut avoir passé suffisamment de temps ensemble. Mettre des personnes ensemble dans la durée et créer entre elles un lien de confiance est la définition même d'une communauté.

Une communauté pour une coopération dans la durée

Une des façons la plus efficace de faire coopérer des personnes est de créer un esprit de communauté. Cela implique un sentiment d'appartenance et une confiance réciproque entre les membres.

De nouveau, en proposant des nouvelles règles du jeu, cela ne veut pas dire que chacun est devenu altruiste. Il existe donc des risques pour les communautés qui peuvent produire un résultat inverse de celui attendu.

Premier danger : La communauté meurt avant d'avoir une histoire

Le démarrage de la communauté est le moment le plus sensible. Lorsque les interactions entre les membres de la communauté se développent, il y a naturellement des trahisons qui conduisent à des conflits.

Le démarrage d'une communauté est un passage obligé. Les avantages de la communauté ne sont pas encore là, et les étapes multiples qui pourraient permettre de sortir du dilemme du prisonnier n'ont pas encore pu s'opérer.

Première règle : Donnez aux personnes une vision à long terme

Nous avons vu que la méthode optimum était de commencer à coopérer (quitte à agir ensuite à l'inverse suivant les réactions de l'autre). Il est donc possible de favoriser la coopération entre des personnes qui n'ont pas de passé commun si ces personnes ont la perception qu'il y aura d'autres moments en commun dans le futur.

Les sociologues appellent distance d'horizon 8, la durée pendant laquelle des personnes pensent qu'ils seront ensemble. Cette notion, très subjective, est un facteur clé pour que les acteurs coopèrent ou non. Il y a ainsi nettement moins de vol dans les petits magasins de quartier même lorsque le magasin vient de s'installer, que dans les grandes surfaces anonymes et indifférenciées. Les conséquences perçues d'un acte sont différentes suivant l'histoire que l'on pense avoir par la suite avec les personnes concernées.

Bien sûr, il ne s'agit pas d'une règle absolue. Tout le monde n'agit pas au mieux de ses intérêts car la méthode CRP n'est pas assimilée par tout le monde. Mais la vision d'un futur commun favorise la coopération alors que le manque d'horizon à long terme favorise les comportements inverses.

Plus les personnes ont eu des expériences positives de coopération en voyant autour d'elles d'autres personnes commençant par coopérer, plus elles assimilent la méthode CRP et plus il est facile de mettre en place une communauté.

Deuxième danger : Le passé perdu

Lorsque l'on a passé un certain temps avec des personnes, de nombreuses épreuves basées sur le dilemme du prisonnier ont eu lieu. Si le groupe n'est pas mort de ces tribulations, il se renforce au fur et à mesure. Mais l'une des particularités de l'être humain est sa capacité d'oubli. Cette fonction est indispensable pour ne pas encombrer le cerveau de toutes les expériences non utilisées. Mais au fur et à mesure que la coopération s'instaure, la notion de danger s'éloigne et la mémoire considère les souvenirs des différentes épreuves passées comme moins prioritaires.

Si les expériences passées sont oubliées, le groupe revient à la situation bien plus périlleuse du début de la communauté.

Deuxième règle : L'histoire est la base du futur

L'héritage du groupe est un élément fondamental pour lui permettre de continuer de bâtir sa cohésion plutôt que de revenir au dangereux point de départ.

Avec les échanges que nous avons étudiés au chapitre précédant, l'héritage constitue le deuxième fondement d'une société humaine selon Maurice Godelier 9 : "Nos analyses nous amènent à conclure qu'il ne saurait y avoir de société humaine sans deux domaines, celui des échanges, quel que soit ce que l'on échange et quelle que soit la forme de cet échange, du don au potlatch, du sacrifice à la vente, à l'achat, au marché, et celui où les individus et les groupes conservent précieusement pour eux-mêmes, puis les transmettent à leurs descendants ou à ceux qui partagent la même foi, des choses, des récits, des noms, des formes de pensée. Car ce que l'on garde constitue toujours des "réalités" qui ramènent les individus et les groupes vers un autre temps, qui les remettent face à leurs origines, à l'origine.

Nous verrons qu'une des tâches fondamentale du coordinateur est de développer un historique qui capitalise l'héritage commun

Outre les relations de confiances qui s'établissent progressivement au sein de la communauté, la communauté est également basée sur le sentiment d'appartenance. La mise en place de "rites" et de références communes constituent également un socle sur lequel se bâtit l'héritage collectif.

Troisième danger : le cycle mimétique

Nous avons beaucoup de mal à admettre qu'en plus de nos comportements individuels que nous avons l'impression de contrôler, nous sommes soumis à des comportements collectifs. Les mouvements de foules et les réactions de panique nous sont familières pour ce que nous en avons vu dans les films ou parfois vécut dans nos vies. Mais il nous semble impossible que nous puissions faire nous même des choses qui nous semblent aussi insensées par simple mimétisme.
René Girard 10 dépeint un comportement collectif ancré dans les comportements humains qui sauvegarde l'intégrité de la communauté grâce au sacrifice d'un "bouc émissaire". Le cycle mimétique qu'il décrit se passe en plusieurs étapes.
Un conflit commence souvent par un "désir mimétique" qui consiste à vouloir ce que l'autre détient.
Lorsqu'un conflit arrive (et il en arrive bien sûr plus ou moins fréquemment), la personne qui se sent trahie a assez souvent une attitude agressive. Que nous le reconnaissions ou non nous avons une tendance naturelle au mimétisme et nos attitudes se calquent sur celle de l'autre (même si vous ne le reconnaissez pas, les publicitaires l'ont eux, bien compris). Par mimétisme, l'autre personne adopte une attitude agressive et s'engage alors dans ce que les psychologues appellent parfois du "ping-pong verbal" où l'objectif est d'abattre l'entêtement de l'autre avec obstination, chacun pompant l'énergie de l'autre.

La troisième étape est l'extension, toujours par mimétisme, à toute la communauté de l'état d'agressivité et les conflits se multiplient. Ce mécanisme est fort bien décrit et de façon amusante dans la bande dessinée "Astérix et la Zizanie". Au fur et à mesure que les réactions agressives se multiplient, le groupe influence les comportements et produit un effet auto-cumulatif.
Lorsque la tension dans le groupe atteint un niveau dangereux qui met en péril son intégrité, soit il y a scission, chacun prenant parti dans un camp ou un autre, soit le groupe évacue l'ensemble de l'agressivité au travers d'un "bouc émissaire". Celui-ci est choisi de préférence en dehors des multiples conflits qui n'ont d'autres liens entre eux que l'effet mimétique. Il s'agit souvent d'une personne plus faible et surtout différente sur laquelle vont s'acharner de façon irrationnelle toutes les agressivités.
Une fois le trop plein d'agressivité déversé, le bouc émissaire est "diabolisé" comme la source de tous les maux pour justifier la réunification du groupe autour de son anéantissement et oublier les circonstances du "sacrifice". Le groupe réconcilié a sauvegardé son intégrité en sacrifiant un bouc émissaire innocent. L'oubli permet au groupe de reprendre son cours jusqu'au prochain cycle.

Troisième règle : Rendre visible le mécanisme du bouc émissaire

Une des difficultés pour comprendre le mécanisme du cycle mimétique est justement dû au fait qu'il ne peut fonctionner que s'il est inconscient. Les participants à ce cycle ne peuvent accepter ni le mimétisme de leur comportement, ni son paroxysme irrationnel jusqu'au déversement de toute l'agressivité sur un innocent et encore moins le mécanisme d'oubli de cette atrocité.

René Girard poursuit en montrant que le mécanisme de victimisation qui place les victimes au centre de notre attention est très ancré dans notre civilisation judéo-chrétienne. Nos informations se concentrent fortement sur les conséquences sur les victimes, ce qui n'était pas le cas dans des temps plus reculés. Ce processus à un effet bénéfique car il rend plus difficile l'aveuglement et l'oubli nécessaire au fonctionnement du cycle mimétique.
Rendre visible le mécanisme de "bouc émissaire" permet de casser le cycle mimétique. Il n'empêche cependant pas la montée de la tension et il est nécessaire de trouver une nouvelle soupape de sécurité plus acceptable. Le chapitre sur la résolution des conflits présente quelques réflexions supplémentaires.
Le mimétisme de l'être humain n'a pas que des effets négatifs. Il est aussi possible de le prendre en compte de façon positive, comme par exemple dans la possibilité de disséminer la méthode CRP dans la communauté "par l'exemple".

Quatrième danger : la communauté fermée

Le quatrième danger qui guette une communauté est de se refermer sur elle-même. Le groupe peut continuer sa progression mais en se coupant de l'extérieur, il risque d'adopter des comportements sectaires préjudiciables à ses membres.

Cela ne veut pas dire qu'il ne doit pas y avoir de frontière entre l'intérieur et l'extérieur de la communauté. Le sentiment d'appartenance et l'existence de particularités spécifiques au groupe sont indispensables pour qu'une communauté existe. Mais elle ne peut s'enrichir qu'en restant ouverte sur l'extérieur.

Quatrième règle : Permettre la sortie et la multi-appartenance

Il n'est pas toujours facile de trouver des critères objectifs pour qualifier un groupe d'ouvert ou de fermé. Le rapport parlementaire français sur les sectes 11 propose de faire un contrôle fiscal sur les mouvements suspects car ils ont souvent pour but d'apporter richesses et pouvoir à un présumé gourou.

Il existe cependant deux critères qui favorisent l'ouverture du groupe vers l'extérieur :
  • Chaque participant doit pouvoir en sortir à tout moment.
  • L'appartenance à d'autres groupes doit être autorisée et même encouragée pour enrichir le groupe au travers de ces liaisons informelles.

Résumé

Si la stratégie dominante dans le cas d'une rencontre unique est souvent la trahison, c'est la méthode CRP (Coopération, Réciprocité, Pardon) qui est la plus efficace lorsqu'il y a de nombreuses expériences itératives communes.

Une communauté permet de multiplier les occasions d'expériences et donc de favoriser une convergence vers la coopération.

Il existe des règles pour éviter que la communauté ne dévie:
  • Donner à chacun une vision à long terme.
  • Pour permettre le développement de comportements du type CRP.
  • Développer un historique pour préserver l'héritage commun.
  • Pour éviter les "retours à zéro".
  • Rendre visible le mécanisme du cycle mimétique et trouver une autre soupape.
  • Pour briser la focalisation sur un "bouc émissaire".
  • Permettre à tous de sortir à tout moment et encourager l'appartenance à d'autres groupes.
  • Pour éviter la sectarisation d'un groupe fermé.

Faciliter la convergence par la mise en place de mécanismes d'estime

Le principe de Peter

Laurence J. Peter a étudié les paradoxes qui poussent une organisation à toujours aller de plus en plus mal. Son principe le plus connu indique que "Dans une hiérarchie, toute personne tend à s'élever jusqu'à atteindre son niveau d'incompétence" 12

En effet, lorsque quelqu'un est nommé à un poste et qu'il remplit correctement sa tâche, il est promu à un nouveau poste. Le processus se poursuit, lui permettant de mettre ses compétences au service de tâches toujours plus complexes jusqu'à ce qu'il arrive à un poste où il a atteint son "niveau d'incompétence". Il n'est alors plus capable de remplir aussi bien son rôle et n'est donc plus promu. Il reste alors bloqué au poste où il est le moins compétent.

principe de Peter
Eric Grelet - CC By Sa

Ce cas n'est qu'un des multiples paradoxes qui apparaissent lorsque l'on souhaite évaluer le travail humain de façon aussi objective que les faits concrets et scientifiques. De ce point de vue, les travaux de Taylor qui ont rendu la planification plus scientifique sont plus adaptés aux machines qu'aux hommes. A l'époque ou ils ont été publiés, de nombreuses personnes faisaient le travail de machines. Aujourd'hui, les machines se sont perfectionnées suffisamment pour prendre en charge la plupart des travaux répétitifs et planifiables. En contrepartie, les tâches de création, ainsi que celles demandant une très grande adaptabilité et une estimation subjective se développent fortement.

Il ne s'agit absolument pas de refuser toute évaluation mais au contraire de trouver de nouvelles méthodes qui prennent mieux en compte les spécificités humaines : subjectivité, motivation ou démotivation, bonne ou mauvaise foi. Ces différents critères ont comme particularité de ne pas être mesurables même si on peut les estimer dans une certaine mesure. Il s'agit donc d'une véritable révolution des systèmes d'évaluation dans un monde basé depuis le XVIIe siècle sur des mesures objectives. Nous verrons cependant que des évaluations mêmes subjectives peuvent produire des phénomènes de régulation et d'autocorrection qui sont leur véritable raison d'être.

L'évaluation dans les projets classiques

Le but de l'évaluation dans une gestion classique de projet est triple :
  • Savoir à l'avance si un projet peut être confié à quelqu'un ou à une équipe.
  • Faire en sorte de corriger le projet pendant son déroulement pour améliorer ses résultats.
  • Juger après le projet s'il s'est déroulé correctement.
Habituellement, dans les projets industriels soumis à un appel d'offre par exemple, ce sont les premiers et derniers buts qui priment. L'investissement d'un mandataire étant lourd, il cherche à savoir à l'avance si son argent est bien placé. Pendant le projet, il cherche à le corriger pour que la suite du projet se déroule bien. A la fin, il juge ensuite si le résultat peut servir pour des étapes ultérieures (diffusion des résultats ou apport de base à un autre projet suivant une chaîne "taylorisée").

Première Déviation : l'Évaluation a priori

Souvent, pour attirer des contributeurs, on leur propose un "titre" au sein du projet. Celui-ci sert bien souvent à motiver la personne en lui apportant dès le départ des éléments de reconnaissance. Attention cependant, les titres présentent trois dangers :
  • Il s'agit d'une reconnaissance a priori : qui nous replace dans le principe de Peter.
  • Ils donnent souvent un pouvoir hiérarchique coercitif.
  • Ils présentent un danger lorsqu'ils sont opérationnels car ils bloquent un rôle qui ne peut être repris facilement par un autre si nécessaire.
L'idéal est que le titre donné ne soit pas exclusif et ne donne pas de pouvoir spécial. Il vaut mieux un "agent de liaison avec le monde hispanophone" (ce qui n'empêche pas d'en avoir d'autres) qu'un "responsable des traductions en espagnol".

Première règle : Évaluer a posteriori

Faisons l'hypothèse qu'un projet s'applique dans un milieu d'abondance, que les besoins minimums nécessaires à sa survie soient remplis et qu'il y ait suffisamment de temps pour permettre au groupe mis en place de mûrir à son rythme. Dans ce cas, l'évaluation a priori prend beaucoup moins d'importance (sauf peut être pour le porteur du projet qui doit décider ou non de le lancer). Il est dans ce cas plus utile d'apporter des corrections par itérations successives.

Même, dans le cas de l'évaluation finale, il s'agit souvent de juger la réalisation de ce qui a été prévu a priori plutôt que de juger de son utilité et de l'utilisation qui en est faite a posteriori.

L'évaluation pendant le déroulement du projet peut au contraire permettre un mécanisme d'autocorrection après coup pour maximiser l'usage qui est fait des résultats déjà obtenus par le projet. Les contributeurs potentiels s'impliqueront en fonction de leur évaluation personnelle du projet, du coordinateur et de ce qu'ils peuvent en retirer.

Deuxième déviation : L'évaluation ponctuelle

L'évaluation se fait habituellement à des moments précis, telle une photographie du projet, parfois même seulement avant et après le projet. Dans ce cas, elle prend mal en compte les évolutions humaines qui même petites au début peuvent enfler rapidement pour basculer ensuite brutalement vers la coopération ou la trahison. Elle ne permet pas non plus de saisir les opportunités suffisamment tôt à la source.

Deuxième règle : l'évaluation en continu

En permettant une évaluation en continu, il devient possible de "voir apparaître" les cercles vicieux ou vertueux" qui prendront de l'ampleur jusqu'au basculement brutal des changements de comportement. Suivant la perspicacité des observateurs (et nous verrons dans le point suivant que plusieurs personnes valent mieux qu'une dans ce cas de figure), les divergences peuvent être détectées suffisamment tôt pour agir en conséquence.

Troisième déviation : L'évaluation par un nombre réduit de personnes

Souvent, le projet est évalué par des mandataires pour savoir si leur argent est bien placé. L'évaluation se fait par une personne extérieure (un mandataire) qu'il "suffit" de convaincre avec un rapport bien présenté sur ce qui sera fait ou bien à quoi serviront les résultats. Bien sûr en cours et à la fin du projet, les résultats concrets obtenus entrent également dans la balance mais de façon indirecte.

Troisième règle : L'évaluation par l'ensemble de la communauté

L'évaluation des projets coopératifs ne doit pas être faite par celui qui en facilite le démarrage, mais par l'ensemble de la communauté qui va se focaliser tout naturellement vers les projets utiles, bien réalisés et présentés de façon compréhensible. Si le projet a été initié ou soutenu par un mandataire, il pourra connaître la valeur du projet en fonction de son utilisation de plus en plus grande par la communauté ciblée.

Quatrième déviation : L'évaluation objective

Un autre danger d'une évaluation traditionnelle est de devoir définir des critères d'évaluation objectifs qui par définition cherchent à s'approcher de ce que l'on désire sans jamais l'atteindre. Seuls les éléments objectifs sont pris en compte correctement. Les éléments subjectifs non mesurables tels que la bonne foi ou bien la motivation pendant le cours du projet sont négligés, ou pire, ils sont soumis à une accumulation de règles objectives de plus en plus complexes qui favorisent l'effet inverse.

Exemple de l'évaluation des pays : Les indicateurs de rating

Beaucoup d'évaluations sont faites pour les pays sur des moyennes financières (les indicateurs de rating) telles que le Produit Intérieur Brut. La tentation est grande pour les décideurs de tenter d'agir directement sur les critères évalués plutôt que sur leurs causes. Le PIB ne montrera pas par exemple la différence entre un pays où la majorité des richesses est entre les mains d'un petit groupe de dirigeants et un pays où les richesses sont mieux réparties. On cherche alors à rajouter toujours plus de critères financiers "correctifs", mais sans jamais pousser réellement les dirigeants évalués à agir sur les causes et non sur les critères évalués.

Une approche très intéressante a été initiée par le Programme des Nations Unis pour le Développement avec un Indicateur de Développement Humain basé sur plusieurs critères qui se rapprochent au mieux de l'objet que l'on cherche à évaluer.

Ces critères prennent en compte : L'état de santé, l'éducation et l'économique.

Il s'agit probablement de ce que l'on peut faire de mieux aujourd'hui pour évaluer par un indicateur objectif le développement humain dans un pays, mais chaque taux est lui-même une moyenne et seuls les critères objectifs mesurables sont pris en compte. Il est alors possible de mieux scolariser une partie privilégiée de la population ou de scolariser sans recherche de résultats scolaires pour augmenter les indices. Multiplier encore les critères ne fait que rendre la tâche plus subtile pour ceux qui ne s'attachent qu'à adapter leurs résultats pour optimiser la valeurs de chaque critère. Mais cela donne moins de chance de remplir au mieux les critères spécifiques à l'indicateur pour ceux qui s'attachent avant tout aux causes en toute bonne foi.

Les méthodes traditionnelles de mesures objectives issues de l'avancée scientifique du XVIIe siècle nécessitent en elle-même des développements pour aller au delà des simples moyennes : parfois on ajoute aux taux moyens des écarts types (la moyenne des écarts par rapport à la moyenne). Si cela donne une idée de l'ampleur des différences, certains points plus subtils ne sont pas pris en compte tels que par exemple la répartition homogène d'une population ou la répartition en deux ou plusieurs groupes plus ou moins favorisés avec peu de chance de pouvoir passer d'un groupe à l'autre.

Les effets de bord (aux limites extrêmes) peuvent également perturber les lois objectives simples (dans le cas, par exemple, des situations de monopole). Il faut avoir une idée de ce qui se passe loin de l'équilibre et même aux limites et non pas seulement au point d'équilibre.

Quatrième règle : Réintroduire l'évaluation subjective

Si les critères d'évaluation sont indispensables, en particulier lorsque des personnes extérieures doivent analyser objectivement des résultats, ils sont cependant insuffisants. A contrario, l'évaluation collective dans la durée permet de favoriser directement l'expansion d'un projet en attirant chaque jour de nouveaux utilisateurs contributeurs mais est mal adaptée à une évaluation objective.

Le problème vient de l'impossibilité de mesurer de façon objective la bonne foi. Il n'est possible d'obtenir une évaluation objective mesurable qu'a posteriori et avec une marge plus ou moins grande entre le résultat mesuré et les critères d'évaluation.

Accepter de réintroduire une évaluation subjective, telle que celle apportée par l'estime dont jouit un projet, est indispensable. Pour en atténuer les difficultés, il est important qu'elle soit décentralisée et globale en l'obtenant de l'ensemble de la communauté et du monde extérieur.

La fin du pouvoir de contrainte permet une évaluation auto-régulée

Bien sûr, la mise en place d'une évaluation a posteriori, en continu, subjective par l'ensemble de la communauté semble insoluble si on conserve une approche traditionnelle de l'évaluation. Pour sortir des paradoxes apparemment insolubles de Peter, il nous faudra, comme dans les précédents chapitres, proposer un environnement différent qui n'impose plus les mêmes limites.

Dans un projet coopératif, nous cherchons à obtenir la coopération des membres et à coordonner leurs travaux pour obtenir un résultat. Le pouvoir de contrainte (pouvoir hiérarchique ou contractuel), n'est plus au centre de la gestion du projet.
La suppression pure et simple du pouvoir coercitif (du pouvoir de contrainte) peut sembler une hérésie poussant vers le "champ de boue" de la tragédie des biens communs. Nous allons voir au contraire que dans un environnement approprié, celui-ci permet de sortir des paradoxes habituels.
Lorsqu'on ne peut plus "imposer" à personne de "coopérer", chacun s'implique ou utilise les résultats en fonction de l'image qu'il se fait du projet. Si, globalement, le projet jouit d'une grande estime, il se développera de plus en plus. L'évaluation est alors subjective, a posteriori et en continu par l'ensemble de la communauté des contributeurs et celle des utilisateurs. L'ensemble construit un cercle vertueux.

Le pouvoir du coordinateur se limite à la possibilité d'intégrer ou non les modifications proposées par les contributeurs et éventuellement d'exclure une personne de la communauté qu'il a mise en place. Pour le reste, il ne peut qu'inciter les personnes à devenir utilisateur ou contributeur, sans pouvoir les y contraindre.

Les projets coopératifs sont bien adaptés aux projets entre les structures ou les projets inter-services. Le fonctionnement des associations permet parfois de mettre en place des projets non hiérarchisés de ce type.

D'autres approches

Une des difficultés de l'abandon du pouvoir de contrainte est qu'il nécessite des projets demandant un très faible investissement de départ, un milieu d'abondance et pas de délais contraints ni d'attente d'un résultat particulier. Il s'agit là justement des critères qui permettent la mise en place d'un projet coopératif, comme nous avons commencé à le voir.

L'abandon total du pouvoir coercitif donné par le titre hiérarchique ou le contrat d'engagement est remplacé par l'incitation à coopérer par les résultats et l'estime obtenus. Il s'agit d'une différence majeure avec la gestion classique de projets. Il n'est donc pas facile de suivre les deux approches en même temps. Nous verrons dans le chapitre sur le mixage des méthodes que des projets utilisant totalement ou partiellement le pouvoir coercitif peuvent simplement bénéficier de quelques avantages en favorisant le plus possible une évaluation a posteriori, en continue et subjective par la communauté.

Résumé

L'évaluation d'un projet doit se faire :

  • A posteriori
  • En continu
  • En prenant en compte le subjectif
  • Par l'ensemble de la communauté des contributeurs et des utilisateurs

Cela peut être obtenu en abandonnant le pourvoir coercitif pour laisser l'estime envers le projet et ses membres faire son travail d'autorégulation.



