{"bf_titre":"Pourquoi \u00e7a ne va pas plus mal ?","bf_description":"Quelques id\u00e9es \u00e0 partir de la conf\u00e9rence du 5 avril de Patrick Viveret\r\n\r\n

\"L'humanit\u00e9 a rendez-vous avec elle-m\u00eame\"

\r\nL'homme est arriv\u00e9 \u00e0 un tournant. Il pouvait auparavant modifier ou d\u00e9truire une partie de la plan\u00e8te (sa niche \u00e9cologique) ou de son esp\u00e8ce; il est devenu capable aujourd'hui de d\u00e9truire l'int\u00e9gralit\u00e9 de son esp\u00e8ce ou de sa niche \u00e9cologique.\r\nL'aventure humaine pourrait se terminer de diff\u00e9rentes fa\u00e7ons :\r\n - La guerre \u00e9conomique : nous ne sommes pas dans un syst\u00e8me de concurrence (courir ensemble) mais dans une logique guerri\u00e8re o\u00f9 nous nous retournons contre plus faible que nous et o\u00f9 l'int\u00e9r\u00eat individuel se retrouve le plus souvent en conflit avec l'int\u00e9r\u00eat de l'ensemble de la soci\u00e9t\u00e9.\r\n - Par le d\u00e9r\u00e8glement climatique (terme plus adapt\u00e9 que r\u00e9chauffement climatique), qui pourrait aboutir \u00e0 la destruction de la niche \u00e9cologique de l'homme (\"le d\u00e9fi EGOlogique est bien plus dur \u00e0 traiter que le d\u00e9fi \u00e9cologique\"...). Le d\u00e9r\u00e8glement climatique a \u00e9t\u00e9 d\u00e9montr\u00e9 comme une cons\u00e9quence du premier point.\r\n - La guerre \u00e9conomique, pr\u00e9vue au d\u00e9part pour r\u00e9guler les \u00e9changes entre les hommes, repr\u00e9sente donc le principal danger pour sa survie. Comment faire pour que l'homme, qu'Edgar Morin qualifie \"d'homo sapiens demens\" puisse profiter de la face positive de sa double nature pour continuer et transcender sa propre aventure ?\r\n

Comment tout a d\u00e9riv\u00e9 ?

\r\nIl y a eu une d\u00e9viation, qui fait qu'aucune autre soci\u00e9t\u00e9 n'a accord\u00e9 une telle importance \u00e0 l'\u00e9conomie. Habituellement, l'\u00e9conomie est subordonn\u00e9e \u00e0 des activit\u00e9s jug\u00e9es plus fondamentales : la religion, la politique, la culture, la philosophie... Il se cr\u00e9e alors un \u00e9quilibre entre les diff\u00e9rentes formes de r\u00e9gulation : \u00e9conomie, \u00e9tat, solidarit\u00e9 (\u00e9conomie du don)...\r\n\r\nCela s'est fait en plusieurs \u00e9tapes :\r\n - Au Moyen \u00c2ge, se cr\u00e9e la notion de p\u00e9ch\u00e9 mortel dont l'exemple par excellence \u00e9tait le pr\u00eat par int\u00e9r\u00eat. L'int\u00e9r\u00eat fait que l'homme cr\u00e9e de l'argent alors que seul Dieu peut cr\u00e9er. Si on a d\u00e9gag\u00e9 un int\u00e9r\u00eat financier d'une action, il faut le rembourser (\u00e0 l'exception de la part qui repr\u00e9sente un service r\u00e9el qui est estim\u00e9e \u00e0 5%). Le p\u00e9ch\u00e9 mortel envoyait directement en enfer dans une chr\u00e9tient\u00e9 qui proposait une vision extr\u00eamement bipolaire du monde (le bien\/le mal, le paradis\/l'enfer) tr\u00e8s probablement sous l'influence du manich\u00e9isme (III et IVe si\u00e8cles) qu'elle a pourtant combattu.\r\n - Au XIIe si\u00e8cle, le purgatoire est invent\u00e9. Le syst\u00e8me binaire devient ternaire. L'accumulation du capital envoie au purgatoire qui n'est plus aussi d\u00e9finitif que l'enfer (Jacques Le Goff , \/\/La Bourse et la vie : \u00e9conomie et religion au Moyen \u00c2ge\/\/, Hachette Litt\u00e9ratures, Paris 1986).\r\n - Avec la r\u00e9forme protestante au XVIe si\u00e8cle, la richesse devient licite. Elle est m\u00eame un indicateur de salut. C'est la jouissance de cette richesse qui interdite.\r\n - Les temps modernes sont caract\u00e9ris\u00e9s par ce que Max Weber consid\u00e8re comme un passage de l'\u00e9conomie du salut (la foi) vers le salut par l'\u00e9conomie.\r\n - Les temps modernes ont apport\u00e9 l'individuation, l'\u00e9mancipation mais aussi l'individualisme (l'\u00e9conomie est pr\u00e9vue pour g\u00e9rer la raret\u00e9 et n\u00e9cessite un \"agent\" individuel et rationnel). Les soci\u00e9t\u00e9s traditionnelles, \u00e0 l'inverse, \u00e9taient bas\u00e9es sur le sens et le lien social. Mais le sens \u00e9tait impos\u00e9 et le lien social avant tout bas\u00e9 sur un contr\u00f4le des individus.\r\n\r\nComment sortir de la modernit\u00e9 ? Cela peut se faire :\r\n - Soit par une r\u00e9gression (un retour \u00e0 une soci\u00e9t\u00e9 du contr\u00f4le et une perte de l'individuation).\r\n - Soit en cherchant \u00e0 conserver le meilleur des soci\u00e9t\u00e9s traditionnelles (sens et lien social) et de la modernit\u00e9 (individuation et \u00e9mancipation). \r\n

Nous sommes coinc\u00e9s dans la phase interm\u00e9diaire

\r\nPourtant, bien qu'elle ait \u00e9t\u00e9 cr\u00e9\u00e9e pour r\u00e9soudre un probl\u00e8me de raret\u00e9, l'\u00e9conomie n'a \u00e9t\u00e9 pr\u00e9vue que comme une phase de transition pour arriver \u00e0 une autre soci\u00e9t\u00e9 :\r\n - Pour Adam Smith, le r\u00f4le de l'\u00e9conomie \u00e9tait d'organiser l'abondance afin de r\u00e9unir les conditions pour construire ensuite une \"r\u00e9publique philosophique\".\r\n - D'une certaine fa\u00e7on, Marx dit la m\u00eame chose en indiquant \u00e0 terme la sortie du r\u00e8gne de la n\u00e9cessit\u00e9 pour entrer dans le r\u00e8gne de la libert\u00e9.\r\n - Keynes consid\u00e9rait que l'\u00e9conomie \u00e0 terme devait occuper une place r\u00e9duite dans l'activit\u00e9 sociale ; et que les \u00e9conomistes devaient accepter que leur r\u00f4le ne soit pas plus important que celui des \"dentistes\". \r\n - De nos jours, le programme \u00e9conomique a \u00e9t\u00e9 r\u00e9alis\u00e9, contrairement aux apparences : nous sommes en surproduction depuis 1930 et le monde en g\u00e9n\u00e9ral est actuellement trois fois plus riche qu'il ne l'\u00e9tait en 1960 avec pourtant un tiers de travail en moins.\r\n- Plus \u00e9difiant encore, le Programme des Nations Unis pour le D\u00e9veloppement (Pnud) a \u00e9valu\u00e9 \u00e0 100 milliards de dollars la somme \u00e0 trouver par an pour \u00e9radiquer la faim, permettre l'acc\u00e8s \u00e0 l'eau potable pour tous, pour les loger d\u00e9cemment et combattre les grandes \u00e9pid\u00e9mies. Cette somme est \u00e0 comparer avec les 2500 milliards de dollars que repr\u00e9sentent le march\u00e9 des stup\u00e9fiants (qui prolif\u00e8re sur le mal \u00eatre), celui des armes (qui prolif\u00e8re sur la peur) et celui de la publicit\u00e9 (qui prolif\u00e8re gr\u00e2ce aux \"cerveaux disponibles\" dont parle Patrick Le Lay).\r\n\r\nSi le programme \u00e9conomique de sortie de la raret\u00e9 a \u00e9t\u00e9 accompli, pourquoi ne passe-t-on pas \u00e0 autre chose ? A l'\u00e9tape suivante de r\u00e9alisation de l'homme ? (Maslow, dans sa c\u00e9l\u00e8bre pyramide, explique qu'il y a une hi\u00e9rarchie des besoins, depuis la survie et la s\u00e9curit\u00e9, jusqu'\u00e0 la r\u00e9alisation de soi).\r\n