1 Hardin Garrett, « The Tragedy of the Commons », Science 162 (1968/3859), p. 1243‑1248.
2 Raymond Eric S., « Homesteading the noosphere » [en ligne], First Monday 3 (1998/10), disponible sur <http://firstmonday.org/ojs/index.php/fm/article/viewArticle/621>, (consulté le 30 janvier 2014). Raymond Eric S., « A la conquête de la noosphère », Hors collection (2000), p. 279‑336., (consulté le 30 janvier 2014), également sur Raymond Eric S., « À la conquête de la noosphère » [en ligne], linux-france, disponible sur <http://www.linux-france.org/article/these/noosphere/homesteading-fr_monoblock.html>, (consulté le 30 janvier 2014).
3 Gary Warner : "Hardin later recognized that much of his characterization of the negative aspects of the commons, which according to his analysis 'remorselessly generates tragedy'... was based on a description, not of a commons regime in which authority over use of the resources resides within the community, but of an open access regime, unregulated by any external authority or social consensus" dans : Warner Gary, « Participatory Management, Popular Knowledge, and Community Empowerment: The Case of Sea Urchin Harvesting in the Vieux-Fort Area of St. Lucia », Human Ecology 25 (1997/1), p. 29‑46., (consulté le 30 janvier 2014).
4 Mauss Marcel, Lévi-strauss Claude, Gurvitch Georges, Sociologie et anthropologie, Quadrige. Grands textes, ISSN 1764-0288, 1 vol., Paris, France, Presses universitaires de France, 2004.
5 Godelier Maurice, L’énigme du don, 1 vol., Paris, France, Fayard, impr. 1997, 1997. (p. 79, cité p.143 dans Blondeau-Coulet Olivier, Latrive Florent (éd.), Libres enfants du savoir numérique: une anthologie du « Libre », Premier secours. - Perreux : L’Eclat, 1 vol., Paris, France, Ed. de l’Eclat, impr. 2000, 2000.) Barbrook Richard, « L’économie du don High Tech » [en ligne], disponible sur <http://web.archive.org/web/20090917124333/http://www.freescape.eu.org/eclat/2partie/Barbrook/barbrook2.html>, (consulté le 30 janvier 2014). Il s'agit d'une critique du texte de référence de Marcel Mauss "Essai sur le don" (1923) souvent cité par les situationnistes.
6 Voir la revue Pour la Science qui publie un article sur le dilemme du prisonnier tous les six mois : « Pour la Science - Le magazine de référence de l’actualité scientifique » [en ligne], disponible sur <http://www.pourlascience.fr/>, (consulté le 30 janvier 2014).
Voir aussi « Le dilemme du prisonnier » [en ligne], disponible sur <http://web.archive.org/web/20050302205551/http://www.apprendre-en-ligne.net/jeux/dilemme/home.html>, (consulté le 30 janvier 2014).
7 Werber Bernard, L’encyclopédie du savoir relatif et absolu, 1 vol., Paris, France, Albin Michel, 2000.
8 Glance Natalie, Huberman Bernardo, « La dynamique des dilemmes sociaux », Pour la science (1994/199), p. 26‑31., (consulté le 30 janvier 2014).
9 Godelier Maurice, L’énigme du don, 1 vol., Paris, France, Fayard, impr. 1997, 1997. (p. 79, cité p.143 dans Blondeau-Coulet Olivier, Latrive Florent (éd.), Libres enfants du savoir numérique: une anthologie du « Libre », Premier secours. - Perreux : L’Eclat, 1 vol., Paris, France, Ed. de l’Eclat, impr. 2000, 2000.) Barbrook Richard, « L’économie du don High Tech » [en ligne], disponible sur <http://web.archive.org/web/20090917124333/http://www.freescape.eu.org/eclat/2partie/Barbrook/barbrook2.html>, (consulté le 30 janvier 2014). Il s'agit d'une critique du texte de référence de Marcel Mauss "Essai sur le don" (1923) souvent cité par les situationnistes.
10 Girard René, Je vois Satan tomber comme l’éclair, 1 vol., Paris, France, B. Grasset, 1999.
11 Guyard Jacques, Brard Jean-Pierre, France. assemblée nationale, Rapport fait au nom de la Commission d’enquête sur la situation financière, patrimoniale et fiscale des sectes, ainsi que sur leurs activités économiques et leurs relations avec les milieux économiques et financiers, Les Documents d’information - Assemblée nationale (Texte imprimé), ISSN 1240-831X ; 1999 33, 1 vol., Paris, France, Assemblée nationale, 1999.
12 "In a hierarchy, every employee tends to rise to his level of incompetence." dans Peter Laurence J., Hull Raymond, The Peter principle: why things always go wrong, New York, Bantam, 1969.
Voir également une interview de Peters « The Peters Principles » [en ligne], Reason.com, disponible sur <http://reason.com/archives/1997/10/01/the-peters-principles>, (consulté le 30 janvier 2014).


Source : Cornu Jean-Michel, « La coopération, nouvelles approches » [en ligne], http://www. cornu. eu. org/texts/cooperation (2004), disponible sur <http://fing-unige.viabloga.com/files/cooperation2.pdf>, (consulté le 30 janvier 2014).

Crédit photo : StephanieHobson sur Flickr - CC-BY-SA. Dessins : Éric Grelet CC-BY-SA
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La tragédie des 3 C

Auteur de la fiche Jean-Michel Cornu
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Description Une régulation complète et cohérente dans un monde complexe ?

Notre monde est complexe. Cela ne veut pas dire qu'il est compliqué, mais plutôt que c'est un ensemble d'éléments qui interagissent ensemble. Que ceux-ci soient des citoyens, des consommateurs, des sociétés, des gouvernements ou n'importe quel autre organisme, le tout forme un réseau complexe de personnes et de groupes qui échangent entre eux.

Les lois de la complexité ont une particularité, elles s'appliquent à tous les domaines. Que le système soit formé de personnes, de machines ou de molécules, certaines règles s'exercent de la même façon. Les sciences de la complexité sont jeunes, mais elles peuvent ainsi s'enrichir des travaux réalisés dans différents domaines scientifiques : économie, sociologie, biologie ou physique par exemple. L'une de ces règles a été découverte en 1931 par le mathématicien et logicien Kurt Gödel. Il souhaitait savoir si les mathématiques (un système complexe où des "postulats" de départ interagissent entre eux) sont complètes et cohérentes, ce qui est la moindre des choses apparemment. Pourtant il arriva au résultat exactement inverse !

Nous pourrions résumer les deux théorèmes d'incomplétude et de cohérence limitée de Gödel en langage commun de la façon suivante : quand un système dépasse un certain seuil de complexité, il ne peut être à la fois complet et cohérent. Ce résultat produisit une véritable onde de choc. Mais pour en prendre la mesure, nous devons admettre qu'il s'applique à n'importe quelle sorte de système complexe, y compris les réseaux humains utilisés en économie, sociologie, politique...

Il n'est pas possible d'avoir à la fois de la complexité, de la cohérence et de la complétude. Les systèmes que nous mettons en place manqueront au moins un de ces trois objectifs. Si nous n'en sommes pas conscients, nous ne pourrons pas choisir celui auquel nous sommes prêt à renoncer. Nous pourrons même faillir sur deux d'entre eux ou sur la totalité.
  • Nous risquons ainsi de transformer un réseau complexe en un système "simpliste". Pour réguler, il suffirait d'établir des liens entre un pouvoir central et chacune des personnes concernées sans prendre en compte les liens ENTRE les personnes. Mais dans le même temps nous perdrons une des caractéristiques les plus importantes des systèmes complexes : sa capacité d'auto-adaptation. L'adaptation, et donc la survie du système, ne dépendent alors plus que de la personne ou de l'organisme qui se retrouve au centre de ce système en étoile. Un tel système n'est plus complexe car tous les échanges se font uniquement entre le point central et un des participants. Une telle organisation ne peut fonctionner correctement que si on élimine toute possibilité d'échange entre les membres. Supprimer la complexité dans notre "société en réseau" est cependant encore moins facile que dans n'importe quelle période précédente.
  • Nous risquons également de mettre en place une régulation qui n'est pas complète. Comment s'appliquent les règles que détermine un comité décisionnel à ses propres membres ? Les représentants peuvent-ils se représenter eux-mêmes ? Ils font pourtant partie du "peuple" dont ils ont la représentation. Si nous souhaitons, pour être complet, que la régulation proposée s'applique à celui qui la met en oeuvre, ce dernier se trouve alors face à une incohérence : son intérêt individuel peut se trouver en conflit avec l'intérêt général alors même qu'on lui a délégué la capacité de préserver cet intérêt général. Pour résoudre cette difficulté, nous présupposons que le décideur choisira systématiquement l'intérêt général. Pour en être plus sûr, nous mettrons en place une forme de surveillance du fonctionnement du système que nous espérerons... complète.

Fermer les yeux sur l'incohérence des intérêts, sur l'incomplétude de notre surveillance du système ou sur la tendance à supprimer les échanges entre membre pour réduire la complexité ne résout pas notre problème. Nous devons accepter que lois de la complexité interdisent aux systèmes que nous mettons en place d'être à la fois complexes, complets et cohérents.

Dans toutes nos réflexions sur la gouvernance et les différents modes de régulation, nous devons prendre en compte que le monde dans lequel nous vivons est intrinsèquement complexe. Nous pouvons tenter de le simplifier pour qu'il puisse être concevable par un très petit nombre de ses membres. Nous pouvons également choisir de profiter de cette complexité et de sa capacité d'auto-adaptation. Dans ce cas, il nous appartient d'opter en toute conscience sur laquelle de ces notions, la cohérence ou la complétude, nous sommes prêts à faire des concessions.

Texte originel : Cornu Jean-Michel, « Annexe 5 du rapport Vox Internet 2005 : Une régulation complète et cohérente : la théorie des 3 C » [en ligne], Vox Internet, disponible sur <http://www.csi.ensmp.fr/voxinternet/www.voxinternet.org/article72ac.html?id_article=11&lang=fr>, (consulté le 30 janvier 2014).


Crédits photo : jean-louis Zimmermann sur Flickr - CC-BY
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Coopération ou collaboration : quelles différences ?

Auteur de la fiche Outils-réseaux
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Description Entre la coopération et la collaboration, la différence est nuancée.
F. Henri et K. Lundgren-Cayrol analysent de manière très éclairante la différence entre ces deux notions.
La présentation qui suit reprend largement cette analyse.

La première différence : comment partage-t-on le travail ?

De manière générale, les groupes collaboratifs et coopératifs travaillent ensemble sur un but commun ou partagé.
C'est dans la manière de partager le travail que la différence est la plus visible :

En coopérant

cooperatio



Le groupe est divisé en équipes spécialisées qui réalisent une partie de tâche. Les membres de chaque équipe ont des responsabilités spécifiques. L'ensemble est réalisé seulement quand tous les membres ont fait leur part de travail.

La première différence : comment partage-t-on le travail ?

En collaborant


cooperatio


Les membres du groupe travaillent pour un but commun. Mais chacun, individuellement, cherche à atteindre par lui-même le but consensuel. Deux productions se font en parallèle : une production collective et les productions individuelles de chaque participant.

Autres différences

De cette manière de réaliser la tâche commune, découlent d'autres différences :
  • La maturité des groupes
  • Les interactions entre les personnes
  • La manière de considérer le but

La maturité des groupes

  • La démarche coopérative est plus structurée et encadrante. L'animateur organise et "contrôle" le travail. Ce type de travail convient davantage au "groupe-enfant";
  • La démarche collaborative est plus souple et les membres du groupe disposent de plus de liberté, Elle convient davantage au "groupe-adulte".

maturité groupe
On peut voir la démarche coopérative comme une méthode d'initiation et de préparation à une réelle collaboration.

Les interactions entre les personnes

Les interactions entre les membre des groupes jouent un rôle central :
  • En coopérant la complémentarité des tâches crée un sentiment de dépendance réciproque, les interactions sont de ce fait très fortes mais "hiérarchisées".
  • En collaborant c'est la mise en commun des idées qui priment, les interactions ont plutôt un caractère "associatif", elles sont donc plus riches et plus intenses.

La manière de considérer le but

Pourquoi travaillons-nous ensemble ?

coop


En coopérant, chaque membre est responsable d'une action ou sous-tâche. Le but est une production collective, c'est le groupe en tant qu'entité qui atteint un but.

coll


Dans les démarches collaboratives chacun utilise l'ensemble des ressources dans le groupe.

En conclusion


Coopération collaboration
Eric Grelet - CC By Sa

Ces deux notions ne sont pas encore "stabilisées" bien que on s'accorde sur le fait que la collaboration implique un processus plus "démocratique" : les rapports sont plus égalitaires.

Les filtres culturels sont forts et dans les deux cas peuvent avoir une connotation "négative" :
  • "Collaborer" renvoie à l'histoire sombre de la guerre 39-45.
  • "Coopération" s'associe avec la politique abusive des pays riches en Afrique.


En réalité la différence entre ces deux manières de faire n'est pas si tranchée : on passe facilement d'une démarche à l'autre.

Dessin : Éric Grelet - CC-BY-SA
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La coopération en 28 mots-clés

Auteur de la fiche Jean-Michel Cornu
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Description

Une coopération à multiple facettes

Très souvent on anime un groupe avec notre bon sens, en essayant de faire "au mieux". Cela nous permet de comprendre certains aspects du groupe : il manque peut être de la convivialité ou une culture commune, ou bien encore le groupe est trop centré sur lui même. Mais cette capacité à analyser est également, paradoxalement, notre plus grande faiblesse, car elle nous fait oublier tous les autres aspects de notre groupe. C'est ainsi que l'on se focalise sur un aspect du groupe voire deux ou trois, mais en délaissant les autres. Edgar Morin parle "d'aveuglement paradigmatique1" : focalisez-vous sur un problème et tous les autres deviennent masqués !

Nous vous proposons une carte des différentes facettes qui permettent de comprendre ce qui se passe dans votre groupe et des différentes compétences qui permettent d'agir pour le faire naître et le développer. Quelques unes de ces facettes sont contre intuitives, nous les présenterons dès le départ. Cette carte n'est pas le fruit d'une seule personne qui par définition, serait elle-même soumise à l'aveuglement paradigmatique. Elle est issue des échanges au départ des 130 membres du groupe Intelligence Collectif de la Fing2 et s'est enrichie progressivement des travaux ultérieurs. Muni de ces 28 mots clés, de ces 28 outils, vous et même les membres de votre groupe, pourrez mieux comprendre ce qui se passe dans votre groupe et l'aider à se développer et à s'adapter aux différentes situations.

Pour en savoir plus


JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 1. Introduction

La présentation "La coopération en 28 mots-clés" est disponible en ligne : http://prezi.com/x9zpkjggl85j/?utm_campaign=share&utm_medium=copy&rc=ex0share

Un premier aspect contre intuitif : le choix a posteriori

Il existe plusieurs stratégies en fonction de l'environnement dans lequel on se situe :
  • La planification : dans une situation prévisible mais où les ressources sont rares, il faut prévoir pour optimiser les ressources et ne pas les gâcher ;
  • La négociation : lorsque les ressources sont rares mais que la situation n'est pas prévisible, la négociation permet de faire un choix au présent à défaut de pouvoir le faire à l'avance. C'est le cas par exemple de la fixation du prix dans l'économie de marché ;
  • Le choix a posteriori : lorsque l'on peut disposer d'une abondance de ressources (un grand groupe, une information abondante) mais que la situation n'est pas prévisible, alors il vaut mieux susciter une abondance de choix et ne choisir qu'a posteriori, parmi toutes les possibilités. C'est cette approche qui constitue la base de la coopération telle que nous allons la découvrir ;

Souvent nous ne choisissons pas notre stratégie mais utilisons celle que nous maîtrisons, quel que soit le contexte. Il est important de s'adapter à notre environnement pour choisir la meilleure stratégie. Parfois, la situation peut être prévisible pour certaines choses et imprévisible pour d'autres, certaines ressources peuvent être abondante et d'autres rares. Dans ce cas, il faut pouvoir s'adapter et même jongler avec les stratégies. Celle qui concerne la coopération est assez contre intuitive, car elles nous oblige à ne pas faire les choix le plus tôt possible alors que nous baignons dans une culture de la prévision, et elles nous poussent à travailler avec l'abondance là où nous nous focalisons en général sur ce qui est rare.

La taille des groupes et les rôles des membres

Dès qu'un groupe dépasse le nombre d'une douzaine de membres, chaque personne prend une posture proactive, réactive, d'observateur ou inactive et peut en changer en fonction d'un certain nombre de critères. On observe de façon assez contre-intuitive que le pourcentage d'actifs reste remarquablement constante3 : les proactifs sont entre un et quelques pour cent et les réactifs entre dix et quelques dizaines de pour cent.

On peut en déduire différents types de groupes distingués par le nombre de leurs membres :
  • Les petits groupes jusqu'à une douzaine de personnes qui peuvent être gérés de façon contrainte (en attendant une action de chacun des différents membres) ;
  • Les groupes intermédiaires entre une douzaine et une centaine de personnes qui nécessitent plus d'efforts d'animation pour obtenir des réactions ;
  • Les grands groupes entre une centaine et un ou deux milliers de personnes qui permettent de produire de façon collaborative... à condition de se focaliser sur les réactifs ;
  • Les très grands groupes intermédiaires de plusieurs milliers de personnes où le groupe que forme les membres proactifs devient plus difficilement cohérent ;
  • Les très grands groupes au-delà de quelques dizaines de milliers où les proactifs sont suffisamment nombreux pour rendre l'animation moins contrainte ;


Convergence et conflit

On considère souvent implicitement que chacun devrait agir dans l'intérêt du groupe en oubliant son intérêt propre. C'est la définition même de l'altruisme. Bien qu'il existe dans le monde animal et chez l'homme et permette même des avantages de survie dans certaines conditions, il n'est pas aisé à développer dans toutes les situations. La coopération utilise une approche différente de celle de l'altruisme : elle cherche les conditions qui vont faire converger l'intérêt individuel et l'intérêt collectif. Il existe des cas où naturellement chacun va aller plutôt dans le sens de l'intérêt collectif : dans un environnement d'abondance se développe une économie du don, différente de l'économie de rareté ; en donnant une vision à long terme au groupe, les comportements deviennent plus coopératifs ; les mécanismes d'estime (une forme de reconnaissance attribuée de façon dynamique par l'ensemble du groupe contrairement au prestige) forme un système de régulation qui incite à agir dans le sens de l'intérêt collectif.

Mais trop de convergence peut transformer le groupe en un troupeau de mouton... Il est bon d'y ajouter un peu de divergence (d'autres idées voire des façons différentes de poser les questions) et même un soupçon d'opposition pour permettre une remise en question du groupe. Le rôle du coordinateur est de percevoir l'équilibre entre convergence, divergence et opposition et de pousser l'un ou l'autre pour obtenir un groupe qui avance tout en s'enrichissant de sa diversité.

S'il n'y a que de la convergence et de l'opposition, un conflit apparaît. Une crise est un moment difficile du groupe mais très utile : plusieurs approches obligent à une remise en question. Mais un conflit contrairement à une crise ne va que dans deux directions : pour ou contre, chacun restant sur ses positions. Pour gérer un conflit, il faut donc le retransformer en crise en suscitant une troisième position voire plus. Cartographier les différentes idées des membres en les poussant à y ajouter de nouvelles est une méthode particulièrement utile dans ce cas.


Les trois types d'influence dans un groupe

Les trois premier aspects présentés auparavant illustrent bien trois grandes dimensions constitutives de tous les groupes : ceux-ci sont influencés par leurs membres bien sûr, mais par l'organisation du groupe et son histoire ainsi que par ses relations avec l'environnement :
  • La convergence et le conflit illustrent bien l'influence des personnes sur le groupe
  • La taille du groupe est une donnée spécifique au groupe, indépendamment des particularités de ses membres
  • L'imprévisibilité et l'abondance qui poussent à faire des choix a posteriori dépendent souvent de l'environnement.

Les facettes suivantes sont rassemblées suivant ces trois grandes dimensions. Celles qui décrivent l'influence des personnes sont accompagnées d'un aspect plus difficile à traiter, même s'il n'est pas toujours négatif (comme le conflit, associé à la convergence, qui permet une remise en question). La facette suivante l'implication, avec son pendant la désimplication, est le quatrième aspect contre intuitif. Les suivants feront bien souvent appel à notre simple bon sens.


Implication et désimplication

On confond souvent la mobilisation et l'implication. Mais si on mobilise des personnes - souvent en les payant - pour qu'elle fassent ce que l'on veut, il faut qu'elle s'impliquent elles-mêmes pour prendre le risque de faire ce qu'elles estiment bonne. En effet, le coordinateur n'est pas toujours sur tous les terrains. Les personnes qui s'impliquent peuvent prendre des initiatives en fonction des informations qu'elles ont et que n'a pas toujours le coordinateur. L'implication est absolument nécessaire dans un environnement imprévisible qui change en permanence, par exemple dans le domaine de l'innovation ou encore lorsque l'on travaille avec des personnes plutôt que des machines ou des objets.

Trois choses influencent le niveau d'implication des personnes :
  • La motivation (l'estime, le plaisir, apprendre des choses nouvelles...)
  • Les freins (le manque de confiance, une sécurité personnelle précaire, la crainte de ne pas pouvoir se désengager...)
  • Le niveau du seuil de passage à l'acte (un projet simple à comprendre, des animateurs réactifs...)

Il faut rester vigilant sur la désimplication qui est une maladie contagieuse dans le groupe. Deux expressions permettent de nous alerter :
  • " Et puis merde !" (identifié par François de Closet sur les problèmes de l'ORTF, la télévision française à ses débuts)
  • " C'est pas mon problème !" (on reste mobilisé mais on ne s'implique plus...)


Les autres aspects de l'influence des personnes sur le groupe

Nous avons vu la convergence des idées et des intérêts (et le conflit lorsqu'il n'y a que des pour et des contres) ainsi que l'implication et la désimplication. Deux autres aspects concernent les personnes : le niveau de conscience de ce qui se passe et les différentes tâches de coordination.

Le niveau de conscience de ce qui se passe dans le groupe est variable. Il est possible que personne ne soit conscient d'un phénomène particulier. Cela n'empêche pas malgré tout la coopération. Ainsi, la stigmergie est une forme d'auto-organisation utilisée en particulier par les insectes sociaux comme les fourmis ou les termites pour lesquels la communication se fait par les traces que l'on laisse, sans forcément en être conscient. Si l'animateur devient conscient de ce qui se passe dans le groupe, alors il peut agir pour favoriser certains équilibres (convergence/divergence, taille du groupe, niveau d'implication...). Mais si les membres eux-mêmes deviennent conscients de ce qui se joue, alors ils peuvent agir sur bien plus de petites choses que ne peuvent le faire le ou les animateurs. L'idéal est d'arriver à un niveau de conscience collective, c'est à dire que non seulement les membres sont conscients de ce qui se passe mais ils peuvent également en discuter entre eux (contrairement aux "non dits"). Aucun groupe n'est pleinement conscient et il reste même toujours des phénomènes dont personne n'a pris conscience. Mais le but du coordinateur est de favoriser le maximum de prise de conscience individuelle et collective. A l'inverse toute agression, volontaire ou non, consciente ou non, ouverte ou cachée, provoque la peur ou la colère et nous ramène à un niveau très bas de conscience. Le travail du coordinateur doit être un combat permanent pour ramener plus de conscience dans le groupe, en réduisant au maximum ses peurs et ses colères pour ne pas devenir lui-même inconscient.

Il existe de multiples tâches de coordination. Certaines sont tournées vers les personnes (faciliter l'implication, faire converger ou diverger, relancer les échanges...), d'autres vers le groupe lui-même (définir les objectifs, conserver l'histoire du groupe, identifier les tâches à faire et les tâches critiques, donner aux membres une vision d'ensemble du groupe et de la diversité des idées...) et d'autres encore sont en direction de l'environnement (valoriser ce qui a été fait...). Certaines tâches peuvent être faites de façon centralisées par le coordinateur ou un groupe de personnes désignées ou bien de façon décentralisées. Cela dépend de chaque groupe et de son niveau de développement (la définition des objectifs, est une des premières tâches qui peut se décentraliser). Mais dans tous les cas, les outils de coordination doivent rester au service des coordinateurs et non les remplacer pour éviter qu'ils ne se défaussent de leur responsabilité.

Très souvent, on cherche à piloter le groupe avec une intention précise. Si cela peut être pertinent pour les aspects spécifiques au groupe lui-même (taille, vocation...), cela ne l'est plus lorsque l'on souhaite que les membres s'impliquent et prennent des initiatives. Cela n'est pas judicieux non plus très souvent pour gérer l'impact qu'à l'environnement sur le groupe car nous n'avons pas toujours de grandes possibilités d'actions. Dans ces cas il faut piloter le groupe non plus en intention mais en attention. Cela veut dire que nous devons rester vigilant à ce qui se passe et savoir nous adapter en saisissant les opportunités. Il faut même accepter une petite dose d'incohérence pour permettre au groupe de résoudre des problèmes autrement insolubles...


Les autres aspects spécifiques au groupe

Nous avons vu l'influence de la taille sur les groupes. Il faut y ajouter trois autres aspects spécifiques au groupe lui-même : sa vocation, son niveau de maturité et ses communs.

Il existe trois types de vocation pour un groupe : un réseau a pour objectif de mettre en relation ses membres, une communauté crée avant tout une identité collective et un groupe de travail a pour but de produire - des documents, des événements... - pour le reste de l'environnement au-delà des membres. On retrouve ici les trois dimensions : personnes, groupe, environnement. Le ou les coordinateurs doivent identifier la vocation première du groupe sans pour autant négliger les autres.

Un groupe progresse suivant différents niveau de maturité. Lorsque le groupe est enfant, c'est avant tout le coordinateur qui prend les initiatives (on parle alors de "dictateur bienveillant"). Au bout de 18 mois à deux ans (parfois plus pour des groupes "Tanguy5" qui restent très longtemps dans le giron du coordinateur), le groupe devient adolescent. Certains cherchent alors à prendre des initiatives et cela se fait au début contre le coordinateur. Ils adoptent alors un rôle de "leader négatif". Cette période parfois dure à vivre comme pour les humains, est fondamentale car elle ouvre la porte à l'appropriation du groupe par ses membres. Pendant cette période, il est difficile souvent pour le coordinateur de se justifier voire de protéger le groupe d'un leader négatif qui en allant trop loin, met en péril le groupe. Dans la phase suivante, le groupe devient adulte. Suffisamment de membres se sont appropriés le groupe et sont même prêts à le défendre. Il ne sert à rien de griller les étapes, pour un groupe comme pour un humain, il faut passer par les différentes étapes. Vouloir constituer un groupe adulte de toute pièce dès le départ pourrait s'appeler le "syndrome de Frankenstein"... Parfois le groupe devient sénile. Il peut alors mourir mais peut-être a-t-il essaimé en donnant naissance ou en inspirant d'autres groupes, s'assurant ainsi une descendance.

Qu'est-ce que partage un groupe ? Il dispose tout d'abord d'une culture commune (une histoire, du vécut commun, parfois du vocabulaire qui lui est propre...). Mais cette culture est-elle accessible à tous y compris aux nouveaux ? Le groupe a-t-il trouvé un bon équilibre entre son identité collective et l'identité personnelle de ses membres ? Un deuxième aspect à partager est absolument fondamental. Il s'agit des communs (les informations définissant le groupe, son fonctionnement, ses règles et ses productions, les outils et méthodes utilisés par le groupe...). Sont-ils accessibles à tous facilement, y compris aux personnes à l'extérieur du groupe ? Outre la mise à disposition dans un endroit accessible (Web...), il est important que ces communs respectent quelques règles de partage : des licences Creatives Commons pour les documents (en particulier cc -by -sa qui permet un véritable partage et une amélioration constante6) et des logiciels libres pour les applications (en particulier la licence Gnu7). Les outils et méthodes utilisées dans le groupe doivent permettre à chacun de développer son autonomie personnelle et son rayon d'action sans susciter des maîtres et des esclaves (voir en particulier les règles de Ivan Illich8).