Un incroyable processus d'\u00e9vitement

\r\nNous sommes donc dans une guerre \u00e9conomique sans cause \u00e9conomique mais avec une formidable d\u00e9rivation de la richesse. Pour Patrick Viveret, nous sommes dans un incroyable processus d'\u00e9vitement : l'\u00e9conomie qui devait organiser l'abondance pour passer ensuite \u00e0 la \"r\u00e9publique philosophique\" d'Adam Smith, est rest\u00e9e bloqu\u00e9e et g\u00e8re avant tout le mal \u00eatre. \"L'envie d'\u00eatre\" a \u00e9t\u00e9 remplac\u00e9e par \"l'envie d'avoir\" ou m\u00eame \"la peur de ne pas avoir\".\r\nLa notion de d\u00e9pense a \u00e9t\u00e9 \u00e9tudi\u00e9e par Georges Bataille non sous l'angle de la n\u00e9cessit\u00e9, mais sous celui du luxe (La Notion de d\u00e9pense puis La Part maudite, Minuit Critique , 1967). M\u00eame lorsque nous atteignons l'abondance, nous nous soumettons \u00e0 ce que La Bo\u00e9tie a appel\u00e9 la \"servitude volontaire\" (discours de la servitude volontaire). Nous d\u00e9pensons et nous nous cr\u00e9ons des besoins suppl\u00e9mentaires de s\u00e9curit\u00e9 (et de reconnaissance des autres) pour ne pas passer aux \u00e9tapes suivantes (\"estime de soi\" puis r\u00e9alisation de soi\" dans la pyramide de Maslow).\r\nJohn Maynard Keynes expliquait d\u00e9j\u00e0 en 1930 (Essais sur la monnaie et l'\u00e9conomie. Les cris de Cassandre, Paris, Payot, 1972) que les soci\u00e9t\u00e9s humaines se sont organis\u00e9es pour lutter contre la p\u00e9nurie et ne sont pas pr\u00e9par\u00e9es culturellement \u00e0 la sortie de la raret\u00e9. \"Je songe avec terreur au r\u00e9ajustement de ses habitudes que l'homme devra effectuer. Il lui faudra se d\u00e9barrasser en quelques d\u00e9cennies de ce qui lui a \u00e9t\u00e9 inculqu\u00e9 au cours des g\u00e9n\u00e9rations multiples. Ne faut-il pas s'attendre \u00e0 une d\u00e9pression nerveuse collective ?\"\r\n

L'homme \/\/bugg\u00e9\/\/

\r\nPourquoi restons-nous au milieu du gu\u00e9, embourb\u00e9 dans le mal \u00eatre, alors m\u00eame que nous avons r\u00e9ussi \u00e0 produire plus que n\u00e9cessaire pour assurer la s\u00e9curit\u00e9 mat\u00e9rielle de l'ensemble des hommes ? Pourquoi donc ne pouvons nous pas passer \u00e0 l'\u00e9tape suivante de la \"r\u00e9publique philosophique\" et cherchons-nous \u00e0 prolonger la phase interm\u00e9diaire au risque de d\u00e9truire la plan\u00e8te et nous m\u00eame ?\r\nFreud, dans \"\/\/Malaise dans la civilisation\/\/\" (PUF, 2004), parle de pulsion de mort (\/\/Tanatos\/\/) (voir le r\u00e9sum\u00e9 sur Wikip\u00e9dia)\r\nSans doute faut-il revenir \u00e0 ce qui fait l'esp\u00e8ce humaine. Nous sommes une esp\u00e8ce vuln\u00e9rable. Notre survie est sans doute due \u00e0 notre capacit\u00e9 \u00e0 faire des alliances volontaires avec nos cong\u00e9n\u00e8res, ce qui pourrait nous avoir apport\u00e9 la capacit\u00e9 de communiquer par le discours et partant, l'intelligence (voir mon billet sur \"et si nous n'\u00e9tions pas si individualistes ?\"). Pourtant le d\u00e9veloppement de l'intelligence impose un temps plus long au petit d'homme pour parvenir \u00e0 l'autonomie. Lors m\u00eame de notre naissance, nous sommes une esp\u00e8ce de pr\u00e9matur\u00e9 qui continu de se d\u00e9velopper en dehors du ventre de sa m\u00e8re (voir la notion de n\u00e9ot\u00e9nie). Nous avons d\u00e9pass\u00e9 notre vuln\u00e9rabilit\u00e9 physique et psychique en nous alliant aux autres (pas avec tous mais avec un nombre limit\u00e9, ce que Hume appelait une sph\u00e8re de sympathie privil\u00e9gi\u00e9e) et en \u00e9tant couv\u00e9 plus longtemps au sein de la famille. Mais se sentir vuln\u00e9rable nous pousse \u00e9galement soit \u00e0 fuir, soit \u00e0 attaquer. La vuln\u00e9rabilit\u00e9 conduit... \u00e0 la guerre pr\u00e9ventive.\r\nC'est sans doute dans ce sentiment m\u00eal\u00e9 de force et de vuln\u00e9rabilit\u00e9 qu'il faut comprendre la guerre \u00e9conomique et le besoin de se retourner contre les plus faibles...\r\nOn retrouve le plus souvent deux approches face \u00e0 cette difficult\u00e9 :\r\n - La tradition misanthrope qui consid\u00e8re l'\u00eatre humain comme la cause de tous les maux (en religion dans le p\u00each\u00e9 originel mais aussi dans certains courants \u00e9cologiques qui consid\u00e8rent l'humain comme un simple parasite de la plan\u00e8te ou encore dans certaines visions \u00e9conomiques ou l'humain est superflu faces aux forces de r\u00e9gulation du march\u00e9)\r\n - La tradition id\u00e9aliste qui cherche \u00e0 remettre l'humain au centre. Mais cela ne r\u00e9sout pas le probl\u00e8me : la pulsion de destruction de l'\u00eatre humain qui se sent vuln\u00e9rable. \r\nComment sortir de ce dilemme ? Dans les deux cas, nous cherchons juste \u00e0 \"faire sauter le verrou\" comme si, une fois cela d\u00e9pass\u00e9, l'humanit\u00e9 \u00e9tait r\u00e9concili\u00e9e avec l'univers. Mais ce \"verrou\" est en fait le point de d\u00e9part. Devenir humain est un long chemin et nous sommes en \"hominescence\", suivant le terme de Michel Serres.\r\n

\"On ne r\u00e9sout pas un probl\u00e8me avec les modes de pens\u00e9e qui l'ont engendr\u00e9\" (Albert Einstein)

\r\nKeynes \u00e9crit dans la pr\u00e9face de \"perspectives \u00e9conomiques pour nos petits enfants\" (un des textes inclus dans Essais sur la monnaie et l'\u00e9conomie. Les cris de Cassandre) : \"Et il se trouve que pour une subtile raison tir\u00e9e de l'analyse \u00e9conomique, la foi, dans ce cas, peut agir. En effet, si nous agissons contin\u00fbment sur la base d'une hypoth\u00e8se optimiste, cette hypoth\u00e8se tendra \u00e0 devenir r\u00e9alit\u00e9, tandis que nous pouvons nous maintenir \u00e0 jamais dans l'enfer du besoin en prenant pour base de nos actions une hypoth\u00e8se pessimiste\"\r\nEt si, plut\u00f4t que de rester hypnotis\u00e9s par notre vuln\u00e9rabilit\u00e9 et le risque de manquer de s\u00e9curit\u00e9, nous concentrions notre attention sur la r\u00e9alisation de soi, sur le sens ? Il s'agit l\u00e0 d'un v\u00e9ritable retournement copernicien : l'art de vivre peut alors \u00eatre compris pas uniquement comme une question individuelle mais au contraire comme une question collective.\r\nPourtant, il existe un triple changement qui pourrait repr\u00e9senter une opportunit\u00e9 pour modifier notre vision du monde :\r\n - Un changement d'air : le d\u00e9fi \u00e9cologique\r\n - Un changement d'aire : notre rapport au territoire\r\n - Un changement d'\u00e8re : la sortie de l'\u00e8re industrielle et m\u00eame des temps modernes \r\n\r\nIl existe un levier qui pourrait nous aider \u00e0 d\u00e9velopper cette nouvelle vision : l'\u00e9mergence de ceux que l'on appelle les cr\u00e9atifs culturels et surtout la prise de conscience qu'ils repr\u00e9sentent un nombre important.\r\n