Les autres aspects qui dépendent de l'environnement

Outre la notion de choix a posteriori qui fonde la coopération lorsque l'environnement est à la fois imprévisible et abondant, il existe trois autres aspects qui dépendent de l'environnement : les contraintes externes, la légitimité et les échanges.

L'environnement peut apporter des contraintes externes : les attentes sur ce que va produire le groupe, les demandes de la hiérarchie lorsque le groupe est inclus dans une organisation... Mais il y a deux façons de percevoir ces contraintes : elles peuvent paralyser ou au contraire stimuler et pousser le groupe à aboutir à un résultat (sans date limite, il est parfois difficile de terminer une tâche). Il faut donc voir s'il est possible d'organiser le groupe pour que de telles contraintes soient stimulantes plutôt que paralysantes, s'il existe un espace de liberté et s'il faut l'élargir. Une des plus grandes difficultés est la différence de rythme entre les attentes extérieures et celui de la production dans un groupe. Un autre aspect est de savoir si on cours derrière les demandes externes et les autres groupes qui font des choses proches ou bien si au contraire on a l'impression de courir devant, laissant les autres nous suivre, ce qui est bien plus confortable.

La légitimité est un peu le pendant vers l'environnement du niveau de maturité qui lui, est interne au groupe. Comme pour celui-ci, on trouve trois grandes étapes(enfance, adolescence et maturité) : dans un premier temps le groupe est peu visible de l'extérieur. Dans un second temps il a tendance a chercher à faire sa place en se positionnant souvent contre les autres groupes qui font des choses similaires. Une fois arrivé à maturité, le groupe et ses membres sont perçus comme légitimes. Cela devient alors une force pour attirer de nouveaux membres. Certains groupes ont du mal à sortir d'un positionnement "contre", parfois du fait même des objectifs du groupe. Mais se battre contre l'extérieur peut conduire à finir par se battre... contre l'intérieur, et certains de ces groupes vont jusqu'à la désagrégation. Pour assurer une longévité, il peut être important de savoir réorienter ses objectifs et transformer une culture du contre en une culture constructive.

L'équilibre du groupe tient beaucoup à ses échanges avec l'extérieur. Un groupe échange des idées, des informations mais aussi des personnes (qui entrent mais aussi qui sortent du groupe, certaines pouvant également participer simultanément à plusieurs groupes). Pour que le groupe adopte un "régime équilibré", il faut se poser la question de la régularité de ces échanges (le groupe est-il resté longtemps sans intégrer de nouveaux membres ?), mais aussi de leur quantité, de leur qualité et de leur diversité, afin de trouver une harmonie entre l'identité propre au groupe et son renouvellement.

Pour en savoir plus


JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 10. Influence de l'environnement

#contraintes28 #legitimite28 #echanges28

Les compétences de la coopération

Après avoir vu les 16 facettes qui permettent de comprendre ce qui se passe dans un groupe, il nous reste à voir les 12 compétences qui permettent de mieux agir dans un groupe.

Les compétences liées aux personnes sont utiles non seulement pour les coordinateurs mais également pour les participants. Elles consistent à savoir intégrer des personnes dans un groupe (et s'intégrer soi-même...), se comporter de façon collaborative, gérer "l'infobésité"(la surinformation qui est inhérente à un environnement d'abondance et de transparence) et connaître son positionnement (y compris être conscient d'être un simple observateur ou même d'agir en leader négatif, tout en comprenant qu'il ne s'agit que d'un rôle et quel est sa place dans le groupe).

Les compétences spécifiques au groupe comprennent : comment démarrer un groupe, le faire vivre, cartographier les idées et les positions9 (pour produire de l'intelligence collective ou gérer les conflits) et savoir auto-évaluer le groupe pour comprendre ce qui s'y passe et en débattre avec les autres membres du groupe autant que possible (cette dernière compétence peut être particulièrement utile, au delà des coordinateurs, à transmettre aux membres du groupe eux-mêmes).

Les compétences tournées vers l'environnement consistent à savoir produire (un document peut être produit de façon coopérative - en se répartissant des parties - , ou de façon collaborative - en travaillant sur le même texte - . Il est même possible de produire ainsi à plusieurs centaines de personnes10), organiser des événements ouverts sur l'extérieur, documenter ce que le groupe sait faire11 et enfin passer à l'échelle. Cette dernière compétence est encore peu répandue mais elle est fondamentale pour démultiplier les résultats de la coopération en touchant le plus grand nombre, y compris les "non militants"12.

Pour chacune de ces compétences, il existe plusieurs niveaux que l'on peut parcourir progressivement. Cela peut être facilement illustré avec la capacité à organiser un événement. Au début on peut y être exposé en assistant à un événement, puis on peut avoir participé à l'organisation. L'étape d'après consiste à comprendre et savoir expliquer l'organisation d'un événement. On peut ensuite développer une habilité à faire et même au stade utile être en capacité d'innover dans ce domaine.

Pour en savoir plus


JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 11. Les compétences de la coopération

Cartographier pour donner une vision d'ensemble
Comment produire un document à plusieurs centaines de personnes
Des recettes libres pour documenter nos savoir-faire (sur le site d'Imagination for People)
#integrer28 #comporter28 #infobesite28 #positionnement28 #demarrer28 #faire_vivre28 #cartographier28 #autoevaluer28 #produire28 #evenement28 #documenter28 #echelle28

La coopération en 28 mots clés, que faut-il retenir ?

La coopération est parfois mal comprise et donc rejetée comme quelque chose d'utopique ou bien ne pouvant pas être mis en place pour des contraintes de temps ou d'argent. Mais la coopération c'est avant tout faire converger l'intérêt individuel et collectif. Elle peut faire gagner du temps et de l'argent... ou en perdre13. Suivant le contexte (recherche d'innovation, recherche de l'implication des personnes...) et suivant comment elle est mise en place, elle peut s'avérer dans certains domaines bien plus efficace que les autres stratégies.

Il n'est pas aisé de se rappeler les 28 mots clés sans en oublier. Mais heureusement, cela n'est pas nécessaire. Il est possible de s'aider d'outils. Ainsi, un auto-questionnaire14 reprend chacune des 16 facettes qui permettent de comprendre ce qui se passe dans un groupe, sous la forme de questions à se poser. Plutôt que de chercher à l'extérieur du groupe les réponses, il est bien plus efficace de se poser les bonnes questions (y compris avec les autres membres du groupe) car les meilleures réponses dépendent avant tout d'une grande compréhension des spécificité du groupe concerné... et de choix enrichis par une diversité de points de vue.

S'il est utile de disposer d'outils pour retrouver les 28 aspects qui permettent de comprendre la coopération, il est également indispensable de pouvoir conserver à l'esprit certaines bases dont l'observation doit devenir un véritable réflexe. Les aspects à intégrer sont au nombre de trois. Ils constituent les "conditions ICE" (Implication, Communs, Echanges) :
- 1. L'implication de quelques personnes : pas tout le monde car, comme nous l'avons vu, les observateurs et les inactifs constituent la majorité dans les groupes dès que l'on dépasse une douzaine de personnes. Cependant, il est indispensable de s'assurer qu'au moins une ou quelques personnes s'investissent dans le groupe et y adoptent une attitude proactive. Se réfugier derrière les outils qui feraient apparaître de la coopération comme par miracle est une utopie pour les groupes en dessous de plusieurs milliers voire dizaine de milliers.
- 2. Des communs accessibles : les fondamentaux du groupe (objectifs, règles de fonctionnement, outils et méthodes utilisés...) sont-ils accessibles à tous y compris les nouveaux ? Les productions du groupe sont elles facilement accessibles et réutilisables y compris en dehors du groupe ?
- 3. Des moyens d'échange : il est important de disposer de plusieurs outils et règles d'échange pour assurer la communication entre les participants qui permettront de faire converger le groupe : en présentiel et à distance, lors de moments synchrones (réunions) et en asynchrone (échanges en ligne par exemple), lors d'échanges organisés et de rapports informels (la "machine à café")...
Ces trois conditions doivent être mises en place de façon efficace mais également diversifiée (Robert Ulanowicz a montré que la durabilité maximale d'un système dépendait de l'équilibre entre deux aspects antagonistes : 1/3 d'efficacité et 2/3 de résilience par la diversification)15.




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Coopérer, entre efficience et résilience

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Description Robert Ulanowicz est un écologiste empiriste connu pour ses recherches sur la mesure de la biomasse dans les écosystèmes naturels. Ses découvertes dans ce domaine ont des implications philosophiques importantes dans d'autres domaines complexes, comme celui des réseaux. Il a constaté que les systèmes totalement optimisés ne sont pas durables1. Ainsi, si nous choisissions le plant le plus optimisé de maïs, par exemple, et ne plantions que celui-là, il y a fort à parier qu'au premier parasite, l'ensemble de la récolte serait perdu. Le professeur à l'université de Maryland, aujourd'hui à la retraite, s'est alors intéressé à la durabilité des systèmes et a montré que celui-ci était maximal lorsque l'on trouve le bon équilibre entre l'efficience et la résilience (qui nécessite une plus grande diversité au détriment de l'efficience, afin d'augmenter la capacité d'adaptation aux problèmes qui peuvent survenir). Cet optimum se situe un peu plus près de la résilience que de l'efficience (sur un rapport approximativement de un tiers/deux tiers).
C'est à ce point d'équilibre entre optimisation et adaptabilité, entre ordre et désordre2, qu'émergent de nouvelles possibilités : en un mot, que la possibilité d'innovation est maximale. Ce résultat, sur les dangers de seulement optimiser sans développer l'adaptabilité, n'est pas seulement un constat sur les systèmes biologiques, mais plutôt une règle profonde de tous les systèmes complexes. Il peut ainsi être appliqué au domaine de l'innovation, du fonctionnement en réseau, aux choix complexes et aux civilisations elles-mêmes3.

1 Ulanowicz Robert E., A third window: natural life beyond Newton and Darwin, West Conshohocken, Pa., Templeton Foundation Press, 2009.
2 Benoît Mandelbrot :"Entre le domaine du désordre incontrôlé et l'ordre excessif d'Euclide, il y a désormais une nouvelle zone d'ordre fractal". Voir également la notion de "dialogique" d'Edgar Morin qui "unit deux principes ou notions antagonistes, qui apparemment devraient se repousser l'un l'autre, mais qui sont indissociables et indispensables pour comprendre une même réalité".
3 Tainter Joseph Anthony, The collapse of complex societies, New studies in archaeology [Texte imprimé] / ed. Wendy Ashmore, Clive Gamble, John O’Shea,... [et al.]. - Cambridge : Cambridge University press, 1976-, Cambridge, Etats-Unis, Etats-Unis, , 2000. L'idée que le manque d'adaptabilité conduit à l'extinction a été reprise et appliquée à l'économie par Clay Shirky dans l'article "The collapse of complex business models" accessible sur son blog (il aurait mieux valu parler de modèle économique compliqué et peu adaptable plutôt que complexe).
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Et si nous n'étions pas si individualistes ?

Auteur de la fiche Jean Michel Cornu
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Description

Quand les hommes se choisissent entre eux pour s'allier

Beaucoup de stratégies prennent en compte l'égoïsme de l'homme : par exemple les systèmes qui le contraignent à oeuvrer pour une cause commune ou bien l'économie qui permet de négocier un prix d'échange en fonction de l'offre et de la demande avec des "agents" individualistes et rationnels.
Pour ma part, je me suis intéressé aux stratégies de coopération en partant du même présupposé : si l'homme a un côté égoïste et un coté altruiste, il faut avant tout chercher à faire converger son intérêt et l'intérêt collectif. Pire : quelqu'un qui serait altruiste, en cas de conflit d'intérêt, agirait pour l'intérêt des autres, au détriment de son propre intérêt. Il aurait donc un désavantage au sens darwinien...

Altruisme
Eric Grelet - CC By Sa

Pourtant trois informations dont j'ai eu récemment connaissance montrent que l'homme (tout comme certains animaux) peut faire des choses qui vont apparemment à l'encontre de ses intérêts pour obtenir quelque chose de vital : pouvoir s'allier avec d'autres.

Même les animaux sont parfois altruistes

Les cratéropes sont des oiseaux qui nourrissent les nichées des autres membres du groupe, se protègent mutuellement. Beaucoup d'autres espèces ont des membres qui acceptent d'être des sentinelles pour les autres. Ils montrent ainsi aux autres leur utilité à être intégrés dans une coalition.

L'homme-qui-dit-tout-ce-qu'il-sait face aux profiteurs

L'homme aussi fait des choses qui semblent aller à l'encontre de son intérêt. Jean-Louis Dessalles de Telecom Paris, dans une très intéressante conférence appelée "le langage humain, un paradoxe de l'évolution", montre que le langage devrait normalement désavantager celui qui l'utilise : celui qui parle partage ses infos alors que celui qui écoute dispose à la fois de ses propres information et de celles des autres.
Pourtant nous descendons d'un homme qui parle. Cette invention fondamentale qui a eu lieu il y a 100 ou 200 000 ans est même pour Jacques Monod dans "le hasard et la nécessité" la cause de notre intelligence. Quel avantage darwinien la nature peut-elle bien donner à celui qui parle et donne ses informations aux autres ?

Deux tentatives d'explication

On ne peut pas invoquer simplement l'avantage collectif pour l'espèce car cet argument ne fait pas le poids face à l'inconvénient pour l'individu de donner sans attendre de retour.
Autre tentative d'explication : dans l'approche de l'évolution par la théorie du jeu, développée par John Miller Smith, il est possible de faire quelque chose (par exemple donner une information) pour obtenir quelque chose de l'autre (approche "donnant/donnant"). Cela nécessite de s'adresser de préférence à ceux que l'on pense capable de "jouer le jeu", mais aussi d'avoir un système de détection des tricheurs (une approche développée par W.D. Halmilton).
Mais la théorie des "barbes vertes" met en image la difficulté des altruistes de se reconnaître entre eux :
"supposons que les altruistes portent, pourquoi pas, une barbe verte pour s'identifier les uns les autres. Les quelques égoïstes de la même espèce qui portent également des barbes vertes auront la possibilité de tricher... Et réussiront encore une fois aux dépens des altruistes !".
Pourtant, des chercheurs du laboratoire d'écologie de l'Université Pierre et Marie Curie (ENS-CNRS) et du Royal Holloway College (Londres, Royaume-Uni) ont pu démontrer récemment que les altruistes pouvaient garder une longueur d'avance sur les "tricheurs" en "modifiant régulièrement la couleur de leur barbe". Les simulations montrent que dans ce cas, les altruistes peuvent gagner un avantage concurrentiel non seulement face aux égoïstes mais même face aux égoïstes tricheurs...
Malgré tout : l'approche donnant/donnant, si elle permet de comprendre certains comportement altruistes, ne fonctionne pas cependant avec le langage car on s'adresse très souvent à un ensemble de personnes.

Le sage montre la Lune et le fou regarde le doigt

Jean-Louis Dessalles propose une troisième hypothèse très séduisante. Il constate que le petit d'homme, même avant qu'il ne sache parler, à tendance à montrer du doigt, c'est-à-dire à partager ses informations. Ce n'est pas le cas des animaux en général.
Une expérience illustre cela :
Lorsque l'on met de la nourriture sous un bol retourné et rien sous un autre : montrer le bon bol ne provoque rien chez un chimpanzé alors que le mouvement d'aller prendre le bon bol provoque la réaction de l'animal pour aller chercher la nourriture. L'enfant au contraire comprendra l'information simplement en montrant un bol du doigt.
La différence est que l'animal n'intègre pas en général dans sa communication l'information donnée sans attente de retour. La communication sert à montrer sa force physique, son attrait sexuel mais pas des choses qui ne vont pas être utiles à celui qui communique.
L'homme communique également comme cela, mais il va également y ajouter des informations qu'il donnera sans attendre d'autres informations en retour. En faisant cela, il va montrer aux autres des qualités qui le rendent à même d'être intégré dans le groupe (abnégation, altruisme, sincérité...).

L'avantage en terme de survie

Si l'homme passe environ 20% de son temps éveillé à communiquer avec les autres en leur donnant des informations "à fond perdu", c'est sans doute parce qu'il en tire un avantage crucial. Celui-ci doit compenser l'inconvénient qu'il y a de se retrouver parfois à faire des actions pour l'intérêt du groupe mais à son propre détriment.
L'être humain a peu de chances de survivre seul. Mais contrairement à d'autres animaux, il s'unit moins naturellement aux autres (en dehors des membres de sa famille). Il pourrait alors avoir développé une capacité de langage élaboré afin de pouvoir donner des informations et ainsi montrer qu'il peut être accepté dans le groupe.
Les chimpanzés ne savent monter des coalitions qu'à deux ou trois (à ne pas confondre avec la meute ou le troupeau : dans une coalition, les individus se sont choisis entre eux). L'homme, probablement grâce au langage, est capable de faire des alliances avec plus de personnes. Dans un petit groupe, c'est le choix force individuelle qui apporte le plus à l'ensemble ; dans un grand groupe c'est le nombre qui donne la force et donc la capacité des membres à coopérer ensemble.

Le conflit d'intérêt et la présomption d'altruisme

Cette approche pourrait expliquer une particularité des groupes : en cas de conflit d'intérêt, il y a une croyance inconsciente que la personne va défendre l'intérêt du groupe à son détriment. Bien sûr, lorsque l'on en discute en pleine consciente on se rend compte que ce n'est pas forcément le cas.
Cela a une conséquence fâcheuse : lorsque quelqu'un se retrouve en conflit d'intérêt, il ne peut pas dire aux autres "j'ai un problème, je ne peux pas agir dans l'intérêt du groupe". Pourtant, en parler permettrait dans la plupart des cas de trouver une troisième voie qui permettrait de réconcilier les intérêts individuels et collectifs ; mais cela signifierait que l'on n'a pas uniquement une position altruiste, contrairement à ce que nous avons montré inconsciemment par notre communication pour être accueilli dans le groupe.
Ainsi, un des problèmes qui rend le plus difficile la cohabitation des hommes entre eux est qu'en cas de conflit d'intérêt, il n'est pas possible d'en parler. Nous restons dans le non-dit et même parfois dans l'inconscience (par exemple avec des réactions de colère que nous cherchons à justifier par des causes objectives alors qu'elles sont le résultat d'autres causes dont nous ne sommes pas pleinement conscient...). Ce non-dit nous rend difficile la résolution des inévitables problèmes de la vie en groupe. Il semble venir de ce qui nous permet justement de nous réunir : notre faculté à donner des informations gratuitement pour montrer notre capacité à être choisi pour participer à une coalition !

Hume et la partialité de l'homme

Dans une présentation audio sur "artifice et société dans l'oeuvre de Hume" (anthologie sonore de la pensée française), Gilles Deleuze montre que pour David Hume, l'homme n'est pas égoïste mais partial. Cela veut dire qu'il a une sphère de sympathie privilégiée.
Pour Hume, il existe trois types de sympathie : avec nos proches, avec nos parents et avec nos semblables. Ils correspondent aux trois principes d'association qu'il a identifié dans ses travaux (en particulier sur l'association des idées) : la ressemblance, la continuité et la causalité commune.
Le problème moral devient alors non pas de gérer l'égoïsme (ce qui est le point de départ du contrat qui est souvent considéré comme la base de la société et de ses institutions, en particulier chez ses contemporains du XVIIIe siècle), mais plutôt de dépasser

Quels outils pour quoi faire ? (selon l'évolution du réseau)

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Description Il existe de nombreux outils pour fonctionner en réseau, les outils collaboratifs, dont de nombreux sont disponibles en logiciels libres. Ils offrent des champs d'application très ouverts. Mais il est parfois difficile de s'y retrouver dans cette profusion d'outils et de fonctionnalités.

Vie d'un Réseau

La création des réseaux : 5 processus fondamentaux

image Etapes réseau

Ces processus sont simultanés. Ils guident le cheminement des nouveaux arrivants.

Des outils pour chaque étape de la vie du réseau


Processus Fonction "Petites flèches" Outils privilégiés
Formation Création de l'identité du réseau Regroupement des flèches de même couleur Liste de discussion générale et cartographie dynamique des membres du réseau
Information Échanges d'informations entre les membres du réseau Regroupement des flèches ayant la même direction Listes de discussion thématiques, forums, news
Transformation Montage de projets collectifs Émergence des "grosses flèches" des projets Ateliers et outils de support des projets
Rayonnement Interaction avec le monde environnant Action des flèches projets sur les autres flèches de l'entour Diffusion des données sur un site Internet (avec les CMS : intégration dynamique de contenu)
Consolidation Ouverture et poursuite de la dynamique Perméabilité (tirets) à de nouveaux membres et conservation d'une dynamique interne (spirale) Accueil des nouveaux, classement des infos, présence d'un historique

Formation du réseau

Cette première étape consiste à rendre visible l'appartenance au réseau. Il importe en effet que tout nouvel acteur soit immédiatement visible, à la fois pour lui-même (existe bien dans le réseau et celui-ci me reconnaît) et pour les autres.
Les outils indispensables pour cette première étape correspondent, lors d'une rencontre physique, au traditionnel "tour de table".

Description : des outils pour réaliser des questionnaires en ligne. Certains traitent les réponses statistiquement (réalisation de graphiques, pourcentages).

Information du réseau

Il ne suffit pas de dire "j'appartiens au réseau" pour en être partie prenante, il faut aussi dire ce qui nous passionne, ce que l'on veut y faire, avec qui on veut le faire ; Pour cela, il faut que les membres du réseau puissent échanger efficacement des informations, discuter entre eux, se regrouper par affinité et rendre visible les thèmes de discussion qui pourront être à l'origine des futurs projets.
Réseaux sociaux :

Transformation du réseau

Cette étape - en fait il s'agit d'un processus permanent - est identifiée à l'émergence, à la création et au montage des projets. Il s'agit bien d'une transformation au sein du réseau, puisque celui-ci se met à créer de l'organisation et à devenir opérationnel au travers de ses projets.
Les outils nécessaires lors de cette étape sont ceux qui permettent de travailler en commun sur des projets, ils correspondent donc à toute la batterie des outils collaboratifs, pour partager des documents et de l'information, co-rédiger, échanger, se synchroniser et réfléchir ensemble.
Partage de document :
Wiki :
Bureautique en ligne :
Agenda
Carte heuristique :
Chat :
Bookmarking social :

Rayonnement du réseau

Le réseau est maintenant perçu au travers des projets qu'il héberge et anime et il entre en interaction avec son environnement.
Ces interactions peuvent se faire à différents niveaux : interaction avec le public dans le cadre des projets, interaction avec les partenaires institutionnels qui soutiennent et encouragent les projets, interaction avec d'autres réseaux pour échanger ou transférer des compétences, des expériences...
CMS : content management system
RSS :

Consolidation du réseau

Cette étape vise en fait à garantir que, même si le réseau a vécu avec certains de ses membres les 4 premières étapes, il reste ouvert à de nouveau membres.
Dans cette étape, les outils sont plutôt méthodologiques (historique du réseau, charte, guide du nouveau membre, mode d'emploi pour participer...).
Mais certains outils techniques aident à visualiser plus facilement l'activité d'un réseau ayant beaucoup de contenu.
Nuage de tags :


Crédits illustrations sous licence creativecommons : by Outils-Réseaux

Quels outils pour quoi faire ? (selon le type de groupe)

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Description

Grille de décision

Quel type de groupe ?

TAILLE : gérer la parole PETIT GROUPE : échanges immédiats GROUPE MOYEN : faciliter les échanges GRAND GROUPE : gérer la quantité d'échanges
ETENDUE : renforcer les liens GROUPE LOCAL : se synchroniser GROUPE NATIONAL : retrouver le local GROUPE MONDIAL : retrouver le national
VOCATION : adapter les outils aux objectifs CONVIVIALITE : maîtriser l'informel PRODUCTION : maîtriser les tâches critiques pour Co-construire DIFFUSION : publier et se faire connaître
MATURITÉ : vers l'autonomie ENFANT : initier le premier pas ADOLESCENT : gérer les conflits ADULTE : rester ouvert et jeune

PETIT GROUPE : Échanges immédiats

  • Courrier électronique.
  • Outils de communication synchrone.
Cette famille d'outils regroupe tous ceux qui permettent de dialoguer en direct et à distance :
  • - Les outils de chat ou de messagerie instantanée : on dialogue par écrit en temps quasi-synchrone.
  • - Les outils de téléphonie par IP : on peut discuter à l'oral (transmission de la voix).
  • - Les outils de visio-conférence : on peut dialoguer par oral et se voir (transmission du son et de l'image).

GROUPE MOYEN : faciliter les échanges

  • Liste de discussion, de diffusion, forum
Description : Une liste de discussion ou liste de diffusion est une utilisation spécifique du courrier électronique qui permet le publipostage d'informations aux utilisateurs qui y sont inscrits.
  • Liste de discussion : liste d'échange, par courrier électronique, sur un sujet ou pour un groupe. Tout le monde peut écrire à la liste, tout le monde reçoit ce qui écrit à la liste (n vers n).
  • Liste de diffusion : liste en lecture seule, par courrier électronique, pour diffuser par exemple une lettre information ou "newsletter". La lettre est diffusée à tout le monde mais aucun des destinataires ne peut intervenir dessus ou communiquer vers les autres inscrits à la liste de diffusion (1 vers n).

  • Forum Web : liste de discussion "en ligne" : on consulte, on crée un message et on répond via son navigateur Web. Les messages sont classés par fils de discussion.

GRAND GROUPE : Gérer la quantité d'échanges

  • Nuage de mots clés
Le nuage de mots-clefs (tag cloud en anglais) est une représentation visuelle des mots-clefs (tags) les plus utilisés sur un site web. Généralement, les mots s'affichent dans des polices de caractères d'autant plus grandes qu'ils sont utilisés ou populaires.
Voir la définition de Wikipedia
Synthèses : voir l'exemple de l'utilisation des listes à Tela Botanica

GROUPE LOCAL : Se synchroniser

  • Agenda partagé
Des agendas visibles sur Internet et que l'on peut compléter à plusieurs.

GROUPE NATIONAL : Retrouver le local

  • Annuaires
Il n'existe pas d'outils clés en main pour réaliser des annuaires. Mais c'est un outil qui est souvent présent dans d'autre systèmes :
  • les outils de réseaux sociaux permettent par exemple de créer un annuaire des membres,
  • les CMS proposent généralement une inscription informatique et proposent ainsi une liste de membres, on peut créer une liste de membre dans un wiki en ouvrant une page pour chacun.

  • Cartographie
Des systèmes pour installer des cartographies interactives sur un site Internet. On peut s'en servir pour cartographier une communauté, un réseau en création : indispensable pour initier de la coopération !

GROUPE MONDIAL : Retrouver le national

CONVIVIALITÉ : Maîtriser l'informel

  • Trombinoscope
  • Réseaux sociaux et micro-blogging
Les réseaux sociaux : service basé sur le web qui permet aux individus de construire un profil public ou semi-public dans un système limité, d'articuler une liste d'utilisateurs auxquels ils sont reliés, de voir et de naviguer à travers leurs propres relations et celles faites par les autres utilisateurs.
Voir une vidéo expliquant le concept par Common Craft
Une présentation sur les réseaux sociaux
  • Le micro-blog (parfois appelé mini-blogue) :
  • C'est un dérivé concis du blog, qui permet de publier un court article, plus court que dans les blogs classiques, les articles pouvant être de type texte court, mais peuvent également contenir une image ou même une vidéo embarquée, Les flux d'agrégation sont plus légers que dans les blogs traditionnels et peuvent contenir tout le message. La diffusion peut également être restreinte par l'éditeur à un cercle de personnes désirées. (article issu de Wikipedia)

PRODUCTION : Maîtriser les tâches critiques pour Co-construire

  • Wiki
  • Partage de documents :
Dans un groupe, il est souvent indispensable de partager des documents et des ressources. Pour cela, il existe soit des systèmes en ligne prêts à l'emploi ou des logiciels libres à installer sur un hébergement. L'idéal est de choisir des dispositifs qui permettent une synchronisation.
  • Bureautique en ligne :
De plus en plus, on peut transférer son bureau sur Internet : les outils de bureautique en ligne sont de plus en plus utilisés. Leur avantage est de permettre une utilisation collective et en temps réel : idéal pour impulser de la coopération !
  • Bookmarking social :
Le social bookmarking (en français "marque-page social", "navigation sociale" ou "partage de signets") est une façon pour les internautes de stocker, de classer, de chercher et de partager leurs liens favoris.
Définition issue de Wikipédia
  • Carte heuristique :
Appelé aussi carte mentale (mind map en anglais), c'est une méthode de communication et de transmission des informations entre les personnes, sous forme graphique. Il s'agit de mettre au centre de la feuille le thème principal (mot ou dessin) et de développer à partir de là des branches contenant les différentes idées se rapportant au thème. Concept inventé par le mathématicien Tony Buzan dans les années 60.
Références :

DIFFUSION : Publier et se faire connaître

  • Lettre d'actualité et liste de diffusion.
  • CMS
Content Management System, ou Système de Gestion de Contenu. Désigne une catégorie de logiciels facilitant la création, la mise à jour et la publication du contenu d'un site web. Parmi les outils les plus connus de cette catégorie : SPIP, Mambo (devenu Joomla), Ez Publish, Typo 3...
  • Flux RSS et syndication
On appelle "RSS" ("Rich Site Summary" ou "Really Simple Syndication") un format de données utilisé pour diffuser les mises à jour de sites dont le contenu change fréquemment, sites d'information, blogs...Un flux RSS contient généralement le titre de l'information, une description synthétique et un lien vers une page décrivant plus en détail l'information. Le fichier RSS, appelé également flux RSS, canal RSS, fil RSS ou fil d'info, est maintenu à jour afin de proposer en temps réel les dernières informations publiées.
Il existe deux façons d'utiliser RSS :
  • pour une utilisation personnelle. Il est alors nécessaire de disposer d'un outil spécifique, appelé "lecteur RSS" ou encore "agrégateur", pour s'abonner et consulter en un seul endroit les dernières actualités de sites web, sans avoir à les visiter.
  • la syndication de contenus : la publication automatique sur un site Internet d'informations émanant d'autres sites.
  • Blog
De "Web – log" : au départ, sortes de journaux intimes en ligne, ils se sont imposés sur la toile, pour devenir les supports d'une expression publique diverse : opinion, parole citoyenne, militante, témoignages, récit...
Il en existe différents types : services clés en main fournis (plate-formes de blog) ou logiciels libres à installer sur un serveur. Leur point commun : ils permettent à un non-technicien d'écrire et publier des articles qui seront ensuite triés par dates.

ENFANT : Initier le premier pas

Outils simples

Rencontres

Modes d'emploi

Voir : : Mode d'emploi du wiki "stages courts"

ADOLESCENT : Gérer les conflits

Règles de fonctionnement

  • Sondages et formulaires.
Description : des outils pour réaliser des questionnaires en ligne. Certains traitent les réponses statistiquement (réalisation de graphiques, pourcentages).

ADULTE : Rester ouvert et jeune

Accueil des nouveaux, entrées dans le contenu par public

Voir le portail de l'ONEM
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Cartographier pour donner une vision d'ensemble

Auteur de la fiche Jean-Michel Cornu
Licence de la fiche Creative Commons BY-SA
Description

Vive les antagonismes !

1Que ce soit lors d'une discussion collective avec des points de vue différents, ou a fortiori lors d'un conflit, chacun défend sa position et la répète sans cesse pour être sûr qu'elle soit bien prise en compte ou même qu'elle s'impose face aux autres. Ce biais empêche en général chacun d'avoir une vue d'ensemble des points proposés : chacun cherche ce qui justifie sa position et éventuellement ce qui discrédite la position de l'autre. La discussion "tourne en rond".

A y regarder de plus près, il se joue deux choses dans ce type d'échanges : les participants cherchent à atteindre ensemble une vérité ou une solution, mais en remplaçant bien souvent la démarche rationnelle par une justification a posteriori.. des positions prises 2 ; et d'un autre coté se joue un jeu le plus souvent inconscient où chacun cherche à ne pas être mis en défaut mais plutôt à obtenir l'estime des autres. Le plus souvent, il existe également un présupposé qu'une seule solution est vraie ou au moins est la meilleure. Cette situation empêche fréquemment les participants de chercher d'autres propositions que celles qui sont données au début par eux. Les techniques de créativités permettent de sortir de ce cercle vicieux en conservant l'ensemble de ce qui est dit et en proposant aux participants de trouver des solutions nouvelles.

Un antagonisme est "une situation dans laquelle deux phénomènes ou leurs conséquences s'opposent dans leurs effets 3". Dans la fable des aveugles et de l'éléphant 4 , chaque aveugle touche une partie différente de l'animal et en tire une conclusion différente qui semble s'opposer aux autres. Mais un opposé n'est pas un contraire qui lui, est totalement incompatible avec la proposition de départ. Ainsi, on oppose souvent réussir et échouer. Mais ces deux opposés ne sont pas si incompatibles qu'ils le semblent au premier abord. Ceux qui ont réalisé des projets savent bien que dans la vie on rencontre à la fois des réussites et des échecs... Sauf à ne rien faire du tout ce qui permet ni de réussir ni d'échouer.5

Il est donc important de ne pas exclure des propositions dès le départ dans une discussion, mais au contraire de chercher de nouvelles idées pour enrichir la "carte" des possibles avant de chercher à faire un choix. 6

Les limites du discours

Prenons une image pour représenter le discours d'une personne. Il comprend un point de départ - souvent une question - un cheminement et un point d'arrivée qui en est la conclusion. En cela, il ressemble à une promenade par exemple dans une forêt, avec son point de départ, son cheminement et son point d'arrivée. Mais si nous cherchons à nous promener à plusieurs sans que tous acceptent de suivre une seule et même personne, alors les choses commencent à se gâter. Le conflit pourrait être représenté par un même point de départ et deux cheminements dans des sens opposés. Comment représenter ce conflit sous la forme d'un seul et même discours ? Nous pouvons présenter les cheminements l'un après l'autre, mais il n'est plus possible de présenter un seul point de départ, un seul cheminement et un seul point d'arrivée comme lorsque nous raisonnons à l'aide de la parole... De même l'intelligence collective peut être représentée comme plusieurs points de départ (plusieurs points de vue) pour un même point d'arrivée (l'objet à observer). Comme dans le cas des aveugles et de l'éléphant, il n'est plus possible également de représenter cela sous la forme d'un discours unique. La création pour sa part consiste à relier deux idées entre elles pour en créer une nouvelle. Là aussi, un discours unique ne permet pas de partir des nombreux points de départ potentiels vers les nombreux points d'arrivée possibles. Le discours est donc limité dans sa capacité à représenter certains domaines 7. Parfois même nous tournons en rond ! Jacques Monod 8 a montré que c'est notre langage symbolique et notre capacité à former des discours qui constitue notre intelligence. Ainsi, nous les humains disposons d'une intelligence qui nous permet de faire des discours parfois rationnels. Elle nous a permis de développer des civilisations et même d'envoyer des hommes sur la Lune. Mais cette forme d'intelligence ne nous permet ni de résoudre les conflits, ni de traiter l'intelligence collective, ni de faire de la créativité ! C'est sans doute pour cette raison que nous sommes les seuls animaux à avoir été capable de maîtriser l'atome mais que nous avons été assez bête pour nous envoyer des bombes atomiques sur nous même...

Une carte pour ne pas tourner en rond

Heureusement, nous n'avons pas que le discours et le langage classique pour développer notre intelligence. Les sciences cognitives ont montré que nous avons plusieurs mémoires de travail 9 qui nous permettent de conserver ces concepts à l'esprit. Or penser consiste à relier des idées entre elles. Nous faisons cela avec celles que nous avons "à l'esprit", présentes dans nos mémoires de travail. La "boucle phonologique" est une mémoire de travail qui s'intéresse aux idées qui s'enchaînent comme c'est le cas dans notre discours ou, pour reprendre notre analogie, comme les différents pas de notre cheminement durant notre promenade. Nous disposons également d'un "calepin visuo-spatial", une autre mémoire de travail qui elle s'intéresse aux différents concepts non reliés entre eux. Si nous reprenons notre analogie de la promenade dans la forêt, cette mémoire nous permet de constituer un plan rassemblant différents éléments pour nous orienter. Dans ce cas, il est possible de conserver à l'esprit plusieurs idées opposées ou bien simplement différentes. De même que de disposer d'une carte pour notre promenade collective permet de se situer et de situer les autres, il est possible de constituer une carte d'idées pour se situer dans un débat. Cette forme de pensée particulièrement adaptée à la résolution de conflit, à l'intelligence collective ou à la créativité, nous l'avons nommée "pensée-2" en reprenant le terme de Edward de Bono 10. La carte permet de voir tous les chemins en même temps et éventuellement d'en chercher de nouveaux non encore explorés. Nous pouvons la coconstruire en y mettant toutes les idées et les cheminement de chacun au cours d'un échange. Des outils tels que les schémas heuristiques (mind mapping en anglais) permettent justement de cartographier les débats avec une grande efficacité.

Mais nos mémoires de travail, contrairement à nos mémoires à long terme sont très limitées. La boucle phonologique qui nous permet de conserver l'enchaînement des idées ne permet de conserver à l'esprit que trois concepts 11. Cette limite nous apparaît lorsque nous cherchons à "remonter" le fil d'une discussion que nous venons juste d'avoir. Nous retrouvons facilement les trois dernières idées mais avons du mal à aller au-delà. Avec cette limite, nous devrions être incapable de construire un discours de plus de trois idées. C'est effectivement le cas dans le langage animal. Mais nous les humains, avons réussit à dépasser cette barrière grâce à une augmentation... culturelle. L'invention du langage symbolique nous a permis de stocker dans une de nos mémoire à long terme 12 plusieurs milliers de concepts sous la forme de mots symboliques. Nous puisons dans cette mémoire à long terme pour alimenter notre petite mémoire à court terme en enchaînant les mots les uns à la suite des autres pour constituer des discours. Ainsi, grâce à cette alimentation en continue de concepts pré-empaquetés dans des mots, nous pouvons constituer des discours sans limite. Nous sommes tellement fiers de cette avancée majeure que nous n'arrêtons plus de parler... Même notre inconscient parle nous dit Jacques Lacan !

Notre deuxième mémoire de travail, le calepin visuo-spatial qui nous permet de constituer des cartes d'idées que nous pourrons chercher à relier par la suite, est limitée également. Son "empan mnésique", la taille de ce que nous pouvons conserver en tête à un moment donné, est compris entre cinq et neuf 13. Nous pouvons nous rendre compte de cette limite si on nous présente une photo avec plusieurs personnes et qu'une fois seulement la photo retirée, on nous demande combien de personnes s'y trouvaient. Si le nombre est peu élevé, jusqu'à environ sept, nous pouvons recompter à partir de l'image mentale que nous avons conservée de la photo. Mais si le nombre de personnes est plus important, nous sommes incapable de les compter a posteriori. Une fois de plus, nous avons une limite commune avec la plupart des animaux. Mais sans outils cognitifs nous permettant de la dépasser, nous sommes incapable de nous souvenir de plus de cinq à neuf idées dans un échange et nous perdons toute la richesse du débat. L'humain du XXIe siècle est même désavantagé car il est tout le temps sollicité et doit conserver en mémoire plusieurs choses. Bien souvent, nous ne réagissons plus dans un débat que par rapport à une ou deux idées qui nous ont marquées en oubliant toutes les autres...

Augmenter notre capacité à cartographier les débats

Tout comme nous avons pu augmenter notre capacité à construire des discours en stockant dans notre mémoire à long terme des mots symboliques, il est possible d'augmenter notre capacité de construire des cartes mentales. "L'art de la mémoire" consiste à stocker dans sa mémoire à long terme des lieux symboliques - appelés Loci - puis à les associer aux idées qui apparaissent dans les échanges (il est plus facile de mémoriser à long terme un territoire que des idées). Nous pouvons ainsi conserver dans notre mémoire à long terme suffisamment de concepts pour dépasser les limitations de notre mémoire à court terme.

L'art de la mémoire14

Dans le cas de la pensée-2, nous avons vu que nous étions limités par la taille de notre mémoire de travail à court terme. Pour dépasser cela, nous pourrions utiliser une carte déjà conservée dans notre mémoire à long terme (par exemple, un plan de ville) pour y stocker les différents concepts qui seront reliés à un des lieu sur notre carte.

C'est exactement ainsi que fonctionne l'art de la mémoire 15 dont Cicéron attribue l'origine aux Grecs 16. Lors d'un banquet, raconte-t-il, le poète Simonide de Céos fut invité comme il était de tradition pour faire l'éloge du maître des lieux. Mais il y inclut un passage à la gloire de Castor et Pollux. Scopas, le maître de céans, dit alors à Simonide qu'il ne lui paierait que la moitié de son dû et qu'il n'avait qu'à demander le solde aux dieux jumeaux. Un peu plus tard au cours du repas, une personne appelle Simonide pour lui dire que deux jeunes gens l'attendent dehors. À peine sorti de la maison, il voit le toit s'effondrer sur l'ensemble des convives. Les corps sont écrasés à tel point qu'ils sont méconnaissables pour leurs proches venus les identifier. Le poète est alors capable de reconnaître la totalité des victimes en se rappelant les places qu'ils occupaient lors du banquet fatal.

Progressivement, d'un simple système mnémotechnique, l'art de la mémoire s'est transformé en un système qui ambitionnait de catégoriser l'ensemble de la pensée humaine sur un plan spatial. Bien au-delà du simple procédé mnémotechnique, ce système dessinait un art de créer de la pensée 17. Mais l'utilisation même de l'expression "art de la mémoire" a sans doute poussé à oublier ces techniques au moment où l'imprimerie, puis l'ordinateur se substituaient à nos capacités de mémoire. Pourtant ce type de méthode, utilisé dès le Moyen Âge par les moines, permet de penser avec un très grand nombre de concepts simplement en les associant à des parties d'un lieu connu, conservé quant à lui dans notre mémoire à long terme.

On retrouve des traces de ces méthodes de pensée alliant concepts et lieux symboliques -pas toujours des lieux physiques mais des cartes apprises et conservées en mémoire- dans de nombreux domaines : l'utilisation des psaumes 18, les contes oraux 19, les griots africains, le Yi King, la calligraphie chinoise...

Quelle type de carte pour l'intelligence collective ?

Pour permettre le développement de l'intelligence collective par exemple dans la production d'un document collectif ou la résolution des conflits, nous pouvons donc utiliser des cartes afin de montrer les différents cheminements des participants et en découvrir de nouveaux. L'utilisation des schéma heuristiques (mind mapping) est particulièrement puissant. Lors de réunions en présentiel il est possible de projeter la carte sur un mur à la vue de tous afin de permettre à chacun d'avoir une vue d'ensemble et ainsi de changer totalement la façon dont les participants proposent de nouvelles pistes plutôt que de ne répéter que celles dont ils se souviennent... Généralement la leur.

Mais il existe des limitations à cette approche : la carte heuristique devient vite complexe. Quelqu'un qui arrive en cours de route aura du mal à s'y retrouver. Ceux qui suivent la construction de la carte depuis le début, peuvent l'utiliser de façon plutôt très efficace... jusqu'à ce que le projecteur soit éteint. Le nombre d'idées posées sur la carte dépasse le plus souvent les limites de notre mémoire de travail et dès la fin de la séance nous arrêtons de penser et ne conservons plus que quelques conclusions reflétant mal la richesse de la discussion. Nous avons testé avec succès la superposition d'une carte d'idée sur un territoire suivant la méthode de l'art de la mémoire. La bibliothèque francophone du metaverse a créé une île virtuelle 20 contenant les différents concepts de notre livre Prospectic 21 sur les sciences et technologies émergentes (Nanotechnologies, Biotechnologies, Sciences de la complexité, Informatique, Neurosciences, Cognition...). Par ailleurs, dans le cadre d'un débat public sur la biologie de synthèse organisé par Vivagora sur 6 séances réparties sur un an, nous avons cartographié en temps réel les idées et opinions sur une ville imaginaire 22.

Cette méthode utilisant des cartes heuristiques couplées à un territoire construit au fur et à mesure s'est révélé particulièrement puissante lors de séances en présentiel ou même lors de réunions en ligne (rencontres synchrones). Pour les échanges en ligne asynchrones, lorsque chacun réagit à la discussion au moment qu'il choisit, il en va différemment. En effet, dans ce cas, le niveau d'attention des participants est très variable depuis les plus proactifs jusqu'aux observateurs épisodiques23. Il devient difficile de co-construire progressivement une carte en gardant l'attention de chacun. Par ailleurs, il est également difficile de trouver des lieux suffisamment connus de tous pour servir de base pour y placer une ou deux centaines de concepts. Nos maisons et notre environnement sont bien mémorisés dans nos têtes et peuvent servir de support à l'art de la mémoire. Mais ils sont différents pour chacun et ne peuvent être utilisés qu'individuellement. La carte du monde pourrait éventuellement servir de base car nous en avons déjà mémorisé une partie, mais il est délicat de placer des idées souvent subjectives sur des pays ou des territoires habités. Où placer par exemple la notion de déviance ? Le meilleur candidat semble encore la carte du corps humain où une personne même non instruite sait situer des dizaines de lieux différents. Vivian Labrie a expérimenté cette approche avec des "sculptures humaines" constituée de plusieurs participants lors de débats sur la pauvreté au Québec 24. Par ailleurs, lors d'un débat en ligne, les participants qui adoptent une attitude réactive, environ dix fois plus nombreux que les proactifs, reçoivent les contributions et les synthèses dans un outil qu'ils lisent régulièrement plutôt orienté texte (mail, Facebook, Twitter) 25 et ne vont bien souvent pas faire l'effort d'aller chercher sur une page particulière la carte heuristique présentée sous forme graphique. Demander de cliquer sur un lien dans un texte envoyé, réduira à environ la moitié le nombre de personnes qui pourront réagir.

Pour les débats en ligne, il est donc plus intéressant d'avoir une carte constituée exclusivement de texte (même si dans le cas de Twitter, il est toujours nécessaire de cliquer sur un lien si on veut proposer plus de 144 caractères). Le texte, lorsqu'il est formaté, propose effectivement ce type de possibilité avec les listes à point structurée (qui constituent une arborescence comme les schémas heuristiques) et différents artifices qui permettent de naviguer sur le texte comme sur une carte, sans avoir besoin de lire le texte du début à la fin (gras, soulignés...). Si on conserve la "carte heuristique textuelle" courte, de la taille d'un écran moyen d'ordinateur, alors on peut permettre aux participants d'avoir une vision d'ensemble des échanges et d'utiliser la pensée 2 pour produire de l'intelligence collective.

  • 1 Ces idées ont été présentées à l'origine dans Cornu Jean-Michel, « Modes de pensée et conflit d’intérêt » [en ligne], in Nouvelles technologies, nouvelles pensées ?, Innovation, ISSN 1961-8328, 1 vol., Limoges, France, FYP éditions, 2008, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/files//ProspecTIC_pensee2.pdf>.
  • Disponible dans l'article : « Nous avons non pas un mais deux modes de pensée » [en ligne], Le blog de Jean-Michel Cornu, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/nous-avons-non-pas-un-mais-deux-modes-de-pensee>, (consulté le 4 février 2014).
  • 2 La démarche rationnelle consiste à émettre une hypothèse et ensuite à chercher à la réfuter. En effet, depuis Aristote, nous savons qu'il n'est pas possible de démontrer qu'une théorie générale - Aristote parle de "proposition universelle"- est vraie (une phrase du type tous les lapins ont une queue ne peut pas être vérifiée totalement car on est jamais sûr d'avoir pu observer tous les lapins...). La démarche rationnelle consiste donc à chercher à démonter que la théorie est fausse. Si on n'y arrive pas alors la théorie est considérée suffisamment bonne pour être considérée comme vraie provisoirement... jusqu'à ce qu'une réfutation l'invalide (voir la théorie vérificationniste de la signification de Karl Popper). La démarche scientifique s'appuie sur la démarche rationnelle mais en tentant de tirer des prévisions vérifiables de la théorie, qui permettent de la réfuter... ou non.
  • 3 « Antagonisme » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/Antagonisme>, (consulté le 4 février 2014).
  • 4 Voir "Comment produire un document à plusieurs centaines de personnes" - la parabole des aveugles et de l'éléphant
  • 5 Pour en savoir plus, voir le carré sémiotique ("square of opposition" en anglais) : « Le carré Sémiotique » [en ligne], Le blog de Jean-Michel Cornu, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/le-carre-semiotique>, (consulté le 4 février 2014).
  • 6 Voir "Le choix a posteriori"
  • 7 Cela est dû au fait que nous utilisons un langage oral ou écrit mais qui se déroule de façon séquentielle. D'autres formes de langage pourraient permettre de montrer simultanément deux ou plusieurs notions. C'est le cas par exemple de la danse. Les abeilles utilisent cette forme de langage (sans cependant avoir un langage symbolique élaboré comme le nôtre). De même la langue des signes pour les sourds et malentendants, permet certaines choses qui sont impossible avec le langage oral, par exemple dire avec la main gauche une chose et autre chose, même opposée avec la main droite !
  • 8 Monod Jacques, Le hasard et la nécessité: essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne, Points. Série Essais, ISSN 1264-5524 43, 1 vol., Paris, France, Éd. du Seuil, 1970.
  • 9 Baddeley Alan D., Hitch G.J., « Working memory », in G. H. Bower (éd.), The psychology of learning and motivation : Advances in research and theory Volume 8, vol. 8, New York, Academic Press, 1974, p. 47‑90.
  • 10 Bono Edward De, Conflits: comment les résoudre, trad. Terrier Anne, 1 vol., Paris, France, Eyrolles, 2007.
  • 11 Braddeley, A. D., Hitch, G. J. et Bower, G. ibid.
  • 12 Appelée "mémoire sémantique"
  • 13 Miller George A., « The magical number seven, plus or minus two: some limits on our capacity for processing information. », Psychological review 63 (1956/2), p. 81.
  • 14 Extrait de Jean-Michel Cornu, Nouvelles technologies, nouvelles pensées ?, ibid.
  • 15 Yates Frances Amelia, L’art de la mémoire, trad. Arasse Daniel, Bibliothèque des histoires, ISSN 0768-0724, 1 vol., Paris, France, Gallimard, impr. 1987, 1987.
  • 16 Cicéron, De l’orateur, trad. Courbaud Edmond Éditeur scientifique, Collection des universités de France, ISSN 0184-7155, 1 vol., Paris, France, Les Belles Lettres, 1966.
  • 17 Carruthers Mary J., Machina memorialis: méditation, rhétorique et fabrication des images au Moyen Age, trad. Durand-bogaert Fabienne, Bibliothèque des histoires, ISSN 0768-0724, 1 vol., Paris, France, Gallimard, 2002.
  • 18 Carruthers, Mary J. ibid.
  • 19 « Des cartes pour décrire des contes : rencontre avec Vivian Labrie » [en ligne], Le blog de Jean-Michel Cornu, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/des-cartes-pour-decrire-des-contes>, (consulté le 4 février 2014).
  • 20 « Ile Prospectic » [en ligne], ProspecTIC, disponible sur <http://prospectic.fing.org/texts/ile-prospectic>, (consulté le 4 février 2014).
  • 21 Cornu Jean-Michel, Nouvelles technologies, nouvelles pensées ?, Innovation (Limoges), ISSN 1961-8328, 1 vol., Limoges, France, FYP éditions, 2008.
  • 22 « Biosynth-ville : la ville de la biologie synthétique » [en ligne], Vivagora, disponible sur <http://web.archive.org/web/20130619184123/http://www.vivagora.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=436:biosynth-ville-la-ville-d-ela-biologie-synthetique&catid=21:nos-actions&Itemid=111>, (consulté le 4 février 2014).
  • 23 Voir "La taille des groupes et les rôles des membres"
  • 24 « Collectif pour un Québec sans pauvreté » [en ligne], disponible sur <http://www.pauvrete.qc.ca/>, (consulté le 4 février 2014).
  • 25 Voir "La taille des groupes et les rôles des membres"

En résumé

Dans un échange à plusieurs, et plus encore dans un conflit, chacun à tendance à défendre sa position et à la répéter sans cesse pour être sûr qu'elle soit bien prise en compte. Dans les faits, très souvent les différents points de vue ne s'excluent pas mais au contraire se complètent pour donner ensemble une vision plus globale. Pour dépasser cette difficulté, il faut prendre en compte nos deux modes de pensée qui utilisent chacun une mémoire de travail différente.