L'\u00e9mergence des \"cr\u00e9atifs culturels\"

\r\nUne \u00e9tude, men\u00e9e aux \u00c9tats Unis sur 100000 personnes avait pour but de comprendre comment se r\u00e9partissent les conservateurs et les modernistes dans la culture am\u00e9ricaine. Mais le r\u00e9sultat a fait appara\u00eetre une part importante (un quart) de r\u00e9ponses incoh\u00e9rentes, voire contradictoires. L'hypoth\u00e8se a \u00e9t\u00e9 faite alors de l'\u00e9mergence d'un nouveau mod\u00e8le de culture qui fut d\u00e9crit comme les \"cultural creatives\".\r\nLes cr\u00e9atifs culturels consid\u00e8rent, contrairement aux autres familles socioculturelles, qu'il y a un lien entre la transformation personnelle et la transformation sociale. Ils ont un regard diff\u00e9rent du reste de la population sur :\r\n - L'\u00e9cologie, la plan\u00e8te et la nature\r\n - La place des femmes dans la soci\u00e9t\u00e9\r\n - L'importance respective d'\u00eatre, d'avoir ou de para\u00eetre\r\n - Le d\u00e9veloppement personnel\r\n - La politique, l'\u00e9conomie et les enjeux soci\u00e9taux\r\n - L'ouverture culturelle \r\nL'enqu\u00eate a ensuite \u00e9t\u00e9 r\u00e9alis\u00e9e dans l'Union Europ\u00e9enne et a confirm\u00e9 la m\u00eame tendance. Les r\u00e9sultats de l'enqu\u00eate fran\u00e7aise sont d\u00e9crits dans le livre \"les cr\u00e9atifs culturels en France\" (\u00e9ditions Yves Michel, Paris, mars 2007). Cinq grandes familles sont retenues (et non plus 2 ou 3 comme aux USA) :\r\n - Les \"cr\u00e9atifs culturels\" repr\u00e9sentent 17% de la population fran\u00e7aise des plus de 15 ans (soit 8 millions de personnes)\r\n - La famille des \"cr\u00e9atifs individualistes\" (proche des cr\u00e9atifs culturels mais r\u00e9sistants aux aspects de d\u00e9veloppement personnel) sont 21%\r\n - Les \"conservateurs modernes\" repr\u00e9sentent 20%\r\n - Les \"d\u00e9sabus\u00e9s sceptiques\" et les \"protectionnistes inquiets\" cumulent 42%\r\nLes deux derni\u00e8res familles (les \"d\u00e9sabus\u00e9s sceptiques\" et les \"protectionnistes inquiets\") regroupent une vision d\u00e9pressive du monde. Elles se replient sur elles-m\u00eames et ont donc une influence moindre sur la soci\u00e9t\u00e9.\r\nLes deux premi\u00e8res familles (les \"cr\u00e9atifs culturels\" et les \"cr\u00e9atifs individualistes\") repr\u00e9sentent 38% de la population mais ont aujourd'hui un impact moindre sur la soci\u00e9t\u00e9 car elles n'ont pas conscience de repr\u00e9senter plus qu'une cat\u00e9gorie marginale.\r\nC'est donc la famille socioculturelle des \"conservateurs modernes\" qui a aujourd'hui le plus d'influence sur la marche de la soci\u00e9t\u00e9.\r\n