Le premier, basé sur le discoursconsiste à placer les idées les unes à la suite de l'autre, un peu comme nous plaçons un pas devant l'autre pour avancer depuis un point de départ jusqu'à un point d'arrivée en suivant un cheminement. Ce mode de pensée permet en particulier l'approche rationnelle mais il prend très difficilement en compte le conflit (un point de départ, deux directions), l'intelligence collective (plusieurs points de vue sur le même point d'arrivée) ou encore la créativité (trouver de nouveaux chemins entre plusieurs points de départ et plusieurs points d'arrivée) qui utilisent tous les trois un autre mode complémentaire.

Le deuxième mode de pensée est basée sur la cartographie. Il consiste à disposer toutes les idées en fonction de leur proximité sur une même carte mentale, sans chercher à les sélectionner a priori pour obtenir une vision la plus complète des idées et des chemins possibles. Les schémas heuristiques (mind mapping en anglais) co-construits et projetés à la vue de tous lors de séances sont très performants pour donner une vision globale aux membres du groupe et ainsi permettre de chercher de nouvelles idées et de nouveaux points de vue plutôt que chacun ne se focalise que sur une ou quelques idées déjà proposées.
Pour aller plus loin, deux approches sont possibles :
  • L'art de la mémoire : Lors de rencontres synchrones (en ligne ou en présentiel), il est possible de coupler la carte d'idée avec une autre carte souvent territoriale que chacun peut conserver plus facilement dans sa mémoire à long terme. Il peut s'agir d'un lieu connu de tous (leur cathédrale pour les moines du Moyen Âge) ou à défaut d'un lieu co-construit (il est plus facile de mémoriser à long terme un territoire que des idées) ;
  • Les cartes textuelles : dans les échanges asynchrones en ligne, les personnes qui adoptent une attitude réactive (dix fois plus nombreux que les proactifs) et les "observateurs" (encore plus nombreux) utilisent des outils qui gèrent mal le mode graphique (mail, Facebook, Twitter). Proposer une carte dessinée nécessite alors de fournir un lien vers une page web qui contient la carte. Mais dans ce cas, une moitié seulement environ des participants vont voir la carte. Il est cependant possible d'utiliser les possibilités de présentation des textes pour permettre une carte textuelle qui ne nécessite pas d'être lue en entier comme un texte mais peut être parcourue comme une carte : listes à points et à sous-points, formulation courte des idées tenant sur maximum une ligne, gras, soulignés, italique pour mettre en valeur certains mots clés.


Mot clé : #cartographier


Crédits photographiques : By วาดโดยบุญศิริ เทพภูธร สพอ. นครหลวง จ.พระนครศรีอยุธยา [Public domain], via Wikimedia Commons
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Outils conviviaux

Auteur de la fiche Laurent Marseault
Licence de la fiche Creative Commons BY-SA
Description Mais quel outil utiliser ? Quel est l'outil idéal ? Avez-vous des modèles de cahiers des charges d'outils coopératifs parfaits ?
Ces questions nous sont très souvent posées.
Il nous semble que la notion d'outils conviviaux nous aide à penser un peu plus la question fondamentale de l'outil.

Cette notion est proposée par Ivan Illich, penseur de l'écologie politique. Pour lui, les outils (compris au sens large, incluant moyens techniques, institutions) aliènent les individus et les privent d'autonomie. Leurs utilisations généralisées pouvant aller jusqu'à la contre-productivité.

3 conditions pour des outils conviviaux

Illich propose alors un cahier des charges simple et clair à ce qu'il nomme outil-convivial :
  • Il doit être générateur d'efficience sans dégrader l'autonomie personnelle.
  • Il ne doit susciter ni esclaves ni maîtres.
  • Il doit élargir le rayon d'action personnel.

Ces trois conditions appliquées aux organisations et aux moyens techniques redonnent place aux individus, leurs permettent d'être acteurs dans des systèmes sur lesquels ils ont prise. Les humains en ont besoin, l'humanité en a besoin.

La bibliothèque anxiogène

Dans une bibliothèque du Sud de la France, les salariés ont maintenant comme poste de travail un "client léger", il s'agit d'un terminal, connecté à un serveur central. Toutes les nuits, l'ordinateur est remis à neuf, seuls sont sauvegardés les dossiers personnels. Les logiciels installés par les utilisateurs (quand cela est possible) sont effacés dans la nuit, toutes personnalisations sont effacées... Ce système estimé très efficace par la direction des services informatiques est vécu comme insupportable par les bibliothécaires, générant une souffrance psychique palpable. Les tentatives d'évolution vers plus de convivialité ont été systématiquement rejetées provoquant la dés-implication de ceux qui, sans compter, amélioraient leur institution pour le bien des usagers.

La carte qui donne des idées

Freeplane est un petit logiciel de carte mentale ou carte heuristique. Utilisé devant un groupe pour l'aider à synthétiser la richesse de ses échanges, il permet de rendre visible les idées et leurs complémentarités. Il donne assez systématiquement des envies et idées d'utilisations auprès des personnes qui en ont vécu l'expérience. Logiciel libre facile à prendre en main, il est simple de se l'approprier et de le détourner pour de nouveaux usages. Il est proche de l'outil convivial par excellence.

Coopération, réseaux et convivialité

Un réseau, un groupe qui coopère s'inscrit dans un processus qui devra s'outiller et faire évoluer son outillage en fonction des étapes de son processus. Garder en tête les conditions des outils conviviaux lors de l'élaboration organisations et outils pour les servir permettra d'élaborer un système vivant, évolutif et apprenant. Le réseau, groupe coopératif ou collaboratif deviendront des lieux d'apprentissages, d'innovations et d'émancipations.
N.B. Les outils libres ne sont pas forcément conviviaux

Pour aller plus loin :

Illich Ivan, La convivialité [en ligne], Points (Paris), ISSN 0768-0481 ; 65 Points. Civilisation, Paris, Éd. du Seuil, 1990
« Outil convivial » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/Outil_convivial>, (consulté le 3 février 2014).

Crédits photos : outils en chocolat JanneM sur Flickr - CC-BY-SA
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Théorie du chaos et réseaux

Auteur de la fiche Gatien Bataille
Licence de la fiche Creative Commons BY-SA
Description

Le monde, même s'il l'a toujours été, devient de plus en plus fractal, chaotique.1

Ceci résulte de :
  • L'augmentation des "agents" d'interaction (les personnes par exemple).
  • L'augmentation des moyens d'interaction (téléphone, internet...).
  • L'accélération des mouvements des agents ou des moyens d'interaction (les personnes voyagent de plus en plus, les interactions sont de plus en plus instantanées).
Nos réseaux n'échappent pas à cette tendance :
  • Plus de membres.
  • Plus de moyens d'interaction (mail, forum, site internet, GSM, réseaux sociaux...).
  • Accélération des échanges.
Dans un environnement de plus en plus complexe, la théorie du chaos postule qu'une infime modification des conditions initiales d'un processus rend celui-ci totalement imprédictible sur la durée.2
Ce constat doit nous amener à considérer nos réseaux comme des entités chaotiques à animer de manière non linéaire sauf à vouloir être déçu des résultats.

Voici quelques pistes de réflexion :
  • Il est dangereux dans un système chaotique de s'enfermer dans des projections fines car sur la durée un système chaotique est imprédictible. Dans nos réseaux, mieux vaut travailler avec des grands objectifs, des grandes lignes de conduites qu'avec des résultats attendus chiffrés.
  • Dans la théorie du chaos, plus le désordre grandit, plus vite l'ordre émerge du chaos. Favorisons l'arrivée de nouveaux membres et les échanges en tout sens dans nos réseaux pour voir émerger rapidement un "ordre" propre à celui-ci.
  • Un système chaotique est très sensible aux conditions extérieurs et peut rapidement quitter son équilibre pour prendre un autre état plus en phase avec l'environnement. Dans nos réseaux, ne cherchons pas à limiter l'influence des agents extérieurs (ce qui est illusoire de toute façon) mais profitons de ces échanges pour permettre à notre réseau de rester "agile" dans son fonctionnement et vis-à-vis de son environnement.
  • Un système chaotique est un système fractal (en bref : le tout est semblable à une de ses parties et les détails sont similaires quelque soit l'échelle). Nos réseaux se fractalisent rapidement quand la taille augmente. De petits réseaux se forment au sein du réseau. Cette tendance est inévitable. Veillons simplement à ce que ces parties de fractales continuent à échanger.




1 « Théorie du chaos » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_du_chaos>, (consulté le 3 février 2014).
2 « Monde fractal: opportunité de changement » [en ligne], plusconscient.net, disponible sur <http://plusconscient.net/index.php/systemique-et-theorie-integrale/108-francais/438-monde-fractal-opportunite-de-changement>, (consulté le 3 février 2014).

Crédits photo : Zimmerman CC BY-SA
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La stigmergie

Auteur de la fiche Heather Marsh, traduction collaborative par des membres du groupe AnimFr
Licence de la fiche Creative Commons BY-SA
Description

La stigmergie : un nouveau modèle de gouvernance collaborative

Si le modèle concurrentiel crée des redondances et gâche des ressources sur la protection des idées, la publicité et autre, le modèle coopératif gâche beaucoup de temps et de ressources à discuter et à discuter les discussions. Entre ces deux modèles, la stigmergie, une nouvelle méthode de gouvernance inspirée du mode d'organisation des insectes sociaux, pourrait offrir un modèle alternatif plus adapté à la collaboration dans des grands groupes.

C'est quoi la stigmergie ?

Définition de la stigmergie par Wikipédia :
La stigmergie est une méthode de communication indirecte dans un environnement émergent auto-organisé, où les individus communiquent entre eux en modifiant leur environnement.
La stigmergie a d'abord été observée dans la nature : les fourmis communiquent en déposant des phéromones derrière elles, pour que d'autres fourmis puissent suivre la piste jusqu'à la nourriture ou la colonie suivant les besoins, ce qui constitue un système stigmergique.
Des phénomènes similaires sont visibles chez d'autres espèces d'insectes sociaux comme les termites, qui utilisent des phéromones pour construire de grandes et complexes structures de terre à l'aide d'une simple règle décentralisée.
Chaque termite ramasse un peu de boue autour de lui, y incorporant des phéromones, et la dépose par terre. Comme les termites sont attirés par l'odeur, ils déposent plus souvent leur paquet là où d'autres l'ont déjà déposé, ce qui forme des piliers, des arches, des tunnels et des chambres.

stigmergie
Termitière, un exemple de travail hautement organisé par un processus stigmergique. Photo par Carl D. Walsh/Aurora/ via Howstuffworks.com

Application du modèle stigmergique aux organisations
La théoricienne Heather Marsh a écrit un article remarquable sur l'application de principes issus de la stigmergie à la collaboration dans des grands groupes et comme une méthode de gouvernance alternative à mi-chemin entre les organisations fonctionnant sur un modèle de compétition celles fonctionnant sur un modèle de coopération.
J'ai récemment participé à la traduction collaborative du texte avec plusieurs autres membres du groupe AnimFR.
Voici une copie de l'article traduit. Pour améliorer la lisibilité j'ai ajouté quelques titres de sections qui n'étaient pas présent dans le texte original.

Stigmergie

(article initialement publié par Heather Marsh voir l'article original en anglais)
Cet article fait partie de la série : "Gouvernance et autres systèmes de collaboration à grande échelle"
La stigmergie est un mécanisme de coordination indirecte entre agents ou actions. Le principe est qu'une trace laissée par une action dans l'environnement stimule l'accomplissement de l'action suivante, que ce soit par le même agent ou un agent différent.
De cette façon, les actions suivantes tendent à se et renforcer et bâtir sur l'existant, ce qui conduit à l'émergence spontanée d'une activité d'apparence cohérente et systématique. La stigmergie est une forme d'auto-organisation. Elle produit des structures complexes sans avoir besoin de plan, de contrôle ou même de communication directe entre les agents - Wikipédia -.

Le problème des organisations actuelles

Un système basé sur les personnes ne permet jamais de collaboration à grande échelle sans un système de représentation, comme on en voit dans les organisations comme les nations unies. Si nous voulons quitter le système de représentation tout en permettant à toutes les voix d'être entendues, nous devons trouver de nouvelles méthodes de collaboration qui marchent avec des systèmes basés sur les idées ou les actions. Des groupes concentriques d'usagers avec des communautés épistémiques et des passerelles de connaissances peuvent fonctionner pour des systèmes fondés sur les idées; pour les systèmes agissant, la stigmergie pourrait être la meilleure option.
A l'heure actuelle, la réponse habituelle à une situation qui nécessite une action c'est de créer une entité nominale, sous la forme d'un comité, une commission, une organisation, une entreprise, une organisation non gouvernementale, une agence gouvernementale, etc... Trop souvent l'action n'apparaît jamais car il y a à la place une focalisation sur l'organisation et les personnes impliquées.

Le modèle concurrentiel

La plupart des systèmes actuels sont gérés par des organisations concurrentielles. La compétition crée des redondances, ralentit et gâche des ressources sur la protection des idées, la publicité et autre. La compétition nécessite aussi du secret ce qui bloque progrès, évaluation et fait perdre des idées et des opportunités. Brevets et droits d'auteurs réduisent encore plus la vitesse et le potentiel de suggestion d'idées. Les gens qui ont la plus grande expertise ne collaborent pas à moins d'être recrutés sur le même projet.

Le modèle coopératif

Traditionnellement l'alternative à la compétition a été la coopération. Celle-ci est au plus efficace uniquement dans les groupes de deux à huit personnes. Pour les groupes supérieurs à 25 personnes, la coopération est terriblement lente, un exercice de gestion de caractères qui dégénère rapidement en discussions sans fin et brossage dans le sens du poil de sensibilités heurtées, elle est extrêmement vulnérable aux "agents provocateurs", et, dans les groupes de grandes tailles aboutit très rarement à quoique ce soit de valable. La coopération repose traditionnellement sur le principe démocratique que toutes les voix sont égales, donc elle ne permet pas aux leaders, usagers avec une expertise, énergie ou compréhension accrue, d'avoir une influence plus importante que ceux agissant en périphérie.
La coopération gâche beaucoup de temps et de ressources à discuter et à discuter les discussions. Dans un système basé sur l'action, la discussion est rarement nécessaire, car l'opinion de ceux qui ne font pas le travail a probablement peu de valeur, sauf dans le cas ou un conseil est sollicité auprès d'une personne experte et de confiance.
La coopération et les systèmes basés sur la coopération sont généralement dominés par des personnalités extraverties qui prennent des décisions pour contrôler le travail des autres et crée un ressentiment justifié auprès de ceux qui font le travail. La plupart des travailleurs n'apprécient pas un système hiérarchique comme celui montré dans le diagramme ci-dessous, car ils perdent de l'autonomie, la maîtrise et le contrôle créatif de leur propre travail; que le système de prise de décision soit hiérarchique ou horizontal, le sentiment final n'est pas différent.
Les systèmes coopératifs utilisent fréquemment le consensus ou le vote pour prendre des décisions pour tout le groupe; ces méthodes risquent de ne pas produire les meilleurs résultats car beaucoup de gens ne comprendront pas le travail s'ils ne le pratiquent pas, et ils peuvent demander des choses qu'eux mêmes ne voudraient pas faire. Les systèmes basés sur le consensus sont aussi sensibles à "l'esprit de ruche", l'appropriation par le groupe des idées et du travail d'individus ce qui peut créer encore plus de ressentiment.

Système hiérarchique

(contrôle du groupe par un individu )
systeme hierarchique
système hiérarchique

Hiérarchie de consensus

(contrôle des individus par le groupe)
hierarchie du consensus
hiérarchie du consensus

Stigmergie

Dans le schéma de la stigmergie ci-dessous, tous les travailleurs ont une autonomie complète pour créer comme ils le souhaitent; le pouvoir du groupe d'utilisateurs réside dans sa capacité à accepter ou rejeter le travail. Comme il n'y a pas de personne désignée pour accomplir une tâche, les usagers sont libres de créer une alternative s'ils n'aiment pas ce qui est proposé. Les travailleurs sont libres de créer sans prendre en compte l'acceptation ou le rejet; dans le schéma ci-dessous des travaux peuvent être acceptés par le groupe le plus important, une alternative par un autre groupe d'usagers, une autre uniquement par un petit groupe, et parfois le travailleur sera seul avec sa propre vision des choses. Dans tous les cas, les travailleurs restent libres de créer comme ils l'entendent. L'histoire n'a pas montré d'idées radicalement innovantes qui aient reçu une acceptation générale immédiate et l'histoire a également fait la preuve que les idées radicalement neuves sont le plus souvent le résultat de vision solitaires; laisser le contrôle du travail au consensus de groupe seulement résulte dans une paralysie de l'innovation.
modele de gouvernance stigmergie
stigmergie

Compétition et coopération : 2 modèles de "contrôle a priori"

Dans un environnement compétitif, une nouvelle idée est jalousement gardée, légalement protégée et entourée de secret. De gros efforts sont faits pour trouver des supporters de l'idée, en même temps que l'on s'assure que l'idée reste légalement protégée (couverte par des protections légales) tels que des accords de dissimulation. L'idée reste inextricablement liée à son créateur jusqu'à ce qu'elle soit transférée à un autre propriétaire, et tous les contributeurs travaillent pour le propriétaire et non pour l'idée. Les contributeurs doivent ensuite être récompensés par le propriétaire, ce qui limite le potentiel de développement et gâche toujours plus de ressources en accords légaux, actions en justice etc. Les contributeurs n'ont pas d'intérêt particulier à ce que le projet réussisse ou échoue, et n'ont pas la motivation de contribuer plus que ce pour quoi ils sont récompensés.
Par contre, si l'idée est développée de manière coopérative, elle doit d'abord être présentée par son auteur, qui devra essayer de persuader un groupe d'adopter l'idée. Le groupe doit être en accord avec l'idée elle-même, et avec chaque stade de son développement. La majeure partie de l'énergie et des ressources sont dépensées en communication, persuasion et management des susceptibilités, et le climat de travail est tendu par de l'argumentation et des luttes de pouvoir. Parce que le projet est conduit par un groupe, et même si c'est un groupe coopératif, le groupe est toujours en compétition avec d'autres projets similaires extérieurs, et gâche toujours des ressources et de l'énergie en secret, évangélisation etc. Les projets, qu'ils soient sur un modèle compétitif ou coopératif, mourront si le groupe qui le fait fonctionner se retire, et dans les deux cas, les personnalités du groupe existant vont attirer ou repousser les contributeurs. Les deux systèmes sont des systèmes hiérarchiques où les individus ont besoin de demander la permission de contribuer. Les deux sont focalisés sur l'autorité de personnalités qui approuvent une décision au lieu de se focaliser sur l'idée et l'action elle-même.

La stigmergie, un modèle avec "autorisation a priori"

La stigmergie n'est ni compétitive ni collaborative dans le sens communément admis du terme. Avec la stigmergie, une idée initiale est donnée librement, et le projet est conduit par l'idée, pas par une personnalité ou un groupe de personnalités. Aucun individu n'a besoin de permission (modèle compétitif) ou de consensus (modèle coopératif) pour proposer une idée ou initier un projet. Il n'y a pas besoin de discuter ou de voter une idée, si une idée est intéressante ou nécessaire, elle va susciter de l'intérêt. L'intérêt viendra de personnes activement impliquées dans le système et qui auront la volonté de fournir les efforts pour porter le projet plus loin. Cela ne viendra pas de votes vides de personnes qui n'ont qu'un tout petit peu d'intérêt ou d'implication dans le projet . Tant que le projet est soutenu ou rejeté sur la base d'efforts contributifs et non pas sur des votes vides, la contribution de personnes engagées dans l'idée aura plus de poids. La stigmergie met aussi les individus en situation de contrôler leur propre travail, ils n'ont pas besoin de la permission du groupe pour leur dire avec quelle méthode travailler ou à quelle partie contribuer.
La personne qui a eu l'idée initiale peut effectuer ou non des tâches pour avancer le projet. La promotion de l'idée se fait par le volontariat, par un groupe enthousiasmé par l'idée; cela peut être ou peut être pas ceux qui la mettront en oeuvre. Il n'est pas nécessaire de chercher des fonds et des soutiens; si une idée est bonne elle recevra le soutien requis. (en pratique, ce n'est pas encore vrai, car il y a peu de gens qui ont du temps libre à offrir à de projets basés sur le volontariat, la plupart étant enchaînés à un travail rendu obligatoire par le système financier existant. De plus nous vivons encore dans un système basé sur les personnes/personnalités où seuls les personnalités les plus fortes sont entendues). Le secret et la compétition ne sont pas nécessaires car une fois qu'une idée est donnée, celle-ci et tous les nouveaux développements appartiennent à ceux qui choisissent de travailler dessus. N'importe qui peut proposer un travail, l'idée ne peut pas mourir ou être mis en pause par des personnes; l'acceptation ou le rejet concerne le travail fait, et non pas la personne qui l'a fait. Toutes les idées sont acceptées ou rejetées en fonction des besoins du système.
La responsabilité et les droits du système sont entre les mains du groupe des utilisateurs dans son intégralité, pas seulement les créateurs. Il n'y a pas de raison que les personnes quittent le système pour des questions de conflits de personnes comme il n'y a pas besoin de communication au delà de l'accomplissement des tâches et qu'il y a habituellement beaucoup d'activités relevant d'une autonomie complète. Comme personne n'est propriétaire/possède le système, il n'y pas de nécessité de créer un groupe concurrent afin de faire évoluer la propriété du système vers un autre groupe.
La stigmergie laisse peu d'espace aux agents provocateurs car seuls les besoins du système sont pris en compte. Quiconque agissant contre les fonctionnalités du système est beaucoup plus facile à voir et à empêcher d'agir que quelqu'un qui bloque les avancées avec des discussions sans fin et le développement de conflits de personnes. Parce que le système est la propriété de tous, il n'y a pas non plus de leader à viser.

Noeuds

Plus le travail progresse et plus l'équipe principale et ses membres se développent, plus des personnalités intéressées et dévouées émergent, ce qui commence (à donner au projet) une direction. Des spécialités se forment autour des intérêts de l'équipe principale étant donné que l'équipe principale produit la majeure partie du travail et que ce travail est le plus valorisé par le reste des usagers. Les systèmes au-delà d'un certain niveau de complexité commencent à manquer de cohérence au fur et à mesure que l'énergie et la focalisation du groupe se rétrécit en suivant les intérêts de l'équipe principale et la disponibilité des ressources. Certaines parties du système original peuvent ainsi rester inachevées.
Avec l'arrivée de membres supplémentaires, plus de personnes feront l'expérience de la frustration liée à une utilité ou une autonomie limitée. Certains de ces membres trouveront un intérêt dans le travail laissé inachevé et ils créeront un nouveau noeud de membres dans les mêmes dispositions et de nouvelles personnes pour prendre en charge le travail non accompli. De façon alternative, des usagers occasionnels et des observateurs du système, qui n'ont pas l'envie ou l'expertise pour être plus actif dans le système originel, verront un nouveau besoin et démarreront un nouveau noeud. La stigmergie encourage la fragmentation en différents noeuds plutôt que le modèle entrepreneurial traditionnel d'acquisition et d'expansion sans fin. Parce que chaque individu n'est responsable que de son propre travail, et que personne ne peut diriger un groupe de contributeurs, l'expansion signifie plus de travail pour l'individu et une perspective d'auto-limitation. Au fur et à mesure que le système se développe, le travail supplémentaire exige à la fois des ressources supplémentaires et de nouvelles fragmentations. Comme la communication est plus facile et qu'il y a plus d'autonomie dans des groupes plus petits, la fragmentation est le résultat le plus probable du développement.
La communication entre les noeuds d'un système s'établit sur la base du besoin. La transparence permet à l'information de circuler librement entre les différents noeuds, mais une relation formelle ou une méthode de communication n'est ni nécessaire ni souhaitable. Le partage d'information est guidé par l'information elle-même, pas par les relations personnelles. Si une donnée est pertinente pour plusieurs noeuds elle sera immédiatement transmise à tous, aucune rencontre formelle entre des personnes officielles/légitimes n'est nécessaire.
N'importe quel noeud peut disparaître sans affecter le réseau, et les fonctionnalités subsistantes nécessaires peuvent être récupérées par d'autres. Les noeuds qui s'aperçoivent qu'ils travaillent sur les mêmes tâches sont susceptible de s'associer, ou bien certains seront rendus obsolètes par le manque d'usage. De nouveaux noeuds sont créés seulement pour remplir un nouveau besoin ou fournir une meilleure fonctionnalité; il est inefficace que la même tâche soit exécutée deux fois et cela n'arrive que quand un deuxième groupe trouve une méthode alternative que le premier groupe ne souhaite pas adopter. Dans ce cas, le meilleur système gagnera plus de soutien de la part du groupe d'usagers et l'autre système disparaîtra ou restera comme une alternative précieuse. N'importe quel utilisateur peut contribuer au noeud qui correspond le mieux à leurs intérêts et leur capacités ou contribuer à plusieurs noeuds.