Une autre approche

\r\nNous pouvons nous appuyer sur des forces d\u00e9j\u00e0 en place bien que potentielles, pour faire \u00e9voluer la soci\u00e9t\u00e9 et sortir enfin de la \"phase de transition\". Cela n\u00e9cessite une prise de conscience de l'importance de leur nombre par les tranches de la soci\u00e9t\u00e9 qui pourraient apporter une nouvelle vision.\r\nCette nouvelle vision consiste \u00e0 appliquer \u00e0 chaque domaine le principe propos\u00e9 par Einstein (\"On ne r\u00e9sout pas un probl\u00e8me avec les modes de pens\u00e9e qui l'ont engendr\u00e9\"). Ainsi, le probl\u00e8me des retraites est insoluble avec l'allongement de la dur\u00e9e de vie. Sans doute, d'autres pistes appara\u00eetraient en consid\u00e9rant les choses autrement et rempla\u00e7ant le mot retraite par \"libre activit\u00e9\" : une personne qui peut choisir librement son activit\u00e9 peut d\u00e9cider de ne rien faire, mais \u00e9galement peut pr\u00e9f\u00e9rer une activit\u00e9 qu'il aura choisie et dans laquelle son niveau d'implication sera par d\u00e9finition bien meilleure (voir la diff\u00e9rence entre \"mobiliser\" et \"s'impliquer\" : \/\/Internet Tome 2 - services et usages de demain\/\/ - chapitre 7 : l'appropriation des usages - encadr\u00e9 sur les projets coop\u00e9ratifs - page 97).\r\n\r\nAinsi, en arr\u00eatant de ne voir que les contraintes, nous pouvons focaliser notre esprit sur les opportunit\u00e9s et d\u00e9velopper de nouvelles solutions.\r\n

Le conflit d'int\u00e9r\u00eat

\r\nComment cette approche par les opportunit\u00e9s s'applique au conflit d'int\u00e9r\u00eat, un des aspects qui fait que l'homme semble ne pouvoir ressortir que la face destructive de sa double nature ?\r\nEn cas de conflit d'int\u00e9r\u00eat \"non-dit\", l'homme est oblig\u00e9 de choisir :\r\n - L'altruisme : il va dans l'int\u00e9r\u00eat de l'autre (ou celui de la collectivit\u00e9) \u00e0 son propre d\u00e9triment et se d\u00e9truit lui-m\u00eame...\r\n - L'individualisme : il privil\u00e9gie son propre int\u00e9r\u00eat au d\u00e9triment de l'autre ou des autres. \r\nDans les deux cas, il semble que nos actions ne puissent conduire qu'\u00e0 la destruction (de nous m\u00eame ou des autres).\r\nPourtant, Patrick Viveret rappelle que \"ce n'est jamais le d\u00e9saccord qui est dangereux mais le malentendu\". Lorsque les choses sont explicit\u00e9es, il est possible :\r\n - Soit de trouver une nouvelle approche qui fasse reconverger les int\u00e9r\u00eats (voir JM Cornu \/\/La coop\u00e9ration, nouvelles approches\/\/).\r\n - Soit de profiter du d\u00e9saccord pour trouver une nouvelle approche (processus dialectique). Le mouvement alter-mondialiste a m\u00eame lanc\u00e9 une \"m\u00e9thode de construction de d\u00e9saccords f\u00e9conds\".\r\n\r\nLa science politique s'est construite sur la r\u00e9solution des conflits d'int\u00e9r\u00eats par arbitrage. Mais le mode m\u00eame de r\u00e9solution produit lui-m\u00eame des conflits d'int\u00e9r\u00eats (\u00e9ventuellement avec celui m\u00eame qui est sens\u00e9 trancher pour les r\u00e9soudre). Au lieu de chercher \u00e0 r\u00e9soudre le probl\u00e8me de ces conflits ou pire \u00e0 les cacher lorsqu'on ne peut les r\u00e9soudre, sans doute faudrait-il les rendre au contraire explicite en cherchant d'abord \u00e0 \"se mettre d'accord sur l'objet du d\u00e9saccord\". Deux fois sur trois, le d\u00e9saccord est alors d\u00e9pass\u00e9. Mais m\u00eame si ce n'est pas le cas, le d\u00e9saccord de sortie est alors infiniment plus riche que le d\u00e9saccord d'entr\u00e9e (voir Patrick Viveret, \/\/Coop\u00e9ration ou comp\u00e9tition en \u00e9conomie ?\/\/, page 26).\r\n