Le futur

Un nouveau système de gouvernance ou de collaboration qui ne suit pas un modèle hiérarchique concurrentiel aura besoin d'intégrer la stigmergie dans la plupart de ses systèmes fondés sur l'action. Il n'est ni raisonnable ni souhaitable pour la pensée et l'action individuelle d'être soumises au consensus de groupe pour des sujets qui ne concernent pas le groupe, et il est franchement impossible d'accomplir des tâches complexes si chaque décision doit être présentée pour approbation : c'est la plus grande faiblesse du modèle hiérarchique. Le succès incroyable de si nombreux projets Internet est le résultat de la stigmergie, pas de la coopération, et c'est la stigmergie qui nous aidera à construire rapidement et efficacement et à produire des résultats bien meilleurs que ce que chacun d'entre nous envisage au commencement.


Article original :
Heather Marsh, « Stigmergy » [en ligne], disponible sur <http://georgiebc.wordpress.com/2012/12/24/>, (consulté le 30 janvier 2014).
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Coopération ouverte et/ou fermée ?

Auteur de la fiche Corinne Lamarche - SupAgro Florac
Licence de la fiche Creative Commons BY-SA
Idées développées par l'auteur dans le domaine de la coopération dans ce livre, cette conférence

Nous sommes "programmés" pour coopérer

Le comportement coopératif de l'homme est du, en partie, à son évolution génétique. Il est lié au degré d'apparentée et aux attentes identitaires.
Selon la théorie de l'évolution, nous aurions, au fil des siècles, développé des comportements altruistes, vis à vis de notre groupe de parentèle et d'appartenance.

Coopération fermée

L'altruisme évolue dans un groupe si celui-ci est en compétition avec d'autres groupes. Plusieurs expériences ont montré une propension à la coopération fermée au sein des groupes de parentèles et d'appartenance. L'enfant va plutôt partager avec les membres de son groupe proche et va se méfier des autres groupes. L'aspect cognitif et émotionnel jouant un rôle important (imitation, langage, croyance, imagination). L'ethnologie nous montre le fait de groupes renforçant leur solidarité face à d'autres, pour garder leurs biens matériels, voire immatériels. Dans de nombreuses langues, les terme utilisé pour le "Nous" et le "Eux" rend vraiment compte d'une distinction linguistique mais aussi comportementale entre "Son" propre groupe, et le groupe des "Autres". A travers l'histoire, et même de nos jours, nous nous affirmons en opposition par rapport aux autres; notre identité se construit en s'opposant à l'autre, et il en va de même pour les groupes. La coopération fermée renforce les liens au sein du groupe d'appartenance, permet un ancrage identitaire fort, valorise les réputations, peut se développer grâce la compétition.

Coopération ouverte

Cependant, la spécificité de l'Homo sapiens, au contraire de Néandertal, a été d'élaborer des formes de coopération de plus en plus ouvertes, à s'intégrer dans de larges réseaux. L'homme, selon les situations, a une inclination à la coopération ouverte. Nous coopérons plus facilement avec des gens qui eux-mêmes coopèrent, et en les observant, nous savons si ce sont de bons coopérateurs. Nous pourrions dire de certains comportements coopératifs qu'ils relèvent d'un "altruisme compétitif", tels que l'action de donner à des oeuvres caritatives. Cela pourrait être interprété comme une recherche de valorisation de soi, d'accroissement de la réputation pour être choisit à son tour par le groupe. Mais que dire de situation où l'individu va sauver une vie au risque de perdre sa propre vie? Il n'est pas dans une situation d'altruisme compétitif.
Quels sont donc les facteurs qui nous poussent à coopérer au sein de la parentèle ou avec d'autres groupes plus élargis?
La coopération ouverte permet l'accueil de nouvelles personnes et donc de nouvelles connaissances, de nouveaux savoir faire, augmente son exposition au doute (condition nécessaire pour l'innovation).

Les variables pour la promotion d'une coopération ouverte

Tout d'abord quels sont les bénéfices induits par une coopération ouverte? A travers l'histoire et par expérience, il est démontré l'accumulation culturelle et l'apport d'innovation dû à des facteurs géographiques, écologiques, démographiques, linguistiques. L'ouverture aux autres, à une diversité de manières de faire et de penser, ainsi que la taille du groupe influe sur la capacité d'adaptation et à une certaine stabilité politique.
Trois autres variables sont importantes pour comprendre "les bases évolutionnaires de la coopération humaine et de la manière dont celles-ci sont culturellement modulées":
  • Les sanctions. Elles auront un effet positif si il existe, conjointement, des normes prosociales puissantes, une légitimité des acteurs et la confiance dans les dispositifs institutionnels.
  • La notion d'identité collective au sens de créer du lien, de faire partie d'un "Nous"; la coopération est liée aux motivations et aux émotions sociales, et non pas à des motivations instrumentales et à un objectif utilitariste.
  • Le pouvoir politique, bien qu'il y ait des risques; c'est une affaire de choix moral et d'assumer de passer d'un "Nous" exclusif à un "Nous" inclusif, de tendre vers un processus agrégatif de toujours plus de complexité et de diversité sociales.

Coopération fermée et coopération ouverte s'expriment de manière simultanées, et chacune présentent des avantages et des inconvénients. Pour répondre aux attentes identitaires de chacun, il faudrait d'abord mettre en avant la nécessité de comportements coopératifs. "Au principe "Identifiez-vous, puis coopérez", on opposerait alors un tout autre principe "Coopérez, puis vous vous identifierez".
Présentation rapide de l'auteur de l'ouvrage Joël Candau : Professeur au Département de Sociologie-Ethnologie de l'Université de Nice-Sophia Antipolis. Il est membre élu au Conseil National des Universités, membre de la section "Anthropologie sociale, ethnologie et langues régionales" du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, CTHS (2006-), membre de la Société d'Ethnologie Française, membre du Comité de rédaction de la revue Le monde alpin et rhodanien, expert pour l'AERES et directeur du Laboratoire d'Anthropologie et de Sociologie "Mémoire, Identité et Cognition sociale" (LASMIC, EA 3179).
Référence bibliographique Dussaux Maryvonne, « «Pourquoi coopérer», Terrain, n° 58, 2012 » [en ligne], Lectures (2012), disponible sur , (consulté le 4 février 2014).

La coopération expliquée à mon beauf'

Auteur de la fiche Gatien Bataille
Licence de la fiche Creative Commons BY-SA
Description Par un dimanche ensoleillé de juin
  • C'est OK pour vous ? Lance ma belle soeur en s'adressant à moi et à son mari
  • Oui oui on est prêt. Amenez la viande, les braises sont à point !
Alors que nous plaçons les saucisses sur la grille, mon beauf me lance :
  • Ton séminaire à Sète sur la coopération s'est bien passé ?
  • Oui ce fut plutôt sympa. J'ai pu de nouveau goûter à la puissance de l'intelligence collective.
  • Tu m'excuseras mais ça reste encore un peu flou pour moi, cette "coopération".
  • Oui, je comprends... Même pour moi ce n'est pas évident d'en parler simplement. Faut dire qu'on est en pleine phase d'émergence et qu'elle ne peut encore s'appuyer sur rien de grande ampleur... Mais ça bouillonne chaque jour un peu plus.
  • Pour moi coopérer, ça veut dire faire des choses ensemble mais ça me parait tellement loin du fonctionnement de notre société. J'ai des doutes quant au fait que ça concerne beaucoup de monde...
  • Détrompe-toi, il y a vraiment beaucoup d'initiatives qui naissent. Même les entreprises s'y mettent !
  • Les entreprises sont devenues altruistes maintenant ?
  • En fait pas vraiment ! L'altruisme c'est quand on oublie son intérêt personnel pour l'intérêt collectif. Ça a des avantages bien connus dans le monde animal par exemple mais c'est vrai qu'au niveau économique c'est moins connu ! Enfin de toute façon, il est tout à fait possible de coopérer sans être altruiste.
  • Ah bon.
  • Ben oui, il suffit de faire converger ton intérêt personnel avec l'intérêt collectif.
  • En français s'il te plaît.
  • Ben pas compliqué. En général l'intérêt collectif rejoint souvent ton intérêt personnel quand on le regarde à long terme. Mais en étant astucieux, on peut aussi organiser les choses pour que notre intérêt rejoigne l'intérêt des autres à court terme cette fois. Par exemple, là on a tous les deux intérêt à ne pas laisser griller les saucisses...
  • Sympa ta théorie mais je demande à voir au niveau économique.
  • Et bien c'est pas si rare, de plus en plus d'entreprises se lancent dans la collaboration radicale ou la coopétition, l'idée étant de s'associer entre concurrents pour développer certains aspects des produits de demain et prendre ainsi de l'avance sur la concurrence ou sur des législations à venir. Comme on dit : y a plus dans deux têtes que dans une...
  • Facile à dire, faire converger intérêt collectif et individuel, je vois pas trop comment en fait...
  • Pas trop compliqué en fait, on a les clés mais il reste à les généraliser. Par exemple, partager une vision à long terme aide beaucoup à l'émergence de la coopération, travailler sur de l'abondance est aussi un facteur facilitant.
  • Sur l'abondance, on est plutôt en crise non? Moi je ressens plutôt la rareté là !
  • Oui c'est le cas pour les biens matériels mais si tu y regardes mieux, il y a une quantité de plus en plus grande de biens non matériels autour de toi, ces biens que l'on nomme non rivaux tendent d'ailleurs à exploser avec la généralisation d'internet, des ordinateurs et même des imprimantes 3D qui permettent à partir de plans numériques de produire des biens matériels.
  • Oui facile en effet mais on fait quoi si les plans sont sous copyright ?
  • Là tu mets le doigt sur une des autres conditions qui facilitent la coopération. Quand ce n'est pas ouvert, libre d'usage, c'est plus compliqué mais l'arrivée des licences ouvertes facilite grandement le travail.
  • Et ça marche ?
  • Plutôt oui, regarde thegreenxchange par exemple. C'est une plate forme internet où des entreprises parfois concurrentes échangent et partagent leurs avancées... étonnant mais bien réel !
  • Ouaip, j'ai du mal à croire...
  • Tu sais la question n'est plus de savoir si on va y aller car on y est ! Le monde actuel est trop complexe pour être abordé sans l'intelligence collective. Les entreprises et bien d'autres l'ont compris. Et ceux qui ne l'ont pas compris se cassent les dents. Regarde les majors de la musique qui pleurent derrière les copies illégales et les bénefs d'Itunes qui vend des morceaux dématérialisés !
  • Oui d'accord mais...
  • Mais c'est encore naissant, c'est vrai... et on sent bien que ce qui reste à inventer autour de cette coopération c'est tout un ensemble de modèles économiques qui lui correspondent. La planification tout comme l'économie qui ne s'intéressent qu'à la rareté ne suffisent plus, Il faut qu'on se tourne vers un modèle qui fait aussi ressortir la valeur de l'abondance et pas seulement de la rareté.
  • Et en attendant ?
  • En attendant ? ça innove, et ça marche... Regarde dans le monde de l'internet et de l'informatique Linux ou les modèles Freemium du web2 qui libèrent les contenus pour se financer sur le service ou encore Sésamath qui produit des livres de math à partir de cours collectifs... L'étape cruciale à franchir maintenant est le passage à l'échelle.
  • Et tu crois vraiment que tout le monde a le temps d'apprendre ces trucs nouveaux ?
  • C'est comme pour le reste, la coopération ça prend du temps ou bien au contraire ça t'en fait gagner si tu sais mutualiser. Et en plus si tu n'apprends pas à coopérer tu n'as plus qu'à courir derrière ceux qui savent l'utiliser pour défendre leur intérêt en passant par celui des autres, trouver des modèles économiques qui créent de la valeur par l'abondance et gagnent du temps en mutualisant...
  • Et les mecs c'est cuit là ? lance ma femme !
  • Oui c'est parfait, on arrive ! répond mon beauf.
Tout en rassemblant la viande, j'invite mon beauf à m'accompagner manger.
  • Bon allez à table ! De toute façon, la coopération ça commence toujours par un moment de convivialité !
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L'implication

Auteur de la fiche Jean Michel Cornu
Licence de la fiche Creative Commons BY-SA
Description

Les motivations pour faciliter l'implication

Livre "la coopération, nouvelles approches" version 1.0

Paradoxe : Le système EPM

Un projet ne se développe pas simplement parce que les participants font bien ce qu'on leur dit de faire, mais aussi parce qu'ils s'impliquent.

Au début de l'ORTF (Office de Radio et Télévision Française), les équipes travaillaient dans une grande émulation. De nombreuses premières ont ainsi été rendues possibles grâce à des groupes de personnes passionnées qui inventaient la télévision (la façon de filmer une dramatique, le mécanisme d'incrustation qui permet d'ajouter un fond derrière un présentateur...). Il y eut des innovations merveilleuses et bien sûr également de nombreuses erreurs commises.

Pour financer la télévision qui devenait de plus en plus chère, la publicité fut introduite. Petit à petit, un effet pernicieux apparut : Au moment de la publicité, il fallait que le maximum de personnes regardent la télévision. Il ne devenait plus possible de prendre le risque d'un flop. Les orientations des émissions étaient clairement définies et choisies AVANT par les gestionnaires. L'innovation et la créativité devenaient des facteurs de risque. Les personnes qui réalisaient les émissions devinrent les exécutants de projets entièrement définis et calibrés. Ils perdaient au passage le plaisir de la découverte et la reconnaissance lorsqu'ils inventaient quelque chose d'extraordinaire. Une autre forme de reconnaissance était accordée non plus aux innovateurs mais à ceux qui avaient une place visible grâce à la diffusion grandissante du média. Il devenait intéressant de lutter contre les autres pour obtenir les meilleures places, les meilleurs titres et même la célébrité.

Ceux qui ont voulu continuer à innover ou faire de belles choses se sont vus de moins en moins reconnus, se sont découragés et sont tombés dans le système que François de Closet appelle le système EPM ("Et Puis Merde...")1.

Laissez les meilleurs contributeurs s'approprier des morceaux du projet

Lorsque les émissions de télévisions sont devenues des événements critiques, il a fallut supprimer le droit à l'erreur. Mais l'innovation et la créativité sont des processus non robotisés. Elles imposent souvent de nombreux échecs pour arriver à une idée géniale. Une planification précise prévoyant ce qui doit se passer tue l'innovation. Ainsi, Norbert Alter2 explique que les innovateurs ne sont pas reconnus au début et même souvent rejetés.

A l'inverse, une des particularités des projets coopératifs est que le coordinateur-propriétaire ne détient finalement que le droit de modifier comme il le souhaite son projet. Chacun peut aller et venir sur son "territoire". Plus les passants auront envie de s'y arrêter et de s'y établir et plus le projet s'enrichira. Pour retenir les meilleurs contributeurs et les plus actifs, il est bon de leur laisser un petit morceau de la propriété sous la forme d'un sous-projet qu'ils peuvent ensuite coordonner, même si ce qu'ils en font n'est pas prévu au départ.

La clé est d'adopter un "laisser-faire actif" tant que les propositions vont dans le sens du projet. Par exemple, il vaut mieux autant que possible que chacun puisse choisir son rôle, cherchant alors à s'investir dans les fonctions non ou mal remplies pour "trouver sa place", plutôt que d'affecter des rôles à l'avance. La théorie des files d'attente présente bien ce genre de rééquilibrage3.

La contrepartie du don

Comme nous l'avons vu, coopérer à un projet, et même s'investir et donner sans attendre de contrepartie immédiate n'est pas forcément un acte altruiste mais une façon de concilier son intérêt personnel avec l'intérêt collectif en différant et globalisant la contrepartie reçue.

Les biens consommables (ou leur équivalent en argent) sont assez mal adaptés pour constituer une contrepartie efficace, car on se retrouve alors avec un simple échange basé sur une évaluation unitaire de chaque don. Cela montre qu'il est difficile de vivre uniquement du don car nous avons également besoin, entre autre, de biens de consommation pour assurer nos besoins vitaux. Nous verrons cependant que par un effet de ricochet, les gains plus immatériels obtenus dans un système de don peuvent dans un deuxième temps grandement faciliter l'obtention de ces biens matériels.

Les gains que l'on peut s'attendre à recevoir à la suite de ses dons sont de trois ordres :

  • Le savoir-faire
  • Le plaisir
  • La reconnaissance

Dans l'économie d'échange, on obtient en contrepartie de son travail le développement d'un savoir-faire et de l'argent qui permet indirectement de satisfaire ses besoins vitaux et d'acheter ce qui peut faire plaisir (même s'il est possible et souhaitable de prendre du plaisir directement dans son travail).

Dans l'économie du don, on obtient en contre partie de son travail le développement de savoir-faire et du plaisir, ainsi que de la reconnaissance qui permet éventuellement d'obtenir indirectement une valorisation du statut social pour mieux satisfaire ses besoins vitaux.

Le sentiment du travail bien fait constitue également une gratification pour ceux qui y sont sensibles. Il s'agit d'un sentiment personnel indépendant des réactions collectives, nous ne le détaillerons donc pas ici.

Première contrepartie :Le savoir-faire

Toute participation à un projet doit permettre d'acquérir des savoir-faire dans les domaines opérationnels où nous nous impliquons, mais également le sens de la participation et de la gestion de projets. De ce point de vue, on peut comparer l'acquisition de savoir-faire à ce qu'une société dans l'économie d'échange cherche à obtenir avec son budget formation et son budget recherche et développement.

Deuxième contrepartie : Le plaisir

Cela pourrait sembler un bien faible résultat que l'on peut obtenir de bien d'autres façons. Pourtant, dans l'économie d'échange également, une fois nos besoins vitaux remplis, l'argent sert principalement à contenter notre besoin de plaisir et même notre besoin de paraître et notre besoin de montrer à autrui notre réussite sociale au travers de biens plus luxueux et de voyages, spectacles, etc. Dans les projets coopératifs le plaisir n'est plus apporté indirectement grâce aux gains en argent, mais directement par le projet lui-même. Il s'agit même d'un critère primordial dans la gestion du projet : celui-ci doit permettre aux participants d'y trouver du plaisir et en contrepartie, le plaisir agit comme un moteur pour susciter l'implication qui est une des clés de la réussite de tout projet.

Troisième contrepartie : La reconnaissance

Il s'agit d'un gain fondamental dans un projet coopératif libre. De la même façon que l'économie d'échange n'apporte pas directement la satisfaction des besoins vitaux mais apporte l'argent qui permet de les prendre en charge, la reconnaissance apporte par ricochet plusieurs avantages :

  • Un moyen très efficace pour attirer la coopération des autres dans les projets que nous pourrions proposer.
  • La satisfaction du besoin de reconnaissance que nous avons tous.
  • L'augmentation des moyens (embauche, promotion) qui résulte de façon indirecte de l'estime que nous suscitons ou des titres que nous avons acquis.

Les deux dernières contreparties sont souvent reniées par les purs et durs des projets bénévoles. Le besoin de reconnaissance fait trop penser à sa version pervertie : l'égocentrisme. Quant à l'augmentation des moyens, il n'est possible de l'ignorer que si l'on a résolu tous ses besoins vitaux et obtenu la sécurité. Si cet avantage est souvent nié c'est qu'il comporte des risques importants de déviations comme nous le verrons plus loin. Pour donner une comparaison, la reconnaissance permet d'obtenir ce qu'une société dans l'économie d'échange recherche grâce à son budget marketing ou communication.

De nouveau, quelque chose qui peut sembler négatif dans notre environnement où l'intérêt individuel est antinomique avec l'intérêt collectif, devient un fondement du projet coopératif lorsque l'intérêt individuel et l'intérêt collectif sont réconciliés.

Les déviations de la reconnaissance

La reconnaissance joue dans l'économie du don le rôle de l'argent avec les différences que nous avons déjà identifiées : évaluation globale a posteriori sur tous les dons. La contrepartie n'est pas demandée mais reçue de l'ensemble de la communauté.

Il faut plus de temps pour " toucher " sa première paye, ce qui explique qu'une économie du don marche d'autant mieux que les acteurs ont déjà résolu leurs besoins vitaux et peuvent se concentrer sur d'autres besoins moins urgents (besoin de reconnaissance, plaisir, acquisition de savoir-faire, faciliter la coopération des autres dans des projets futurs...).

Nous avons vu cependant que deux de ces gains au moins (la satisfaction du besoin de reconnaissance et l'augmentation des moyens) comportent des déviations possibles.

En particulier, la satisfaction du besoin de reconnaissance peut pousser à l'égocentrisme. Dans ce cas la reconnaissance n'est plus reçue des autres mais considérée comme un dû. Cependant, grâce à un mécanisme de régulation naturel, la personne qui tombe dans ce travers et qui ne dispose pas de pouvoir de contrainte sur les autres voit ses pairs se détourner d'elle.

Les différents types de reconnaissance

Pour ce qui est de l'augmentation des moyens par l'intermédiaire de l'augmentation du statut social, il faut distinguer plusieurs formes de reconnaissance. Si chacune apporte une forme de pouvoir, il est là aussi nécessaire de voir s'il y est associée ou non une possibilité de contrainte sur les autres.

  • Le titre honorifique n'est normalement obtenu qu'après la fin de sa participation à un projet. Pour que ce type de reconnaissance fonctionne bien, il faut qu'il n'y ait plus d'implication ensuite dans le projet. Le titre apporte alors une mesure de la reconnaissance obtenue sans apporter de pouvoir. Les seules déviations possibles sont de continuer à avoir une implication et la mauvaise évaluation de la récompense. Celle-ci risque particulièrement d'arriver si seul une personne ou un petit groupe décide d'attribuer le titre. Il est alors possible d'influencer la personne chargée de l'attribution pour obtenir un titre non mérité ou à l'inverse le faire refuser à quelqu'un.
  • L'estime est obtenue pendant le déroulement du projet et permet à celui qui la reçoit de continuer à agir en attirant plus facilement encore la coopération des autres. Son grand inconvénient est qu'elle n'est pas mesurable (il n'y a pas " d'unité d'estime "), même si elle peut être...estimée. Mais cette forme de reconnaissance apporte de nombreux avantages. L'évaluation se fait en continu et peut augmenter ou diminuer par un phénomène d'autocorrection permanent. L'évaluation est distribuée car elle est réalisée par tous. Elle se fait sur ce que l'on a réalisé et non sur ce que l'on annonce. Elle apporte un pouvoir non contraignant : il sera plus facile d'attirer la coopération des autres mais l'estime ne permet pas d'obliger à coopérer. Enfin dernier avantage, le nombre de personnes qui peuvent recevoir de l'estime n'est pas limité, nous sommes dans une économie d'abondance qui facilite la redistribution de l'estime aux autres.
  • Le titre opérationnel est obtenu avant de remplir le rôle qui lui est associé. Cette fois, il s'agit d'une mesure facilement identifiable. Mais l'évaluation se fait à un moment donné par une personne ou un petit groupe sur la base de l'estime obtenue dans d'autres rôles. Le titre peut également être obtenu à partir de l'annonce de ce qui va être fait (comme par exemple dans les appels d'offres pour obtenir un contrat). Nous sommes alors complètement dans le domaine du principe de Peters 4 : " Dans une hiérarchie, toute personne tend à s'élever jusqu'à atteindre son niveau d'incompétence ". C'est une des conséquences de ce système d'évaluation " a priori ". Un des points important est que le titre opérationnel donne la plupart du temps un pouvoir de contrainte sur des " subalternes " que l'on voudrait faire coopérer. Enfin, le nombre de postes disponibles est limité et pour pouvoir donner un titre opérationnel, il faut bien souvent en libérer un.

Première règle : faciliter les mécanismes de contrepartie

L'un des rôles fondamentaux du coordinateur d'un projet est de faire en sorte que chacun trouve son intérêt dans la coopération avec les autres. Pour cela il est important d'être attentif de façon continue pour faciliter l'apprentissage de choses nouvelles et les moments de plaisir surtout si ceux-ci sont collectifs.

Le coordinateur doit également être attentif au fait que chacun récolte l'estime qu'il mérite. Faire circuler l'information sur les réalisations de chacun, conserver un historique des réalisations sont des moyens efficaces de faciliter l'autorégulation par l'estime.

Deuxième règle : Permettre à chacun de se voir en construisant par étape

Avant même de réaliser de grandes choses, le membre de la communauté va tester inconsciemment la capacité de la communauté à reconnaître ses résultats.

Nous avons vu que plus la taille des groupes était grande et plus il générait d'opportunités. Cela semble aller à l'inverse de la capacité à recevoir de la reconnaissance, les actions étant noyées dans la masse. Pourtant, il est possible d'être visible même dans les grands groupes car c'est le nombre de contributeurs et non le nombre total de personnes qui compte.

Le nombre de contributeurs réguliers est lui limité. Pour permettre à plus de personnes de s'impliquer, il faut alors progressivement segmenter le projet en sous-projets. Tout l'art du coordinateur consiste à faire progresser son projet au bon rythme depuis une idée unifiée jusqu'à la ramification en sous projets, pour permettre à chaque étape à la fois un nombre minimum de contributeurs et que ce nombre ne soit pas un frein à ce que les contributeurs se voient et soient reconnus.

Troisième règle : Ne donnez pas des titres mais des rôles non exclusifs aux participants

La subtilité entre le titre et le rôle est importante. Le titre apporte une concrétisation d'une reconnaissance. Il est souvent exclusif, ce qui bloque la possibilité d'avoir d'autres personnes qui assument le rôle ouvertement si le niveau d'incompétence est atteint. Par ailleurs le titre s'accompagne souvent d'un pouvoir coercitif qui va à l'encontre des mécanismes de régulations par les participants proposés pour les projets coopératifs.

Le rôle non exclusif lui, permet d'orienter et d'inciter un membre à contribuer (en particulier au début lorsque le nombre des contributeurs est faible ou nul). Mais le rôle doit se conquérir à chaque moment pour recevoir de l'estime en contrepartie. S'il ne s'accompagne pas d'un pouvoir coercitif, la personne ayant un rôle devra motiver d'autres contributeurs s'il veut démultiplier ses résultats suivant un processus proche de celui de la mise en place d'un projet complet. La distribution d'un rôle non exclusif à une personne est une motivation à s'impliquer et peut mener par la suite à la coordination d'un sous-projet fructueux.

Résumé

Pour que les contributeurs les plus innovants s'impliquent de plus en plus et restent motivés il faut faciliter les mécanismes naturels de contrepartie :
  • Le développement de savoir-faire
  • Le plaisir
  • La reconnaissance

Pour cela le coordinateur doit suivre les règles suivantes :
  • Faciliter les mécanismes de contrepartie (savoir-faire, plaisir, reconnaissance).
  • Permettre à chacun de se voir en construisant le projet par étape.
  • Ne pas donner des titres mais des rôles non exclusifs aux participants pour qu'ils s'approprient des morceaux du projet.

Réduire les risques à s'impliquer dans un groupe

Paradoxe : seuls ceux qui ne font rien ont du temps

Sans doute, si vous avez déjà cherché à rassembler des personnes, êtes-vous tombés sur ce curieux paradoxe : Ceux qui pourraient apporter le plus à une communauté sont soit déjà impliqués dans d'autres groupes, soit ils sont en train de monter leur propre projet. Ils n'ont donc pas le temps nécessaire pour s'investir dans votre projet.

D'autres encore n'ont pas la sécurité matérielle suffisante pour s'engager.

Il reste une troisième classe de personnes qui participent à de très nombreux projets. Ils se joindront avec joie au votre. Mais s'ils peuvent apporter la richesse des liaisons avec d'autres groupes, ils n'auront ni le temps ni l'intérêt de contribuer fortement à votre projet.

Le paradoxe pourrait s'énoncer ainsi : "Sauf exception, les meilleurs contributeurs n'ont pas le temps de s'investir dans votre projet."

Réduire les risques lors de l'engagement

Ceux qui sont sollicités souvent pour participer aux projets ont pris l'habitude de d'abord dire non et éventuellement de réfléchir ensuite. Pour n'avoir que très mal suivi cette règle, je me suis souvent retrouvé surchargé par de trop nombreux engagements. Cela ne peut se faire qu'au détriment de son implication dans les projets auxquels on participe ou que l'on monte.

Cette fois encore, il est nécessaire de faire jouer les mécanismes de régulation. Quelqu'un qui arrive dans un projet ne peut jamais être certain que celui-ci est réellement intéressant pour lui ou même qu'il le restera. Il faut donc minimiser le risque de s'engager dans un nouveau projet.

Pour cela il existe deux critères :

  • L'un dépend de la personne elle-même : On peut s'impliquer lorsque l'on a réglé ses besoins de sécurité matérielle.
  • L'autre dépend du groupe : L'entrée dans un groupe ne doit pas être un engagement à y contribuer ou même à y rester.

Première Règle : chacun doit disposer d'une sécurité matérielle

Il est nécessaire que chacun ait résolu ses problèmes de sécurité matérielle :

  • Soit en participant au projet dans le cadre de son travail si l'organisation à laquelle il appartient y voit son intérêt,
  • soit en ayant une marge de manoeuvre suffisante pour participer bénévolement.

Le financement direct des personnes pour un projet pose des problèmes d'acceptation par les autres personnes non rémunérées et d'obligation de résultats qui imposent d'autres méthodes de travail. Une personne peut cependant être salariée par une organisation participante au projet. Elle est alors payée pour son rôle de lien avec le projet plutôt que directement pour le travail qu'elle fait dans le cadre du projet.

Les communautés ouvertes et fermées

Un domaine important dans la mise en place des projets coopératifs concerne l'aspect ouvert ou fermé des groupes.

Si un coordinateur constitue une communauté d'utilisateurs qui ne peuvent que difficilement faire le choix de sortir de la communauté, alors la communauté est dite fermée. Si au contraire la communauté permet à tout utilisateur de sortir aisément, si les contributions peuvent venir de toute personne, alors la communauté est ouverte. Il semble que quelques règles se détachent pour former un groupe ouvert :

  • Chaque membre de la communauté peut sortir de lui-même à tout moment de la communauté. Si un membre perturbe le fonctionnement de la communauté, le coordinateur garde la possibilité de l'exclure. Il n'a cependant pas le pouvoir de maintenir dans la communauté quelqu'un qui veut en sortir.
  • Il est possible et même très positif de faire partie de plusieurs communautés. Chacun peut choisir librement les groupes auxquels il souhaite participer.

La mise en place d'une communauté ouverte d'utilisateurs-contributeurs est un choix préférable à celui d'une communauté fermée.

Les sectes sont des groupes fermés. L'appartenance à d'autres groupes tout comme la sortie de la secte sont fortement découragés. Le gourou dispose de plus d'un pouvoir de contrainte sur ses membres.

Les critères que nous avons donnés ne concernent pas le mode d'entrée dans la communauté. Il existe des cas où des communautés mettent des freins à l'entrée en utilisant la cooptation ou d'autres mécanismes. Il en existe plusieurs types tels que le noyau de coordination d'un projet lorsqu'il comporte plusieurs personnes ou la communauté des coordinateurs de projet.

Noyau de coordination et groupe de pilotage

Nous avons vu que la grande différence entre les contributeurs et les coordinateurs résidait dans le côté critique ou non critique des tâches exécutées. Ainsi le noyau de coordination d'un projet peut parfois comprendre plusieurs personnes. Dans ce cas, il est préférable de choisir très soigneusement l'équipe de coordination dont chaque membre prendra en charge des tâches critiques. La cooptation est alors le meilleur système. C'est au coordinateur principal de choisir ses partenaires et d'assurer la cohérence de l'équipe.

Les utilisateurs ne choisissent pas chaque membre du noyau de coordination mais sanctionnent l'efficacité de l'équipe de coordination en contribuant ou au contraire en sortant de la communauté. L'information dont ils disposent est un critère clé pour éviter les déviations. Paradoxalement, le fonctionnement est similaire à une bourse de valeurs ou d'un marché financier : On "parie" sur une idée, sur une stratégie, sur une équipe et la sanction est l'accroissement de la demande du titre.

Dans tous les cas, il est préférable que le noyau de coordination (et également le nombre de tâches critiques) reste le plus petit possible pour éviter la complexité grandissante imposée par la loi de Brooks. Dans l'idéal, le coordinateur est seul.

Une solution consiste à former un groupe de pilotage. Celui-ci rassemble des membres de la communauté auxquels on a donné des rôles (non exclusifs et non critiques) pour qu'ils prennent en charge des tâches dont aucune n'est vitale pour le projet. Un tel groupe de pilotage non critique permet alors de disposer de contributeurs particulièrement actifs qui peuvent même prendre en charge la coordination d'un sous projet sans que la défaillance de l'un d'eux ne mette le reste du projet en péril.

La communauté des pairs

La communauté des coordinateurs de projets est un cas de communauté par cooptation : les personnes rentrent dans la communauté lorsqu'elles sont reconnues par leurs pairs. Ici, la communauté n'a qu'un but d'échanges. N'ayant rien à produire en commun, il n'y a pas de tâches critiques. Elle sert principalement à apporter des échanges et de la reconnaissance entre ses membres. Une telle communauté fermée est cependant dangereuse si la reconnaissance n'est basée que sur ses membres et non sur une communauté ouverte d'utilisateurs-contributeurs.

Ainsi, dans les logiciels libres, il existe deux types de communautés. Les hackers (également appelés hackers éthiques pour les distinguer des autres) : Il s'agit souvent de personnes qui mettent en place des projets coopératifs de développement de logiciels libres. Ils tiennent leur reconnaissance (et donc leur statut de hackers), non seulement de la communauté des hackers, mais également des utilisateurs-contributeurs de leurs communautés ouvertes.

Les communautés d'intérêt comme celles des hackers protègent leur cohérence de l'extérieur par des mécanismes de sélection :

  • Le vocabulaire ou le contexte social permet la reconnaissance entre les membres.
  • La nécessité d'un temps d'initiation permet d'acquérir des qualités nécessaires pour être reconnu comme membre du groupe (compétences techniques, patience, sens du compromis...). Les secrets doivent être découverts progressivement.

A l'inverse, les " crackers " sont des pirates informatiques qui développent en secret des virus ou piratent des sites Internet. La communauté des crackers est formée des personnes qui se reconnaissent entre eux comme crackers. S'ils ont l'équivalent d'utilisateurs (qui le sont bien malgré eux !), ils n'ont pas de communauté ouverte de contributeurs. La régulation par l'implication des utilisateurs-contributeurs ne peut pas se faire.

Une communauté dont l'entrée n'est pas ouverte n'est donc pas nécessairement une mauvaise chose si elle permet de constituer un noyau de coordination cohérent par cooptation ou permet des échanges entre des personnes ayant une culture commune. Cependant elle doit permettre la sortie et la multi-appartenance pour rester ouverte et elle doit être basée sur d'autres communautés ouvertes pour permettre les mécanismes de régulation de la reconnaissance et ainsi éviter les déviations.

Deuxième règle : Entrer dans un projet ne doit être un engagement ni à y contribuer ni à y rester

Cette "ouverture" peut apparaître comme un inconvénient, et il semblerait plus intéressant à court terme de rendre ses utilisateurs "captifs". Mais la véritable évaluation du projet passe par l'estime qu'en ont les utilisateurs qui choisissent de contribuer ou au contraire de partir. Les remises en questions imposées par cette évaluation permanente poussent le projet vers un cercle vertueux de qualité. Bien sûr le coordinateur garde cependant le pouvoir d'exclure un membre qui perturberait le fonctionnement d'ensemble.

Résumé

Pour que les bons contributeurs ne perçoivent pas la participation à votre projet comme un engagement à risque, il faut à la fois qu'ils aient une certaine sécurité matérielle mais aussi que le groupe soit ouvert.
Un groupe ouvert permet à chacun de sortir à tout moment et encourage la multi-appartenance à l'initiative du membre.

Pour minimiser le risque de s'engager dans un projet il faut :

  • Disposer d'une sécurité matérielle pour chacun.
  • Entrer dans un projet ne doit être un engagement ni à y contribuer ni à y rester.


L'implication : abaisser le seuil de passage à l'acte

Paradoxe : le train est parti

Si vous arrivez juste à temps pour attraper votre train, vous pourrez monter dedans et voyager comme prévu. Si vous arrivez 20 minutes à l'avance, vous avez une marge de sécurité et la durée totale de votre voyage (attentes comprises) sera allongée de 20 minutes. Mais si vous arrivez quelques secondes après le départ du train, alors tout votre voyage est chamboulé car vous avez raté votre train !

Nous avons souvent une vision linéaire des choses. Mais de nombreux phénomènes se produisent de façon non linéaire en fonction d'un seuil. Un domaine où l'on rencontre souvent ce genre de seuil et de basculement est la psychologie.

Abaisser le "seuil de passage à l'acte"

Le passage à l'acte chez l'être humain correspond à un basculement brutal. La théorie mathématique du chaos exprime bien le seuil qui fait passer de l'attitude passive à la coopération5. Ce seuil dépend de chaque personne mais aussi de l'environnement.

Exemple : inciter à l'action en envoyant un message électronique

Prenons par exemple un message Internet demandant aux utilisateurs de regarder une page spécifique de votre site web. Si l'adresse de la page est dans le message et que l'utilisateur n'a plus qu'à cliquer, vous aurez bien plus de personnes qui iront voir votre page que si vous considérez qu'ils ont déjà l'adresse de votre site et qu'ils peuvent très bien se débrouiller pour la retrouver. L'ennemie dans ce cas est la phrase que l'on entend beaucoup trop dans des projets : "c'est leur problème !".
Si le coordinateur propose dans un message à ses utilisateurs de contribuer activement, il doit redonner tous les éléments afin que ceux qui reçoivent son message n'aient pas à rechercher des informations supplémentaires pour contribuer. Sinon il ne pourra que se lamenter du manque de dynamisme de ses utilisateurs. Il en sera pourtant le premier responsable. Réfléchissez un instant aux différentes fois dans votre vie où vous vous êtes impliqués et à celles où finalement vous n'avez rien fait. Votre attitude dépendait de votre intérêt direct pour ce qui est proposé, de la dynamique du groupe, mais aussi de petits détails apparemment insignifiants qui ont facilité ou non votre première action.


Donner l'autorisation d'utilisation et de modification a priori grâce à une licence plutôt que d'imposer une demande d'autorisation avant toute action est un autre exemple d'éléments qui facilitent le passage à l'acte.

Première règle : KISS (Keep It Simple and Stupid - Restez bête et simple)

Un projet trouvera des contributeurs si ceux-ci arrivent à comprendre ce qu'a voulu faire l'initiateur. A chaque étape, les choix doivent être simples et compréhensibles. Ce sont d'ailleurs le plus souvent les solutions simples qui sont les meilleures.

Il existe une règle d'or pour faciliter les actions des contributeurs. Elle tient en 4 lettres :
K.I.S.S (Keep It Simple and Stupid - Restez bête et simple).

Ne considérez surtout pas que tous les participants à votre projet ont une compréhension aussi bonne que vous qui en êtes au coeur. Il y a plusieurs raisons pour cela :

Les informations que vous communiquez à vos participants doivent probablement être plus facilement compréhensibles avec votre tournure d'esprit qu'avec la leur.
Vos participants n'ont pas eu accès à l'ensemble des informations, en particulier celles qui vous ont semblé suffisamment évidentes pour que vous ne leur transmettiez pas.
Enfin, même si certains contributeurs peuvent être très impliqués, ils le seront toujours moins que vous et donc sélectionnent et assimilent mieux le sous-ensemble des informations qui les concerne dans le projet.

Deuxième règle : Soyez réactif avant tout

A l'opposé, un projet présenté de longue date et qui ne démarre pas laisse le participant potentiel dans une attitude de non-participation qu'il sera difficile de lui faire quitter. Attention donc aux promesses d'actions qui sont retardées. Ces retards au démarrage sont fréquents dans les projets traditionnels basés sur des contraintes (par exemple financières). Ils tuent la motivation et l'opportunité de faire basculer les participants potentiels vers la coopération.

Être réactif... Cette règle peut sembler toute simple mais c'est souvent elle qui fait la réussite ou l'échec de l'implication des personnes. Il faut bien comprendre que le mécanisme qui permet d'agir évolue dans le temps. Plus le temps passe et plus il devient difficile d'agir. A chaque instant le seuil se met à remonter.

En gestion du temps, il est toujours recommandé de commencer tout de suite ce que l'on a à faire. Sinon il faudra encore plus de volonté pour le faire plus tard. La "maladie" qui consiste à reporter à plus tard s'appelle la "procrastination".

Si vous souhaitez coordonner un projet, ne cherchez pas à être simplement réactif : cherchez à surprendre vos membres en étant hyper-réactif ! Vous verrez qu'ainsi, non seulement vous habituerez vos contributeurs à être eux-mêmes réactifs, mais également ils se sentiront plus reconnus, si vous réagissez promptement à leurs suggestions et vous sauverez également un temps énorme simplement en réagissant souvent et rapidement.

Résumé

Outre l'augmentation de la motivation et la minimisation des risques, le secret de l'implication est dans l'abaissement du seuil de passage à l'acte.

Deux règles sont indispensables pour abaisser le seuil
  • KISS (Keep It Simple and Stupid - Restez bête et simple)
  • Le secret : soyez hyper-réactifs


1 François de Closet, "Le système EPM. Et puis merde", Paris, Ed. Grasset
2 Norbert Alter, "Sociologie de l'entreprise et de l'innovation, Paris, PUF, 1996
3 Théorie des files d'attentes (queeing theory) en recherche opérationnelle, voir par exemple http://chronomath.irem.univ-mrs.fr/LudoMath/ro.html "methods of operations research", par P.M. Morse et G.E. Kimball, Chapman et Hall, Londres, 1950
4 Laurence J. Peters & Raymond Hull, "The Peter Principle : why things always go wrong", Morrow William & Co (1969) "in a hierarchy, every employee tends to rise to his level of incompetence." Voir également une interview de Peters sur http://www.reasonmag.com/9710/int.peters.html
5 Voir par exemple sur http://www.ping.be/chaoflight/pageen/bookchaos.htm et en particulier : Ilya Prigogine, "les lois du Chaos", Flammarion, Paris 1997

Source : Jean-Michel Cornu - La coopération, nouvelles approches. [en ligne]. [Consulté le 29 janvier 2014]. Disponible à l’adresse : http://www.cornu.eu.org/texts/cooperation

Crédits photo : Via catalana by SBA73 sur Flickr - CC-BY-SA
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Le Flow : quand la coopération rend heureux

Auteur de la fiche Jean-Michel Cornu
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Développer les motivations intrinsèques

Une façon d'inciter à donner est d'en développer la motivation. Non pas la motivation extrinsèque comme nous l'avons vu (contre-don, reconnaissance sociale), mais plutôt une motivation intrinsèque qui n'attend rien de l'extérieur (estime de soi, réalisation de soi). Il ne s'agit donc pas d'un don gratuit mais plutôt d'un don désintéressé, au sens où il n'y a pas d'intéressement (un "intérêt à...") mais plutôt un "intérêt pour..."1. Cependant, dans la théorie de l'autodétermination, cette distinction intrinsèque/extrinsèque est vue plutôt comme un continuum2.

Les motivations intrinsèques "déterminées par le plaisir et le sentiment d'autonomie 3" intéressent beaucoup l'économie moderne. Parmi elles, l'estime de soi est un des moteurs de la charité (avec la reconnaissance sociale qui est elle, une motivation extrinsèque). Beaucoup de donneurs anonymes le font en considérant qu'ils ont de la chance d'être dans leur situation et qu'il est bien d'en faire profiter ceux qui n'ont pas eu cette chance, se mettant ainsi en accord avec leurs propres valeurs. Celles-ci peuvent être personnelles ou culturelles. Il est donc possible de jouer sur les valeurs du groupe où l'on souhaite mettre en place un système de don. La construction d'un système de valeurs se fait cependant progressivement et peut se heurter ponctuellement aux valeurs individuelles de certaines personnes, différentes de celles du groupe. À l'inverse, le système de valeurs est également constitutif du groupe4, incitant ceux qui s'y reconnaissent à intégrer le groupe et rejetant parfois ceux qui ont des valeurs différentes. L'autre type de motivation intrinsèque est la "réalisation de soi". Les travaux en psychologie positive ont montré que l'on atteint un état de bonheur, nommé "état de flow", lorsque l'on est totalement absorbé dans ce que l'on fait. Pourrait-on s'immerger dans le don à l'autre et y trouver un grand bonheur ?

Pour en savoir plus : l'état de flow 5

Mihaly Csikszentmihalyi, une des figures de proue de la psychologie positive6, s'est intéressée, dès les années 70, aux personnes qui consacraient beaucoup de temps et d'énergie à des activités diverses, pour le simple plaisir de les faire, sans attendre en retour des gratifications sous forme d'argent ou de reconnaissance sociale (joueurs d'échec, alpinistes, danseurs, par exemple). Ses observations l'ont amené à conclure que le bonheur, c'est lorsque nous "donnons le meilleur de nous même". Il décrit un principe d'expérience optimale, un état de flow, où nous sommes complètement absorbés dans ce que nous faisons. Cela peut être une activité très valorisante, comme écrire un livre, gravir une montagne ou une simple activité de la vie quotidienne dans laquelle nous aurons su trouver de l'intérêt pour nous investir pleinement. Cela peut même parfois s'appliquer à ce qui est habituellement perçu comme une corvée (vaisselle, repassage, etc.). Grâce aux témoignages recueillis et aux expériences réalisées, Csikszentmihalyi a identifié différentes particularités décrivant l'état de flow7.
1 - Haut degré de concentration sur un champ limité de conscience (hyperfocus), absence de distraction ;
2 - Une perte du sentiment de conscience de soi, disparition de la distance entre le sujet et l'objet ;
3 - Distorsion de la perception du temps ;
4 - Rétroaction directe et immédiate. Les réussites et difficultés au cours du processus sont immédiatement repérées et le comportement ajusté en fonction ;
5 - Sensation de contrôle de soi et de l'environnement.

Michael Norton, professeur associé à la Harvard Business School montre comment le bonheur peut être associé au fait de donner, y compris de l'argent8. Il a réalisé une étude sur le campus de l'Université de Colombie Britannique à Vancouver en demandant à des étudiants à quel point ils étaient heureux et en leur donnant une enveloppe. Elle contenait de l'argent, 5$ ou 20$ suivant les étudiants et également un mot indiquant pour la moitié des étudiants : "d'ici 17h aujourd'hui dépensez cet argent pour vous-même" et pour l'autre moitié "d'ici 17h aujourd'hui, dépensez cet argent pour quelqu'un d'autre". A la fin de la journée, les chercheurs ont interrogé les étudiants en leur demandant à quoi ils avaient dépensé leur argent et à quel point ils se sentaient heureux maintenant. Les chercheurs ont constaté que les personnes qui avaient dépensé l'argent pour les autres étaient plus heureux que ceux qui l'avaient utilisé pour eux-mêmes, et cela indépendamment de la somme d'argent dépensée. Michael Norton a réalisé une expérience similaire en Ouganda et à constaté que la situation était la même. Pour étendre cette recherche, il a ensuite fait appel à l'institut de sondage Gallup pour poser deux questions : "avez-vous donné de l'argent à un organisme caritatif récemment ?" et "à quel point êtes-vous heureux de votre vie en général". Dans la très grande majorité des pays les deux réponses sont corrélées positivement : donner rend plus heureux.

Mais il existe une difficulté pour atteindre le bonheur et l'état de flow. Nous avons tendance à privilégier les activités passives (comme regarder la télévision...) qui nous apportent une satisfaction très partielle mais immédiate plutôt que des activités actives qui vont nous rendre plus heureux mais qui demandent un effort au départ. Comment dépasser cette "barrière de l'effort"? Celui qui prend du plaisir dans le footing a d'abord souffert les premières fois; le musicien a dû s'entraîner parfois de longues années avant de pouvoir s'immerger dans une oeuvre, voire composer lui-même; Simplement le fait de passer de bons moments entre amis nécessite de sortir de chez soi... Tout au moins, il est important de vivre une première fois une expérience avant de se rendre compte qu'elle nous apporte du plaisir.

Vivre une petite expérience irréversible

Pour dépasser cette "barrière de l'effort" et trouver le bonheur dans un état de flow, il peut être nécessaire que nous visions une "petite expérience irréversible9", celle qui changera profondément notre façon de voir en nous ouvrant des perspectives qui nous semblaient impossibles. Nipun Mehta, le fondateur de ServiceSpace.org, un incubateur de projets à l'intersection du bénévolat, de la technologie et de l'économie du don, cite une histoire vraie qui s'est déroulée le jour de Noël à Mexico. Elle illustre bien cette différence entre l'idée que nous nous faisons d'une situation et le bonheur qu'elle peut nous apporter10. "Un père et son fils sont assis près d'un sapin. Un gamin des bidonvilles passe par là. Le père se tourne vers son fils et lui dit de lui donner un de ses jouets. Le fils est réticent bien sûr mais quand il se rend compte que son père est sérieux, il prend l'un de ses jouets, celui qu'il aime le moins, et se prépare à le donner. Mais son père lui dit : "mon fils, donne ton jouet favori". L'enfant bien que réticent au départ, fini par le faire. Quand il revient, le père se dit qu'il doit féliciter son geste et reconnaître le grand sacrifice que son fils a fait. Mais de façon surprenant, l'enfant à son retour saute de joie, regarde son père et lui dit : "Papa, c'était incroyable ! Est-ce que je peux le faire encore ?".

Les actes que nous faisons sont souvent dictés par la façon dont nous percevons les choses et cette perception, indépendamment de la réalité dépend de l'environnement, de ce que nous entendons autour de nous sur le sujet, etc. L'économie expérimentale s'intéresse aux comportements individuels et collectifs. Nous en avons déjà vu un exemple avec la théorie cumulative des perspectives11 qui montre notre aversion au risque. Jacques Lecomte12, professeur de psychologie à l'Université de Nanterre et à l'Institut Catholique de Paris en propose d'autres avec en particulier une expérience de prophétie auto-réalisatrice, une affirmation qui modifie les comportements par le simple fait d'être diffusée et ainsi devient vrai. Dans une expérience, un expérimentateur donne les mêmes règles du jeu à tous les participants mais annonce à la moitié du groupe qu'ils vont participer au "jeu de Wall Street" et à l'autre moitié au "jeu de la communauté". Les sujets sont deux fois plus nombreux à coopérer dans le deuxième cas ! Ainsi, nous sommes prédisposés à la fois à la coopération et à la compétition. Mais il y a une subtilité que relève Jacques Lecomte : nous sommes prédisposés et non pas prédestinés à l'un ou à l'autre. C'est le contexte qui nous fait basculer dans un mode ou dans l'autre. Les mécanismes de mimétismes fortement développés chez l'homme, aident à propager les prophéties auto-réalisatrices, qu'elles soient altruiste ou égoïstes...