Des logiques coop\u00e9ratives ET festives

\r\nLe mouvement ouvrier du XIXe si\u00e8cle a pu avancer car il avait choisi d'exp\u00e9rimenter sur lui-m\u00eame de nouvelles id\u00e9es sans attendre de les imposer \u00e0 la soci\u00e9t\u00e9. Il a ainsi cr\u00e9\u00e9 les mutuelles, la retraite, les syndicats... De m\u00eame, le mouvement des cr\u00e9atifs culturels pourrait exp\u00e9rimenter sur lui-m\u00eame ses nouvelles id\u00e9es \u00e9conomiques et coop\u00e9ratives.\r\nPour cela, il est important de sortir des messages qui nous sont martel\u00e9s et qui captent notre attention jusqu'\u00e0 nous hypnotiser. L'analyse transactionnelle d\u00e9finit cinq \"messages contraignants\". Trois d'entre eux sont guerriers et les deux autres puritains : \"sois parfait\", \"d\u00e9p\u00eache-toi\", \"sois fort\", \"fais un effort\", \"fais plaisir\". A ces messages, il nous faut opposer une logique coop\u00e9rative mais aussi ludique et festive.\r\nIl existe plusieurs initiatives qui exp\u00e9rimentent ces nouvelles postures :\r\n - Le \"Produit Int\u00e9rieur Doux\" des qu\u00e9b\u00e9cois\r\n - Le projet NANOUB : \"nous allons nous faire du bien\"\r\n - Le Collectif nouvelles richesses... \r\nA l'inverse, si nous nous approchons de ce que Patrick Viveret appelle les \"zones \u00e0 haute pathologie\" (les malades du pouvoir et des diff\u00e9rents messages contraignants identifi\u00e9s par l'analyse transactionnelle), soit nous sommes contamin\u00e9s, soit nous sommes d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9s. Nous devons donc nous prot\u00e9ger avec de la joie de vivre.\r\nLa vrai radicalit\u00e9 n'est pas dans le fait de se battre contre (ce qui m\u00e8ne aux m\u00eames m\u00e9canismes que ceux qui sont critiqu\u00e9s) mais plut\u00f4t dans les pratiques de convivialit\u00e9.\r\nPatrick Viveret conclut : \"choisir d'\u00eatre heureux est un acte politique\". C'est sans doute la meilleure fa\u00e7on de modifier notre point de vue pour que, l\u00e0 o\u00f9 nous restions bloqu\u00e9s dans la gestion sans fin des contraintes, nous puissions d\u00e9velopper de nouvelles opportunit\u00e9s.\r\nVoir \u00e9galement le site \"Dialogues en humanit\u00e9\" : http:\/\/dialoguesenhumanite.free.fr\/\r\n\r\n[Note : la proximit\u00e9 de mes travaux sur la coop\u00e9ration et sur l'\u00e9conomie d'abondance avec l'approche de Patrick Viveret m'avait \u00e9t\u00e9 indiqu\u00e9e par Manu Bodinier dans un de ses commentaires sur mon livre \"\/\/La coop\u00e9ration nouvelles approches\/\/\"]\r\n\r\nViveret Patrick, Pourquoi ça ne va pas plus mal ?, Transversales (Paris. 2005), ISSN 1772-5216, 1 vol., Paris, France, Fayard, 2005.","checkboxListeThematique":"5","bf_author":"Jean Michel Cornu","listeListeLicence":"1","checkboxfiche8":"RomaiN","data-imagebf_image":,"filename-imagebf_image":,"checkboxListeBrouillon":"1","id_typeannonce":"11","id_fiche":"PourquoiCaNeVaPasPlusMal2","date_creation_fiche":"2018-09-16 22:00:18","statut_fiche":"1","date_maj_fiche":"2018-09-16 22:00:18"}