Il existe d'autres mécanismes encore pour vivre des premières expériences de don. Dans l'exemple du "Pay-it forward" que nous avons vu au chapitre précédent, l'engagement du bénéficiaire d'un don à donner à son tour à d'autres personnes "en avant" n'est pas une garantie qu'il le fera. Mais cette promesse augmente les chances que de nouveaux dons soient faits. Dans sa présentation à TEDx13, Nipun Mehta présente le "Karma kitchen" à Washington DC. Il s'agit d'un établissement tout à fait normal où vous pouvez venir manger, mais il est tenu par des bénévoles et surtout à la fin de votre repas, vous recevez une note de 0$ expliquant : "dans un esprit de générosité, quelqu'un qui est venu avant vous a fait un don pour ce repas. Nous espérons que vous continuerez la chaîne en donnant à votre tour ! Pour payer pour un futur invité vous pouvez laisser une contribution anonyme dans cette enveloppe. Merci !". Nous sommes ici typiquement dans une approche de type Pay-it forward"14. La plupart des personnes acceptent de faire un don et même si quelques uns sont des "passagers clandestins", le fait que l'on donne plus volontiers pour les autres que pour soi-même a permis à ce restaurant de vivre depuis 3 ans. Aujourd'hui, d'autres restaurants de ce type ouvrent. L'initiative d'une ancienne bénévole du Karma restaurant, Minah Jung a même permis d'évaluer combien nous donnons en plus pour les autres par rapport à ce que nous sommes prêt à donner pour nous même15. Elle s'est associée au professeur Leif Nelson de la Haas Business School à Berkeley pour faire une expérimentation dans un musée où l'entrée est généralement facturée 1 $. Dans une première expérience ils ont installé une boite où les visiteurs pouvaient laisser ce qu'ils voulaient. La somme moyenne était alors de 1,33 $, supérieure au prix d'entrée habituel. Lorsqu'ils ont mis une personne pour recevoir le prix que les visiteurs voulaient payer, le montant moyen est passé à 2 $. Mais surtout, lorsqu'on disait aux visiteurs que le musée était gratuit pour eux mais qu'ils payaient pour la personne d'après, alors la moyenne des dons était de 3 $ soit trois fois le prix d'entrée habituel ! Nous sommes plus généreux pour les autres que pour nous même...

La piste de l'ocytocine pour favoriser notre penchant à la coopération ?

Depuis quelques temps, une hormone provoque un grand intérêt chez ceux qui voudraient développer la coopération et le don : l'ocytocine (ou oxytocine). Cette petite chaîne de 9 acides aminés semble parée de toute les vertus16. Elle intervient dans le développement des relations mère-enfant, dans la fidélité dans le couple, et dans de nombreux comportements sociaux tels que la confiance, le développement de l'empathie, la coopération ou l'altruisme. Le neuroéconomiste Paul Zak l'a même surnommée la "molécule morale17". Nous produisons de l'ocytocine lorsque nous touchons une personne (comme à l'occasion d'une poignée de main) et bien plus encore lors d'un baiser. Cette hormone, contrairement à beaucoup d'autres, n'a pas de dispositif régulateur et sa production peut donc culminer par des pics importants, en particulier lors de l'orgasme. Mais cette molécule a d'autres effets18. Elle peut provoquer du favoritisme envers les personnes de son groupe contre ceux qui n'en font pas partie19 et peut même pousser à désirer et se réjouir du malheur des autres20. L'ocytocine est-elle l'hormone qui facilite le don ou le rejet ? Il va nous falloir aller un peu plus loin pour le comprendre. A bien des égards cette molécule se distingue des autres hormones. Contrairement aux autres, elle ne se limite pas à deux ou trois effets, mais agit dans de nombreux cas. C'est elle qui permet les contractions du col de l'utérus lors de la naissance, elle provoque la sécrétion de lait pour permettre l'allaitement, elle provoque l'érection chez l'homme (le Viagra agit sur la sécrétion d'ocytocine) et provoque un état de plaisir dans de nombreux cas : orgasme mais aussi de façon plus réduite lorsque l'on agit de façon coopérative. Tous ces effets peuvent apparaître hétéroclites voire contradictoires. Pour leur trouver une cohérence, il faut remarquer comme le fait le chimiste Marcel Hibert21, que contrairement aux autres hormones qui aident à la survie de l'individu, l'ocytocine aide à la survie de l'espèce22. Elle nous aide à nous reproduire, à prendre soin de nos petits, à coopérer avec les membres de notre alliance, mais également à bien distinguer ceux qui sont à l'intérieur ou à l'extérieur de notre groupe. L'action de l'Ocytocine dépend donc du contexte et une des pistes pour expliquer son fonctionnement serait qu'elle focalise notre attention sur les signaux sociaux23. En prenant ces réserves en compte, nous pourrions imaginer malgré tout de développer le don par l'ocytocine comme le proposent certains. Mais si une simple poignée de main aide à produire de l'ocytocine, il n'est pas toujours facile d'avoir un long baiser entre les acteurs pour provoquer un pic de sécrétion de l'hormone ! Il est possible d'utiliser un spray intranasal et des études ont montré qu'il développait la confiance24 Mais comme le dit Marcel Hibert, allez donc mettre un spray dans le fond du nez de votre banquier ! Bien plus important, le fait que l'on puisse avoir un seul des acteurs qui respire de l'ocytocine et pas l'autre ouvre la porte à de nombreuses dérives et pose des questions éthiques. Pour développer notre propension à donner, il vaut mieux s'en tenir à la production naturelle et réciproque d'ocytocine : la simple rencontre, la poignée de main, le contact, voire pourquoi pas la danse. C'est également le cas pour les "câlins gratuits25" (en anglais Free Hugs, un mouvement qui s'est développé dans le monde entier à partir de 2004 où des personnes proposent des accolades aux gens dans un lieu public). Le "câlin gratuit" nous fait générer de l'ocytocine et nous rend heureux et de plus il est symétrique : on ne peut donner une accolade sans la recevoir également...

Cet article est extrait de l'ouvrage : Cornu Jean-Michel, Tirer bénéfice du don, pour soi, pour la société, pour l’économie [en ligne], Stimulo, ISSN 2265-7754, 1 vol., Limoges, France, FYP, 2013, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/donner-une-capacite-naturelle-mais-limitee>.
(mais cet article est lui sous licence CC-BY-SA)


1 Cornu Jean-Michel, « De quel don parle-t-on ? » [en ligne], in Tirer bénéfice du don, pour soi, pour la société, pour l’économie, Stimulo, ISSN 2265-7754, 1 vol., Limoges, France, FYP, 2013, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/donner-une-capacite-naturelle-mais-limitee>.
2 Deci Edward L., Ryan Richard M. (éd.), Handbook of self-determination research, 1 vol., Rochester, Royaume-Uni, The University of Rochester Press, 2004.
3 « Motivation » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/Motivation>, (consulté le 30 janvier 2014).
4 Voir en particulier les travaux d'Elinor Omstrom, "prix Nobel" d'économie 2009 pour ses travaux sur la gouvernance des biens communs par les communautés elles-mêmes : Eychenne Fabien, « Notions de base - Annexe 7 - E. Ostrom : la gouvernance des biens communs » [en ligne], Réseau social de la Fing, disponible sur <http://www.reseaufing.org/pg/blog/fabien/read/83725/notions-de-base-annexe-7-e-ostrom-la-gouvernance-des-biens-communs>, (consulté le 30 janvier 2014).
5 Cornu Jean-Michel, La monnaie, et après ? guides des nouveaux échanges pour le XXIe siècle, Limoges, FYP éd., 2012.
6 Csíkszentmihályi Mihály, Servan-schreiber David, Vivre: la psychologie du bonheur, trad. Bouffard Léandre Éditeur scientifique, Pocket. Évolution, ISSN 1639-5727Presses pocket (Paris), ISSN 0244-6405 12335, 1 vol., Paris, France, Pocket, 2005.
7 « Flow (psychologie) » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/Flow_(psychologie)>, (consulté le 30 janvier 2014).
8 « Michael Norton : Comment acheter le bonheur | Video on TED.com » [en ligne], Ted : Ideas worth spreading, disponible sur <http://www.ted.com/talks/lang/fr/michael_norton_how_to_buy_happiness.html>, (consulté le 30 janvier 2014).
9 Le terme est de Laurent Marseault de Outils Réseaux
10 « Pay it forward: Nipun Mehta @ TEDxGoldenGateED » [en ligne], Ted : Ideas worth spreading, disponible sur <http://blog.tedx.com/post/17375163362/pay-it-forward-nipun-mehta-tedxgoldengateed>, (consulté le 30 janvier 2014).
11 Cornu Jean-Michel, « Le taux de satisfaction des besoins réels identifiés » [en ligne], in Tirer bénéfice du don, pour soi, pour la société, pour l’économie, Stimulo, ISSN 2265-7754, 1 vol., Limoges, France, FYP, 2013, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/donner-une-capacite-naturelle-mais-limitee>.
12 Lecomte Jacques, La bonté humaine: altruisme, empathie, générosité, 1 vol., Paris, France, O. Jacob, 2012.
Lecomte, Jacques. La bonté humaine : altruisme, empathie, générosité. O. Jacob, 2012. 398 p.
13 « TEDxBerkeley - Nipun Mehta - Designing For Generosity » [en ligne], YouTube, disponible sur <http://www.youtube.com/watch?v=kpyc84kamhw&feature=youtu.be>, (consulté le 30 janvier 2014).
14 Cornu Jean-Michel, « Le don plus efficace que l’échange ? » [en ligne], in Tirer bénéfice du don, pour soi, pour la société, pour l’économie, Stimulo, ISSN 2265-7754, 1 vol., Limoges, France, FYP, 2013, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/donner-une-capacite-naturelle-mais-limitee>.
15 Nipun Mehta, « Research On Pay Forward Phenomena » [en ligne], ServiceSpace, disponible sur <http://www.servicespace.org/blog/view.php?id=10053>, (consulté le 30 janvier 2014).
16 Dvorsky George, « 10 Reasons Why Oxytocin Is The Most Amazing Molecule In The World » [en ligne], io9, disponible sur <http://io9.com/5925206/10-reasons-why-oxytocin-is-the-most-amazing-molecule-in-the-world>, (consulté le 30 janvier 2014).
17 Zak Paul J., The moral molecule: The source of love and prosperityRandom House, 2012.
18 Yong Ed, « Non, l’ocytocine n’est pas la molécule de l’amour et de la morale » [en ligne], slate, trad. Gallaire Fabienne, disponible sur <http://www.slate.fr/story/59785/ocytocine-hormone-calin>, (consulté le 30 janvier 2014).
19 Dreu Carsten KW De, Greer Lindred L., Kleef Gerben A. Van, et al., « Oxytocin promotes human ethnocentrism », Proceedings of the National Academy of Sciences 108 (2011/4), p. 1262‑1266., (consulté le 30 janvier 2014).
20 Shamay-tsoory Simone G., Fischer Meytal, Dvash Jonathan, et al., « Intranasal administration of oxytocin increases envy and schadenfreude (gloating) », Biological psychiatry 66 (2009/9), p. 864‑870., (consulté le 30 janvier 2014).
21 Voir en particulier le podcast audio dis de Marcel Hibert sur Canal U : « La chimie de l’amour - Marcel Hibert - Université de tous les savoirs - Vidéo - Canal-U » [en ligne], disponible sur <http://web.archive.org/web/20120707042548/http://www.canal-u.tv/video/universite_de_tous_les_savoirs/dl.1/podcast.1/la_chimie_de_l_amour_marcel_hibert.7042>, (consulté le 30 janvier 2014).
22 Une autre hormone, la vasopressine, a également largement contribué à la survie de l'espèce mais avec une stratégie opposée à l'ocytocine. La vasopressine contrôle le système de lutte ou de fuite alors que l'ocytocine contrôle celui de type calme et contact. Le premier diminue le niveau de conscience alors que le second pourrait développer l'attention aux signaux sociaux.
23 Bartz Jennifer A., Zaki Jamil, Bolger Niall, et al., « Social effects of oxytocin in humans: context and person matter », Trends in cognitive sciences 15 (2011/7), p. 301‑309., (consulté le 30 janvier 2014).
24 Kosfeld Michael, Heinrichs Markus, Zak Paul J., et al., « Oxytocin increases trust in humans », Nature 435 (2005/7042), p. 673‑676., (consulté le 30 janvier 2014).
25 « Official Home of the Free Hugs Campaign » [en ligne], disponible sur <http://freehugscampaign.org/>, (consulté le 30 janvier 2014).

Historique de l'approche francophone de la coopération

Auteur de la fiche Jean-Michel Cornu
Licence de la fiche Creative Commons BY-SA
Description Jusqu'en 1990, la très grande majorité des personnes pensaient qu'il était impossible de travailler de façon efficace à plus d'une douzaine de personnes (à moins de mettre en place une hiérarchie pour faire des "groupes de groupes" ou de faire du travail à la chaîne qui ne demande une relation qu'avec ceux avant et après soi).

En 1991, Linus Torvalds, un étudiant finlandais, lance le développement du noyau du système d'exploitation Linux1. A la suite d'une annonce le 26 août 1991 sur le forum Usenet, plusieurs centaines de passionnés et d'entreprises de toute taille rejoignent le projet et travaillent ensemble au développement du système.

En 1997, Eric Raymond publie en ligne la première version de son texte "La Cathédrale et le Bazar2." qui donne des pistes pour comprendre comment le phénomène Linux a été possible dans le monde du logiciel libre. Il propose 19 règles pour le développement de façon collaborative de logiciels libre.

En 2000, Jean-Michel Cornu publie en ligne la première version de "la coopération nouvelles approches3." qui propose les neuf lois de la coopération en s'appuyant sur la cathédrale et le bazar d'une part, et sur des expériences personnelles en dehors du développement logiciel : l'association Vidéon (télévision participative et centre de ressources pour les autres télévisions participatives) et l'Internet Fiesta (fête mondiale de l'Internet qui s'est appuyée en 1999 et 2000 sur les principes du logiciel libre appliqués à la réalisation d'événements).

Vers 2001, un groupe informel naît de structures environnementales (Tela Botanica, Ecole et Nature, les écolos de l'Euzière). OCTR travaille à l'élaboration d'outils méthodologiques et informatiques pour le travail en réseau, le nom sera vite oublié mais ce groupe organise en 2003 une rencontre inter-réseaux "réseaux, mythes et réalités" dans le sud de la France.

En 2001 également, se crée l'association Créatif, réseau d'acteur de l'accès public, qui va produire de manière collaborative une série de guides animés par Philippe Cazeneuve. Cette même année est crée le collectif I3C de l'internet créatif coopératif et citoyen4. qui organise des rencontres Haillan (33) en novembre 2001, puis une rencontre régionale "en Bretagne armorique " en novembre 2002 à Brest du réseau I4C ou le 4eme C est rajouté pour convivial 5.

En 2002, le réseau Ecole et Nature, sous la houlette de Marc Lemonnier publie son guide "Fonctionner en réseau"6, synthèse d'analyses de pratiques des réseaux territoriaux d'éducation à l'environnement : écriture coopérative en 1995 de son premier guide pratique professionnel, expérience irréversible de coopération, organisation de rencontres régionales et nationales participatives.
Le réseau Tela-botanica des botanistes francophones 7 , créé en 1999 par Daniel Mathieu, s'appuie alors sur le livre la coopération nouvelles approches et sur les réflexions du réseau Ecole et Nature pour le mode de participation de ses membres. En 2013, le réseau atteint 20000 membres.

En 2004, la Fondation Internet Nouvelle Génération monte un groupe sur l'Intelligence Collective8. qui rassemble 130 spécialistes et praticiens francophones à la suite d'une conférence donnée par Pierre Levy. Pendant 3 ans, par l'intermédiaire d'échanges en ligne sur une liste de discussion, les membres croisent leurs savoirs et aboutissent à une première synthèse de l'intelligence collective sous la forme de 12 facettes. Ce travail permet d'aboutir en 2007 à un questionnaire "comprendre par vous même ce qui se passe dans un groupe9."

Toujours en 2004, à l'initiative de Michel Briand, le forum des usages coopératifs10. réuni à Brest plus de 250 acteurs impliqués dans les usages innovants et l'appropriation sociale. Il se déroule ensuite tous les deux ans. D'autres rencontres se créent en France autour de la coopération comme les étés TIC11 à Rennes à partir de 2009 devenus en 2013 "tu imagines ? Construits !12" ou bien encore les rencontres Moustic13 à Montpellier à partir de 2005. Elles sont l'occasion de croiser les expériences et de continuer de développer la compréhension des mécanismes de coopération (très grands groupes, recettes libre pour reproduire les projets coopératifs...). A cette même époque, les rencontres des acteurs de l'internet francophone, plus ancienne manifestation française de l'internet crées en 1997, accueillent une série d'ateliers faisant le point sur les avancées dans le domaine de la coopération. Le croisement des réseaux s'organise autour du site Intercoop14.

En 2010, l'association Outils Réseaux, lance la formation Animacoop15, "animer un projet collaboratif" en s'appuyant sur les résultats précédents. Plus d'une centaine de personnes sont formées à ce jour avec des sessions à Montpellier, Brest et Caen.

En 2011 se crée Imagination for People, une plate-forme internationale et une communauté dont le but est de repérer et soutenir les projets sociaux créatifs. Dans ce cadre, elle aide de nombreux groupes entre 100 et 1000 personnes à se créer et se développer. Le groupe Imagine produit le 12 mai de cette année une version plus aboutie de la méthodologie de production collective, développée au départ dans le cadre du groupe intelligence collective.

Toujours en 2011, le nouveau groupe sur l'innovation monétaire de la Fondation Internet Nouvelle Génération applique cette méthodologie avec 160 participants qui aboutie à des pistes radicalement innovantes qui sont publiées sous la forme d'un livre l'année suivante.

Le groupe des animateurs de groupe, AnimFr, est créé en 2011 à l'initiative de Outils Réseaux, Brest Métropole Océane et Imagination for People. Il rassemble 250 personnes parmi ceux qui ont fait la formation Animacoop de Outils Réseaux et ceux qui animent des groupes dont Imagination for People est partenaire.

Entre le 2011 et 2013, le projet européen CoopTIC, piloté par SupAgro Florac permet de former des formateurs en coopération en Belgique, Catalogne et France. Il abouti à des premières formations dans les différents pays et un livre en ligne rassemblant l'état actuel des connaissances sur le sujet.

En 2012, la méthode de production collective de documents dans des grands groupes commence à être appliquées par d'autres personnes que ses initiateurs. C'est le cas en particulier du groupe Question Numérique de la Fondation Internet Nouvelle Génération (travail coordonné par Amadou LO) et du document "La coopération expliquée à mon beauf" produit par le groupe AnimFr (travail coordonné par Gatien Bataille dans le cadre de la formation CoopTIC).

Toujours en 2012, les différentes facettes pour comprendre la coopération, produites par le groupe Intelligence collective de la Fing et les compétences développées dans le cadre de la formation Animacoop de Outils Réseaux sont actualisées et rassemblées pour conduire à la présentation d'ensemble "la coopération en 28 mots clés" qui est exposée dans le cadre d'Animacoop et du premier MOOC francophone ITYPA (Formation massivement en ligne et ouverte sur le thème "Internet, tout y est pour Apprendre").

En 2013, le groupe Adeo rassemblant 13 enseignes de bricolage dans le monde, définit sa stratégie produits, achats et supply chain pour les dix prochaines années, à l'aide de groupes de travail, d'une rencontre internationale, mais également d'un travail en ligne qui rassemble 1500 personnes en 7 langues pendant deux mois.

La même année, un document de synthèse décrit en détail la méthode pour produire des documents à plusieurs centaines de personnes pour être utilisée dans différents cadres.

Également en 2013 sort le logiciel en ligne Assembl développé par Imagination for People en partenariat avec l'Institut du Nouveau Monde au Québec pour faciliter la réalisation des cartographies textuelles proposées par la méthode.

Je suis devenu fan de l'accélérateur de projet

Témoignage Je suis enseignant à Montpellier SupAgro, dans la filière Ingénieur, mais aussi en Master et en Licence professionnelle. Dans le domaine de la communication écrite et orale, les travaux sont individuels ou collectifs.
Quel que soit le type de travail demandé, l'individu doit montrer sa capacité à mobiliser son réseau pour réfléchir à des solutions, résoudre des problèmes, contourner des difficultés. Travailler en autonomie n'exclut pas de faire confiance aux autres, de leur donner l'occasion de montrer leur disponibilité et leur intérêt à notre travail. C'est dans ce contexte que l'accélérateur de projet est opérationnel.
L'accélérateur de projet n'est pas un logiciel ni un outil informatique : c'est une méthode qui contraint les échanges entre cinq individus. Cette mise en situation dure 60 minutes. Un individu expose un problème qu'il confie au groupe. Le groupe y réfléchit pendant 30 minutes sans que le questionneur n'intervienne.

Je l'ai utilisé avec des ingénieurs en 2e année. De retour d'un stage ouvrier, une séance de débriefing en octobre a permis de faire parler les ingénieurs sur les fonctions, missions, activités dont ils ont eu la responsabilité lors du stage. Puis, d'évoquer les compétences qu'il leur semble avoir exprimées. Ensuite, de partager en groupe de cinq leurs expériences et des difficultés rencontrées. Chaque groupe décide ensuite de choisir un problème ou une difficulté rencontrée, pour la traiter avec la méthode "accélérateur de projet".
Les étudiants ont beaucoup apprécié ce moment, car c'est un vrai moment structuré d'échanges régulés. La méthode permet à chacun de s'exprimer même les plus discrets ou timides, et surtout elle permet d'éviter les recadrages intempestifs du questionneur qui doit se taire pendant la réflexion collective. À la fin de l'exercice, un enseignement particulier lié à la séance doit être formulé, c'est une pépite. Parmi les dernières d'entre elles : "c'était vraiment bien qu'il se taise après avoir exposé sa question" ; "développer l'écoute enrichit vraiment la réflexion".

Petite expérience irréversible de coopération !
Auteur de la fiche Laurent Tézenas - Montpellier SupAgro
Licence d'utilisation la ressource CC BY SA
Format d'animation expérimenté
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Un wiki au service d'un groupe de travail sur l'animation

Témoignage De puis 2012, un groupe de travail (GT) s'organise en Belgique francophone autour de l'animation "dehors".
Ce Gt visent les professionnels de l'éducation à l'environnement, enseignants, bénévoles, sympathisants...
Il vise à créer les conditions favorables à un travail collectif pour favoriser la pratique de la sortie nature en Wallonie, pour les grands et les petits.

Après une gestion "traditionnelle" du GT (échange de mails), l'animateur du réseau a opté pour la mise en place d'un site internet wiki (yeswiki) couplé à une mailing list.
Ce passage a permis la création d'une dynamique plus participative et décentralisée du GT.

Dans un premier temps, le wiki a été créé et customisé par un membre du réseau maîtrisant l'outil technique.
Les pages du wiki ayant été placées comme "modifiable par tous", l'animateur de réseau garde la main complète sur le contenu du wiki et ne dépend de personne pour modifier et faire vivre le wiki.
Afin de diminuer encore les freins à la participation sur ce wiki(certains membres du réseau ayant une appréhension par rapport aux outils TIC et donc aussi par rapport à l'utilisation d'un wiki -bien que très simple-) il a été décidé d'intégrer dans certaines pages du wiki (construction des ordres du jour, PV des réunions...) des "pad" (espace d'écriture direct ne nécessitant pas de compte ou de connaissances techniques).

L'utilisation de ce wiki a permis :

L'utilisation de ce wiki a soulevé les remarques suivantes :
  • Une clarification de la licence utilisée pour les productions collectives (CC BY SA) a rencontré une enthousiasme étonnant.
  • La pratique de co-construction des ordres du jour ou des PV ravis divers membres peu habitués à ce genre de pratique dans leur structure.
  • Il conviendra de mettre en place une formation sur le wiki afin de que TOUS les membres soient capables de modifier à leur guise le wiki.
Auteur de la fiche Gatien Bataille
Licence d'utilisation la ressource CC BY SA
Outil numérique expérimenté
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Utilisation des questionnaires Google à la FNAMI LR.

Témoignage Le réseau des musiciens intervenants est principalement animé par un petit groupe autour de sa présidente.
La mise en place d'un questionnaire devait permettre de tester les idées de ce groupe restreint auprès de l'ensemble des membres du réseau et éventuellement de les enrichir.
La première option (faire un questionnaire papier, l'envoyer, récupérer les réponses, les saisir, les traiter puis en faire une synthèse avant de la restituer au groupe) fut vite abandonnée : trop de temps, et trop de moyens nécessaires.
Afin de faciliter le travail, un questionnaire Google a été mis en place.
Le premier "L'association FNAMI-LR existe depuis 2003, répond-elle à nos besoins ? Vers quoi voulons-nous évoluer ? " a permis de récupérer près de 100 réponses.

Formation à l'usage des questionnaires Google

Un peu plus d'une heure a été nécessaire pour apprendre à créer un questionnaire pour des personnes néophytes, cette formation a permis au groupe de prendre totalement en main l'outil qui est maintenant assez systématiquement utilisé. On a pu noter son utilisation par ces bénévoles associatifs dans un cadre professionnel.

Administration du questionnaire

Les questionnaires créés ont été envoyés par mail mais aussi mis sur le site de la FNAMI. Cela permettait aux membres du réseau de répondre en direct aux questions posées. Les résultats s'incrémentaient automatiquement dans un tableau de Google Document.

Analyse des résultats

Google Document permet de faire un traitement automatiques des réponses lorsqu'il le peut (histogrammes, moyennes, camemberts...) grâce à la fonction formulaire/afficher un résumé des réponses. Plusieurs pages de traitement facilitent énormément le travail d'analyse.

Restitution des résultats

Les résultats ont été restitués lors d'une assemblée générale. Ils ont confirmé certaines analyses du groupe de pilotage, permettant au passage la démonstration collective et partagée des besoins mais ils ont surtout révélé un certain nombre de nouveaux points jugés par le groupe comme prioritaires.
Certains résultats ont été restitués automatiquement sur le site grâce à la possibilité qu'offre Google de créer des widgets des résultats sous forme de carte, sous forme de graphique ou sous forme de tableau...
Ce procédé de restitution immédiate et automatique a de nombreuses vertus : renforcement positif de la participation (ce que j'ai donné est de suite utilisé et visible), encouragement à la participation (on ne me voit pas, il faut que je réponde), ça fait "Bling bling" et certains y sont sensibles ;-)
Auteur de la fiche FNAMI LR
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